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“1,5 dollar de l'heure, un bon salaire !”

Temps de lecture: 3 min

Assis sur une des poutrelles d’acier du gratte-ciel qu’ils construisent, onze hommes déjeunent les pieds dans le vide. Derrière eux se profile la ville de New York telle qu’elle est en 1932. C’est ce cliché célébrissime qui inspira la bédé "Giant". L’auteur franco-canadien Mikaël y raconte le quotidien d’un de ces ouvriers attachés à la construction du Rockefeller Center et évoque en toile de fond les difficiles conditions de vie et les liens de solidarité de ces travailleurs immigrés fuyant la pauvreté de leur pays mais arrivant dans une Amérique en pleine dépression même si les chantiers de construction sont nombreux à Manhattan. Mais Mikaël ne signe pas pour autant un album historique et social car il nous raconte les liens étranges que Giant, un homme imposant par la taille et taciturne de tempérament, va nouer avec Mary Ann, la veuve d’un de ses collègues tués accidentellement…

Vous nous faites entrer dans le cliché mythique en racontant la vie d’un de ses ouvriers ?

Je voulais raconter une histoire sur New York et quand j’ai vu cette photo, j’ai su que j’avais trouvé mon angle d’attaque : j’allais parler des immigrés qui avaient construit la ville. Mais vous savez, cette photo est une image publicitaire voulue par les Rockefeller. La famille entendait communiquer sur le chantier qui était l’un des plus importants au monde. En octobre 1932, elle a fait venir des photographes qui ont demandé aux ouvriers de poser en faisant semblant de déjeuner au 69e étage du RCA building, l’un des plus célèbres du Rockefeller Center. Certains ont encore leurs gants de travail sur la photo ! Vous n’imaginez pas que ces hommes mangeaient gantés, ni en équilibre sur une poutre ! Il y avait d’ailleurs une cafétéria tous les 5 étages, ainsi qu’une infirmerie et des toilettes. Tout était aménagé pour que les ouvriers restent actifs durant leurs heures de travail. Je me suis énormément documenté pour cet album. Tous les éléments que vous y voyez sont exacts, qu’il s’agisse des conditions de travail, des liens unissant les hommes, des outils, des pylônes de manutention servant à monter les poutres d’acier ou de la répartition des tâches entre les ouvriers : les chauffeurs de rivets, les rattrapeurs, les riveteurs. Ces derniers frappaient 400 rivets par jour !

Tous ces travailleurs, dites-vous, recevaient 1,50 dollar de l’heure.

Ce salaire est très bon pour l’époque. Malgré la peur qui pouvait les prendre et que certains surmontaient en buvant un petit coup, les ouvriers voulaient être engagés sur ce chantier. Ils y étaient mieux payés qu’ailleurs et étaient en plus considérés comme des héros, des "sky boys" qui "montaient" quatre étages par semaine.

Le travail n’était-il pas trop dangereux ?

Il y avait des accidents car les hommes travaillaient sans protection ni filet de sécurité. On considèrait que la construction de dix étages entraînait la mort d’un homme. Le RCA building a ainsi causé la mort de sept ouvriers…

Giant 1/2  est paru aux éditions Dargaud, 64 p., 13,99 euros.
Giant 1/2 est paru aux éditions Dargaud, 64 p., 13,99 euros.

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