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Londres, 8 avril 2013: deux reines pour un royaume

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Au matin du 9 avril 2013, un crêpe noir barre l’entrée de l’hôtel Ritz de Londres. C’est dans ce palace luxueux que l’ex-Dame de fer britannique a rendu son dernier souffle à l’âge de 87 ans, victime d’un ultime accident vasculaire cérébral. Depuis plusieurs mois, sa santé déclinait. En décembre, Margaret Thatcher était opérée d’une tumeur à la vessie. Comme elle était devenue impotente, elle ne pouvait plus circuler aisément dans sa résidence de Belgravia, avec ses nombreux escaliers. C’est donc au Ritz, à l’invitation de ses propriétaires, les frères Barclay, également patrons du quotidien de droite "Daily Telegraph", qu’elle signe l’épilogue de sa longue existence au service d’un royaume qu’elle chérissait presque autant que celle qui en est devenue l’illustre incarnation : Elizabeth II. Cette "autre dame" qui a partagé son trône conservateur durant ses onze années au 10, Downing Street. Elizabeth-Margaret, un curieux duo à la tête du pays. Elles avaient le même âge, à six mois près. La même garde-robe aussi, éternellement colorée. Même triple rangée de perles. Même brushing embrumé de laque. Même amour du sac à main porté à l’avant-bras. Un mimétisme qui agaçait Elizabeth. Pourtant, la Première ministre faisait des efforts. Un jour, elle écrit à Buckingham pour proposer de différencier leurs tenues à la veille d’un événement. Réponse du Palais : « La Reine ne remarque pas ce que les autres portent. » Dont acte. Sur un plan politique, l’une comme l’autre ont appris avec le temps à mettre de l’eau dans leur vin. Mais ce fut compliqué. Sur les dossiers brûlants comme la longue grève des mineurs en 1984, la Reine reprochait à Thatcher son manque de compassion pour les laborieux et les plus démunis. Elle fut heurtée par cette phrase de Margaret restée célèbre : « La société n’existe pas. » Au lendemain de la guerre des Malouines, alors que le prince Andrew avait pris part au conflit en sa qualité de capitaine de la Royal Navy, la Dame de fer a préféré diriger elle-même l’accueil officiel des troupes de retour à Londres. Elle se voulait chef de guerre. Calife à la place du calife.

« Sa révérence descend jusqu’en Australie ! »

Et pourtant, Thatcher vouait à la Reine une grande admiration. Chaque mardi à 18h30, elle lui faisait rapport des événements politiques sur un ton à la fois ferme et doucereux, qui agaçait la monarque. Un flot de paroles continu, qui ne laissait aucune place à la réplique royale. Elle arrivait toujours trop tôt, et s’asseyait systématiquement sur le bord du fauteuil, façon aristo, les mains sur les genoux, en utilisant le "nous". À force, Elizabeth s’y est faite. Mais elle qui aime la repartie, elle se rengorgeait. Car Mrs. Thatcher n’avait aucun humour. « Trop polie », disait la Reine, ajoutant que ses révérences « descendaient jusqu’en Australie ». À Balmoral, chaque année, Margaret et son mari Denis étaient conviés à un week-end barbecue. Au programme : charades et balades dans les Highlands. Tout ce que détestait la Dame de fer, plutôt citadine et studieuse. Elizabeth s’occupait pourtant de tout, jusqu’à la vaisselle, ce qui gênait fortement la Dame de fer qui, un jour, crut bon d’offrir à la Reine… des gants en caoutchouc ! Paradoxalement, la monarque a appris à aimer Margaret Thatcher et lui vouait un immense respect. Elle lui accordera le rang de baronne, l’Ordre de la Jarretière et celui du Mérite. Le 17 avril, Elizabeth rompt sa neutralité pour assister à ses funérailles, au premier rang des 2.300 personnes rassemblées à Saint-Paul. Seul Winston Churchill avait eu ce privilège ! Ce jour-là, Big Ben s’est tu. Des salves ont été tirées depuis la Tour de Londres pour accompagner le défilé. Des obsèques grandioses. À la hauteur, sans doute, du rêve royal de Miss Maggie.

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