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Fredensborg, 7 novembre 2000: Ingrid de Suède, reine des reines !

Le destin d’une princesse de Suède devenue reine par son mariage avec son “voisin danois” Fréderic IX.

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Elle avait l’allure frêle de ces souveraines qui ont consacré leur vie à leur charge. Le port de tête de ces femmes de pouvoir restées dignes face au destin implacable des grandes monarchies. D’autant que la dynastie danoise est l’une des plus anciennes d’Europe. Ingrid, née princesse de Suède, régnait du haut de ses 90 ans sur son petit monde fait de longues heures de lecture, de parties de cartes, de tea-time, entourée de ses dames de compagnie. Depuis quelques mois, en ce siècle finissant, l’ancienne souveraine était diminuée par une ostéoporose persistante qui la condamnait à se déplacer en chaise roulante. Mais la tête était là. Depuis sa retraite de Fredensborg, elle veillait sur le règne de sa fille Margrethe, lui prodiguant avec parcimonie quelques conseils avisés et toujours bienveillants. En son absence, elle jouait la régente du trône. Pour ses dix petits-enfants, la reine Ingrid était toujours là. Chaque été, elle les accueillait pour quelques jours dans sa résidence de Grasten.

Le 7 novembre, ils sont tous là pour l’accompagner dans son ultime voyage. À ses côtés, ses trois filles : Margrethe, Benedikte et Anne-Marie. Née le 28 mars 1910 dans une Europe encore en paix, la princesse Ingrid était l’unique fille du roi Gustav VI Adolf de Suède et de sa première épouse, la princesse Margaret de Connaught. Son arrière-grand-mère n’était autre que la reine Victoria. Ingrid n’a que dix ans lorsqu’elle perd sa maman d’une méningite au cours du huitième mois de sa sixième grossesse. C’est un choc pour Ingrid, qui tolère très mal le remariage de son père trois ans plus tard avec Lady Louise Mountbatten, sa cousine germaine. La jeune fille décide alors de ne faire confiance qu’à elle-même. Très indépendante, moderne, elle passe son permis de conduire, et se passionne pour une foule de sports : équitation, tennis sur gazon, natation et ski. Très courtisée, Ingrid « aux yeux bleus et aux cheveux d’or » est même présentée à son cousin, le prince de Galles, futur Edouard VIII. Mais cela ne colle pas. Et malgré toutes les tentatives de sa belle-mère, les fiançailles sont impossibles.

C’est du futur roi de Danemark dont Ingrid rêve. Ensemble, ils font un mariage d’amour. Pour son pays d’adoption, Ingrid apprend la langue. Elle tient à « faire sa vie » : elle promène ses bébés en landau dans Copenhague, circule à vélo et fréquente, seule, les galeries d’art. Les palais sont redécorés et le protocole simplifié. Ingrid veut détendre l’atmosphère autrefois si compassée de la couronne danoise. Frederik IX, son époux, est un père comblé : « Mon trèfle à quatre feuilles », dit-il souvent en parlant d’Ingrid et de leurs trois filles. En 1953, le couple royal se rend à l’évidence : il n’aura pas d’héritier mâle. Mais une loi successorale votée après référendum la même année règle définitivement le problème, faisant entrer le Danemark de plain-pied dans la modernité. La mesure, approuvée par une majorité de Danois, fera œuvre utile le 14 janvier 1972, à 19h50. Quelques jours après son discours de Nouvel An, le roi Frederik est frappé par la grippe. Il fait un malaise cardiaque, avant de tomber inconscient. Le souverain est emporté en peu de temps. Dans la foulée sa fille aînée Margrethe, terrassée par le chagrin, apparaît au balcon du parlement danois pour rassurer la foule. Ils ont une reine. Décédée à l’âge vénérable de 90 ans, Ingrid de Suède était fille de roi, épouse de roi, tante de roi et mère de deux reines. Le pari est gagné : Ingrid, faiseuse d’altesses, a honoré sa mission comme un sacerdoce, au service des couronnes danoise, suédoise, grecque et de l’aristocratie princière allemande. La dernière grand-mère de l’Europe moderne.

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