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Londres, 13 janvier 2017: Lord Snowdon, le sulfureux photographe des Windsor

L’an dernier disparaissait, à 86 ans, le dernier dandy anglais : Antony Armstrong-Jones avait épousé la princesse Margaret.

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Qu’est-ce qui a bien pu pousser la reine Elizabeth à admettre, dans son cercle restreint, un personnage aussi trouble que lord Snowdon ? Ce photographe du Tout-Londres, incorrigible fêtard doublé d’un charmeur insatiable, fréquentait déjà les Windsor lorsqu’il séduisit la princesse Margaret à la fin des années 50. Certes, sa sœur aînée a sans doute pensé qu’il ne lui correspondrait pas. Trop volage. Trop libre. Trop rebelle. Mais que faire face à une femme de trente ans déjà à qui fut déjà refusée une première union ? Roturier certes, mais après tout, n’est-il pas temps de passer la bague au doigt ? La reine mère se serait même réjouie de l’annonce des fiançailles en lançant une « chenille » au bas des marches de Clarence House. Car « Tony » était déjà fort apprécié, dans le cercle intime, pour ses photos naturelles, dépouillées d’apparat. Il savait capter l’authenticité dans le regard d’Elizabeth. Même après qu’il a quitté sa sœur, la Reine le garda près d’elle. Il immortalise Charles devenu prince de Galles, organise même son intronisation. Il fige les premiers sourires de William et Harry et immortalise la Queen Mother au soir de sa vie.

En 2010 encore, Antony réalisait un portrait d’Elizabeth tout en douceur. Il n’était plus l’ex-beau-frère, mais un photographe un brin fantasque, le seul capable d’aller chercher la lumière de l’âme. Celui qui fut, après son mariage avec Margaret, élevé au rang de comte de Snowdon, vicomte Linley, était plutôt du genre à séduire ses modèles. Et peu importe d’ailleurs qu’ils fussent une femme… ou son époux. En 1960, année de son mariage, Antony ne peut nier avoir fait un enfant à une ex-maîtresse. Aujourd’hui, Polly Fry a 57 ans. Traces ADN à l’appui, elle est bien la fille de Snowdon, née trois semaines après le mariage de son père. Avec Margaret, c’est une passion dévorante : de défilés en cocktails mondains, l’un comme l’autre noient leur amertume dans le gin, les liqueurs et la fumée de Gladstone. Il lui est infidèle. Elle le sait. Un jour, elle retrouve dans les pages d’un livre les notes manuscrites de son mari. Des pensées, comme des horreurs. « Tu ressembles à une juive manucurée. Je te hais », peut-elle lire.

La presse en fait son « bad hero » : le « Sun » l’appelle « le rebelle royal qui se bouscule ». Le « Telegraph » décrit Snowdon comme « petit en taille, grand au lit ». Tony s’en moque. Il ne vit que pour son travail. Directeur artistique du magazine du « Sunday Times », collaborateur pour « Vogue » ou « Vanity fair », il ne cesse de clicher aux quatre coins de la planète. Ce métier lui allait bien, car Antony était un insoumis. De quoi taper dans l’œil d’un autre révolté du même acabit : Serge Gainsbourg. Outre l’amour de la cigarette et de la dive bouteille, les deux hommes étaient des esthètes. Lord Snowdon avait échoué à être architecte, comme Gainsbourg avec la peinture. L’Anglais se moquait de son statut de photographe artiste, comme le chanteur qui voyait la chanson comme un art mineur. C’est Serge qui prend contact avec lui, alors en pleine séparation d’avec Margaret. Il l’emmène à bord du « Karnak » pour une descente du Nil. Le chanteur accompagnait Jane et toute l’équipe de tournage de « Mort sur le Nil ». La promiscuité, la chaleur et les longues journées l’ennuyaient profondément. C’est Serge qui suggère à Antony d’aller faire des clichés dans le désert. Le résultat ? La couverture de l’album « Aux armes et caetera ». Enregistré en Jamaïque… et illustré en Égypte !

Snowdon aura immortalisé les plus grands : Dietrich, Bowie, Dali ou Lawrence Olivier. Très diminué à la fin de sa vie, il est mort paisiblement chez lui, à Kensington. Au terme d’une vie que seule une chaise roulante a privé d’une indispensable liberté.

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