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Fredensborg, 13 février 2018 : l’adieu à Henrik, le franc-tireur de la couronne danoise

Souvenirs émus d’un prince atypique, rebelle à la révolte contenue mais profondément attachant.

Temps de lecture: 3 min

En mars 2017, "Place royale" était reçu au palais d’Amalienborg pour un entretien avec Sa Majesté la Reine Margrethe, en marge de la visite d’État prévue trois semaines plus tard à Copenhague. Nos deux familles sont liées depuis 150 ans. La reine Astrid était la nièce du roi Christian X. Mais, surtout, nos souverains ont, de tout temps, entretenu de profonds liens d’amitié. Il n’y avait donc aucune surprise dans notre chef lorsqu’à la question : « Votre époux, le prince Henrik, sera-t-il présent aux cérémonies ? », la reine réponde par l’affirmative. Si ce n’est que, trois semaines plus tard, de retour chez les Danois, nous ne vîmes pas l’ombre d’un prince consort dans les travées des palais nationaux. Ma déception était immense. Henrik, que j’ai eu l’occasion d’interviewer à plusieurs reprises, ne serait donc pas de la partie. Les diplomates sont avares de détails : « Le prince se repose. » Toute la délégation présente a alors la triste impression qu’elle ne reverra jamais ce bonhomme si fascinant, irrévérencieux comme on n’en fait plus, qui avait, durant tant d’années, fait le bonheur de nos chroniques royales par sa sympathie teintée d’amertume et de désillusions.

Drôle de destin que celui de ce comte français, devenu diplomate avant d’embrasser la "carrière" de prince consort après son mariage, en 1967, avec l’héritière du trône de Danemark. Henry avait abandonné son élégant "y" pour un sinistre "ik", par amour pour ce pays d’adoption qui ne l’a jamais vraiment accepté. En juin 2014, pour ses 80 ans, il nous invite au château de Fredensborg, la résidence de printemps des Glücksbourg. Le prince nous présente sa collection de signatures royales, gravées sur les vitres du salon : « Tous les souverains qui sont passés par ici ont signé, comme Albert II et Paola, mais aussi Jo et Johnny ! » Comprenez Jean et Joséphine-Charlotte de Luxembourg. « Chut ! On ne peut pas le dire, mais entre nous on s’appelle comme cela. » Petit secret éventé au passage. Dans son bureau, véritable fouillis de documents, des fauteuils ornés de coussins fabriqués à partir… de ses vieilles cravates ! « Un homme comme moi doit changer tout le temps d’habit. Donc ma couturière recycle. » Plus drôle encore : un fauteuil-niche pour Rosina et Elika, ses deux bassets. « Je m’assois dessus, et ensuite j’appelle le chien qui vient s’installer entre mes jambes ! »

Un "presque" Roi

Devant nos caméras, Henrik se joue de cette vie qu’il sait originale pour un homme de son rang. Mais au fil de notre conversation, son esprit se dirige vers ce qui constitue son tourment principal : sa position en retrait par rapport à son épouse. Il nous le dit sans détours. « Pourquoi fait-on la différence entre l’altesse et la majesté ? Vous imaginez si votre roi Philippe avait décrété : "Je suis roi, mais Mathilde restera princesse." Elle ne peut pas partager ma vie ? Je m’en fiche d’être roi, pêcheur ou inspecteur de police. Je m’en balance. Mais je ne supporte pas, et aucun homme au monde ne peut le supporter, de ne pas être l’égal de mon épouse. » Et le prince Philip, lui demande-t-on ? « Oh ! Il ne faut pas les citer. L’Angleterre, c’est une île. Pourquoi faudrait-il les copier ? » Tout est dit. À l’occasion d’un autre voyage, le facétieux époux nous avait reçus dans son vignoble familial de Cahors, au cœur du Lot, où il produit un excellent vin vendu jusqu’en Chine. La petite phrase qu’il nous avait alors sortie était tout sauf innocente. « Je viens ici me ressourcer, loin de la routine royale qui a ses devoirs. Quand je suis ici, je suis libre. Les gens ne sont pas là à regarder tout ce que je fais. » Au château de Caïx, n’en déplaise à Margrethe, il n’y avait qu’un seul roi.

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