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Le baiser est-il universel?

S’embrasser langoureusement est un geste amoureux qui relève bien plus de la culture que de la nature.

Temps de lecture: 3 min

Le baiser appartient à nos jeux amoureux ; se découvrir par les lèvres et la langue relève à nos yeux de l’essence même de l’érotisme. À tort ! S’embrasser appartient bien davantage à la culture qu’à la nature. Certes, les bonobos s’embrassent goulûment mais nos « french kiss » sont des pratiques que n’apprécient pas tous les humains qui peuplent cette planète. Bien au contraire. En juillet 2015, les anthropologues William Jankowiak, Shelly Volsche et Justin Garcia des universités de l’Indiana et du Nevada publiaient dans la revue « American Anthropologist » une importante étude dans laquelle ils montraient que notre baiser, romantique et sexuel, n’était présent que dans une minorité des 168 cultures étudiées, issues de neuf zones géographiques (Afrique, Asie, Europe, Amérique centrale, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Caraïbes, Moyen-Orient et Océanie). À leur grand étonnement, les chercheurs ont découvert que seules 77 d’entre elles, soit (46 %), adoptaient ce rite amoureux. Et les spécialistes d’expliquer que c’est l’ethnocentrisme occidental qui nous fait croire que le baiser sexuel est universel, rappelant au passage qu’en 1890, le peuple Thonga d’Afrique australe confia sa répugnance à voir les Européens s’embrasser. Dans son ouvrage de 1864 « Savage Africa », l’explorateur anglais William Winwood Read rapporta qu’il avait effrayé une jeune princesse africaine en voulant l’embrasser car celle-ci croyait, expliqua-t-il, qu’il voulait la dévorer. « Les Africains ne savent pas ce qu’est le baiser », conclut-il. Au début du XXe siècle, l’anthropologue Paul d’Enjoy rapporta lui aussi dans ses écrits le dégoût des Chinois par rapport au baiser profond. Les échanges de salive et de sécrétions personnelles auxquels ces baisers donnent lieu leur semblent aussi intimes que peu hygiéniques. Ce que la science semble confirmer puisqu’un baiser profond est lié en moyenne à l’échange de 40.000 parasites, de dizaines de millions de bactéries de 250 types différents, de quelques milligrammes d’albumine, sel, graisses et matières organiques. Mais s’ils sont jugés ragoûtants, les baisers ne sont pas pour autant absents de ces sociétés mais ils prennent des formes érotiques autrement codifiées. Ils peuvent être échanges de souffles, vibrations, effleurements.

Mais revenons à nos baisers langoureux et libidineux qui nous semblent si évidents – popularisés par le cinéma hollywoodien –, même en Occident, ils ont une histoire et des codifications qui ont évolué au fil des siècles. Si le baiser a été longtemps dans nos contrées un geste social et politique, il se serait immiscé dans nos vies intimes essentiellement à partir de la Renaissance pour devenir peu à peu le symbole même du désir érotique, loué par maints artistes. Ce qui n’empêche pas les ritualisations différentes qui peuvent d’ailleurs donner lieu à des étonnants quiproquos. Le plus célèbre d’entre eux est sans doute celui qui eut lieu lors de la deuxième guerre mondiale entre Américains et Anglais. Ils découvrirent qu’ils percevaient autrement ce qu’ils appelaient le French kiss, une appellation datant de la première guerre mondiale et qui par elle-même montre toute la relativité de la pratique. Pour les soldats américains, embrasser de cette façon une jeune fille faisait partie des premiers préliminaires alors que pour les jeunes britanniques, de telles embrassades étaient perçues comme symboliques d’un engagement amoureux, les préludes à de futures fiançailles. Une telle différence de conception provoqua bien des différends qui parfois durent se régler par voie diplomatique ; certaines jeunes filles réclamaient d’être épousées après de tels baisers enflammés !

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