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Un musée d’art érotique à Bruxelles

Depuis 1962, le Dr Guy Martens entretient une collection très particulière qui est exposée dans le quartier du Sablon.

Temps de lecture: 5 min

Une terre cuite babylonienne vieille de plus de 4.000 ans montrant deux divinités en plein ébat, des porcelaines chinoises explorant le plaisir dans toutes les positions, un imposant phallus en cristal du Val Saint-Lambert réalisé par un ouvrier de l’usine sur… son temps de pause, des boîtes en bronze très sages qui s’ouvrent sur des scènes intimes, des godes chinois creux en écaille de tortue destinés à soutenir la virilité, des estampes érotiques japonaises, des tableaux anciens mettant en scène le péché originel, une litho de l’artiste pop américain Tom Wesselmann et une autre de Paul Delvaux, des dents de cachalot et défenses de mammouth sculptées de scènes amoureuses, des pipes auxquelles se cramponnent de belles dénudées, des cannes ornées de fesses et de sexe, des dessins de James Ensor, des loupes de 1930 dévoilant des moments coquins, le sexe géant de Raspoutine en ivoire, des cartes de jeu indiennes, des statues précolombiennes et africaines, des miniatures perses, des étuis à cigares à double couvercle…

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Ce ne sont pas moins de 800 œuvres d’art érotiques qu’un médecin bruxellois, le docteur Guy Martens, 73 ans aujourd’hui, a achetées au fil des décennies. Les pièces, exposées pour la plupart dans un joli petit musée privé du quartier du Sablon, appartiennent à différentes époques et civilisations, mais toutes disent combien depuis la nuit des temps la sexualité est au cœur de l’existence humaine et peut se transmuer en un art érotique troublant et sophistiqué.

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Vous êtes tout à la fois médecin et collectionneur!

J’ai travaillé toute ma vie comme médecin mais l’art est ma passion. À 18 ans, je me souviens avoir dit à mon père – médecin lui aussi, comme mon grand-père – que je voulais étudier l’histoire de l’art. Mais il m’a répondu: «Fais d’abord ta médecine.» Il m’expliqua que les places de conservateur de musée étaient rares et qu’il valait mieux que je devienne médecin. À cette époque-là, – je suis né en 1945 – on ne s’opposait pas à la volonté de ses parents. J’ai donc suivi les études demandées à Leuven et mené l’essentiel de ma carrière comme médecin du travail pour le CPAS de la Ville de Bruxelles. Ce métier très varié m’a permis d’avoir du temps libre.

d-20190108-3QL7XW 2019-01-08 18:12:57

Votre vraie passion est l’art. Pourquoi avoir collectionné l’art érotique?

L’art m’a toujours beaucoup intéressé et j’adorais en particulier les tableaux mythologiques, peut-être parce qu’ils me permettaient d’admirer la beauté des femmes. À 17 ans, j’ai acheté mon premier objet d’art: c’était un petit «netsuke», un petit objet qui appartient au vêtement traditionnel japonais. Il se fait qu’il était en ivoire et avait un thème érotique. Le sujet était esthétique et audacieux et le matériau me plaisait beaucoup par sa brillance et son toucher. C’est ainsi que pendant dix ans, je n’ai acheté que des ivoires érotiques pour ensuite élargir mes choix.

d-20190108-3QL7Y3 2019-01-08 18:12:58

Le sexe est un sujet tabou et il n’est pas anodin de commencer à 17 ans à acheter de tels objets. Vous aviez un côté contestataire?

Il est vrai que j’ai acheté mes premières pièces sans que mes parents le sachent. Je les cachais dans des boîtes enfouies au fond de mes armoires. Mes parents respectaient ma chambre et ne la fouillaient pas. Ils n’ont jamais vu ma collection. Mais je n’étais pas contestataire même si je n’ai jamais voulu faire comme les autres. Je m’intéressais à la sexualité et à son histoire, mais avant tout j’aimais et j’aime toujours l’art; c’est lui mon moteur.

Vous ne cachez plus vos pièces. Mieux, vous les exposez dans un musée!

Longtemps, je les ai gardées chez moi. Je les montrais à mes amis. Et puis je me suis décidé à les exposer dans un musée qui a ouvert ses portes en 2012. Pour exposer 600 des 800 pièces, j’ai monté une fondation et trouvé cette maison près du Sablon. La première année, nous avons eu 1.500 visiteurs et l’année dernière nous avons approché les 4.000. Nous avons intégré le Conseil des musées bruxellois et nous sommes maintenant référencés dans beaucoup de guides et sites de voyage internationaux. Nos visiteurs – ils ont pour la plupart entre 20 et 30 ans – viennent du monde entier et nous laissent des commentaires enthousiastes et positifs. Mais nous sommes sans doute moins connus des Belges et, paradoxalement, des Bruxellois.

Où avez-vous trouvé vos 800 pièces?

J’ai acheté environ 75% de ma collection en Belgique, dans des foires, salles de vente et chez des antiquaires. Ceux-ci me connaissent à présent et me contactent d’ailleurs dès qu’ils ont une pièce érotique intéressante. Sans doute cette passion fait-elle que je n’achète pas toujours au meilleur prix. J’ai par exemple payé ce bronze de Dali quatre fois le prix de l’estimation, car je le voulais vraiment. Il s’agit d’une pièce originale qui n’est tirée qu’à huit exemplaires. Mais souvent, je fais de bonnes affaires car je suis devenu au fil des ans un spécialiste de l’art érotique. Je me suis d’ailleurs formé en histoire de l’art et en antiquariat.

Les musées de l’érotisme de Paris et de Berlin ont fermé alors que vous voyez le nombre de visiteurs augmenter!

Ces deux musées ont fermé pour des raisons très pratiques: les contrats de bail venaient à terme. Mais sans me vanter, j’ose dire que ma collection est appréciée car elle est très variée. Elle est considérée comme l’une des plus belles d’Europe. Je possède des pièces rares et uniques et ma collection n’est pas vulgaire. Le M-e-M n’est pas un musée du sexe mais de l’art érotique!

Qu’est-ce qui pour vous différencie l’érotisme de la pornographie?

J’ai beaucoup lu sur le sujet et je dirais que la pornographie donne à voir la chair et montre l’acte sexuel pour susciter de l’excitation. L’érotisme, au contraire, même s’il montre un rapport sexuel, porte une intention artistique et entend engendrer de l’émotion plutôt que de l’action.

Quelle est votre pièce préférée?

J’adore cette statue romaine d’Attis que j’ai achetée chez un antiquaire de la rue des Minimes. Elle date du Ier siècle. Elle représente le dieu Hermadrophite qui va s’auto-émasculer car sa mère et amante, Cybèle, l’a rendu fou.

Le M-e-M est situé 32 rue Sainte-Anne à 1000 Bruxelles. Tél.: 02-514.03.53. www.m-e-m.be.

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