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Sexe: des femmes insatiables

Certaines femmes connaissent des orgasmes multiples. Qui sont-elles ? Dans quelles conditions surviennent ces plaisirs démultipliés ? Pourquoi ?

Journaliste Temps de lecture: 7 min

Jouir, orgasmer, s’envoyer en l’air, prendre son pied… La jouissance est ce moment d’excitation extrême et de sensations suprêmes qui vous transporte ailleurs, dans une autre dimension. Bien vécu, il apaise et offre mille avantages physiques comme psychologiques. Malheureusement il se vit trop rarement pour beaucoup de femmes tant on sait qu’un petit 20 % d’entre elles connaît l’orgasme si le rapport sexuel se limite à la sacro-sainte pénétration. Les « jouisseuses » sont rares et parmi elles se profilent de grandes privilégiées qui ne connaissent pas seulement un orgasme mais plusieurs, deux, trois, quatre, cinq et bien davantage ; certaines en ont même rapporté une petite centaine ! Ces « super jouisseuses » seraient 17% à vivre de tels plaisirs pour les uns, 40% pour les autres et même 60 % à l’avoir déjà vécu selon les derniers...

Il ne s’agit pas ici de faire de ces orgasmes multiples, le saint Graal et la nouvelle obligation des femmes se prétendant épanouies mais de savoir si de telles jouissances ne sont pas de nouveaux mythes inventés par notre époque si soucieuse des plaisirs. Il s’agit aussi de comprendre ce qui se passe dans le corps et la tête des femmes multi-orgasmiques comme de tenter de comprendre pourquoi cette jouissance est possible.

Des femmes se confient

La science s’est ainsi intéressée aux témoignages des femmes qui disent vivre ces jouissances démultipliées. Le premier scientifique à confirmer cette capacité orgasmique féminine est sans doute Alfred Kinsey, pionnier américain de la recherche sexo qui publia en 1948 et 1953 deux célèbres études décrivant les comportements sexuels masculins puis féminins. Les ouvrages firent grand bruit à l’époque, scandalisèrent les bien-pensants et autres moralistes car ils révélèrent que les relations avant le mariage, l’adultère, la masturbation, l’homosexualité, le sadomasochisme, la prostitution et la bisexualité étaient plus fréquents que l’Amérique aimait à le croire. Dans son rapport de 1953 consacré aux femmes « Sexual Behavior in the Human Female », Kinsey qui au départ était entomologiste, nota qu’une minorité de femmes peut éprouver une succession rapide d’orgasmes séparés par de courts laps de temps, de quelques secondes à une ou deux minutes.

Kinsey, Masters et Johnson confirment

Quelques années plus tard, en 1966, les non moins célèbres sexologues William Masters et Virginia Johnson précisèrent grâce à leurs observations des ébats sexuels que de tels orgasmes se succèdent sans que le niveau d’excitation sexuelle chute en deçà du seuil appelé « phase de plateau ».

Après eux, d’autres chercheurs en sexologie précisèrent que de telles jouissances surviennent à un rythme de plus en plus accéléré car l’intervalle de temps entre le premier et le second, puis entre le deuxième et le troisième orgasme se raccourcit tandis que les sensations s’intensifient. D’autres encore découvrirent que certaines femmes vivent une sorte d’orgasme infini mais on ne rentrera pas ici dans les divergences et nuances entre orgasmes multiples et orgasmes séquentiels.

Témoignages confirmés et expliqués

L’existence des orgasmes multiples fut ainsi confirmée par bien des études. Elle fut ensuite expliquée. Ainsi en 2014, Paterson et ses associés (1) du département psy de l’Université McGill au Canada montrèrent que les femmes restent excitées et désirantes après l’orgasme au contraire des hommes qui après avoir éjaculé et joui entrent en période réfractaire, perdent leur excitation et leur désir. Lors de cette étude impliquant 38 hommes et 38 femmes, ces dernières se sont déclarées davantage excitées et prêtes à recommencer que les hommes alors qu’elles avaient déjà joui. De même leur température génitale qui renseigne l’excitation sexuelle physiologique avait moins diminué que celle des hommes.

Plus de vasocongestion et d’ondes alpha

Il semble également que ces orgasmes multiples soient rendus possibles par un afflux sanguin plus important vers les organes génitaux. La pression sanguine vaginale des femmes multi-orgasmique serait plus élevée que celles des femmes qui atteignent une jouissance, si l’on en croit les scientifiques interviewés dans le documentaire « The Super Orgasm » diffusé sur Channel 4 en Angleterre en 2017.

La température génitale diminue peu, la pression sanguine vaginale est forte et la libération d’ocytocine surnommée hormone de l’amour est plus importante. De même la technique de la scintigraphie cérébrale utilisée par les scientifiques de « Super Orgasm » a également montré que les femmes multi-orgasmiques voient leurs ondes alpha évoluer à des niveaux plus élevés que les femmes connaissant un seul orgasme, ce qui signifie qu’elles connaissent une plus longue période de « relaxation éveillée ». On rappelle que le rythme alpha des ondes cérébrales se caractérise par un état de conscience apaisé. L’information est importante qui nous fait comprendre que le plaisir démultiplié pourrait s’atteindre quand on est dans le lâcher prise !

Lâcher prise et curiosité sexuelle

Mais il ne suffit pas d’être dans la détente pour atteindre ces plaisirs intenses. Il faut aussi être curieuse des choses de l’amour. En 1991, l’américaine Carol Anderson Darling du département de famille de l’Université de l’État de Floride publia une étude sur les femmes multi-orgasmiques (2) et montra que les femmes les plus susceptibles d’avoir un orgasme multiple, osaient davantage de choses dans leur vie sexuelle. Elles sont des exploratrices érotiques, des lectrices de textes coquins. Des bonnes communicatrices également ; elles disent à leur partenaire ce qu’elles aiment en amour. Darling montra également que ces orgasmes multiples se vivent davantage seules lors de moments masturbatoires. Quand ils surviennent en couple, ils sont liés à un rapport sexuel qui associe coït, caresses manuelles et buccales du clitoris et ce, avant la pénétration ou pendant. Toucher les seins participe aussi aux plaisirs.

Cette année, une autre étude (3) menée auprès de 419 femmes âgées de 18 à 69 ans confirme les propos de Darling et montre que cette capacité multi-orgasmique est liée à différents facteurs, la motivation sexuelle comme les expériences sexuelles.

Communiquer et muscler le périnée

Le plaisir multiple serait ainsi à la portée de bien des femmes pour peu qu’elles se détendent, se montrent peu inhibées, osent, se montrent curieuses, disent l’importance des caresses clitoridiennes et maîtrisent leur périnée pour qu’il soit tonique. On sait combien contracter volontairement son périnée après un orgasme peut amener d’autres jouissances.

Mais chacune trouve le chemin qui lui convient vers ce plaisir multiple. Dans « The Super Orgasm », Beverly raconte que ce sont les cours de sexe tantrique qui l’ont aidée tandis que Nan explique que son chemin vers les plaisirs est facilité par la pratique régulière du yoga. Francesca, elle, estime que c’est l’entente amoureuse et la qualité de la relation avec le partenaire qui démultiplie ses orgasmes.

Une nécessité dans l’histoire de l’évolution

Chacune choisit tout en se souvenant que la réalité de ces orgasmes multiples appartient à l’histoire de l’évolution. Jouir encore et encore aurait aidé nos ancêtres. Si l’on en croit l’anthropologue américaine Sarah Blaffer Hrdy, auteur du livre « Mother Nature », les plaisirs multiples que les femelles peuvent avoir en un laps de temps très court leur a permis d’avoir des nombreux partenaires et de collecter un maximum de spermatozoïdes différents, renforçant ainsi la probabilité d’une compatibilité génétique et évitant les infanticides. On sait que chez de nombreuses espèces, les mâles peuvent tuer les petits des femelles avec lesquelles ils n’ont pas copulé.

Et plus tard dans l’histoire de l’Homo sapiens, ce plaisir infini valut aux femmes d’être méprisées et jugées dangereuses. Certaines époques et cultures les considérèrent comme des corps insatiables et des êtres méprisables, elles qui ne connaissent pas la mesure comme les hommes qui après la jouissance vivent une période réfractaire. Il fallait dès lors contrôler, museler cette énergie sexuelle sans limite qui paraissait effrayante. Ainsi la Grèce Antique par exemple s’efforça de marier les filles dès qu’elles avaient leurs règles pour dompter leur appétit sexuel jugé inextinguible et menaçant pour la pureté du sang athénien. Les femmes furent perçues comme des êtres lubriques qui si elles n’étaient pas mariées, devenaient nymphomanes. Platon osa même affirmer que l’utérus était un animal qui ne connaissait pas de repos et devait être calmé par le mariage et les grossesses. Plus tard, lors de la Chasse aux sorcières qui déferla sur l’Europe à la fin du Moyen-Âge et surtout à la Renaissance, les femmes qui avaient de tels plaisirs étaient accusées d’avoir frayé avec Satan. Et condamnées.

Autres temps, autres visions. Aujourd’hui ces plaisirs intenses et démultipliés sont recherchés et appréciés par les femmes comme par les hommes qui y voient autant d’hommages à leur virilité.

(1) Gender similarities and differences in sexual arousal, desire, and orgasmic pleasure in the laboratory. Etude de Paterson LQ, Jin ES, Amsel R, Binik YM. Publication en 2014 dans Journal of Sex Res. (2)The female sexual response revisited : Understanding the multiorgasmic experience in women. Etude de Carol Anderson Darling Ph.D., J. Kenneth Davidson Sr., Ph.D. & Donna A. Jennings. Publication en 1991 dans Archives of Sexual Behavior (3)Female Multiple Orgasm : An Exploratory Internet-Based Survey. Etude de M Gérard, M Berry, R A Shtarkshall, R Amsel, Y M Binik. Publication en avril 2020 dans J Sex Res.

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