Les frères Goncourt, le prix et les hommes
« Les Goncourt sont deux hérétiques en littérature, qui sont aux dictionnaires ce que les champignons sont à la botanique : une espèce inclassable. » Sainte-Beuve
Plus personne ne le sait mais derrière « le » Goncourt se font silencieusement oublier « les » Goncourt. Le souvenir de ces deux frères, Edmond et Jules, le premier né en 1822 et le second en 1830, s’est enseveli sous le prix qui porte leur nom. Ils furent pourtant des curiosités fameuses de leur temps.
En 1848, leur mère mourante, dernier pilier de cette famille fraîchement « aristocratisée », les abandonne l’un à l’autre. Ils ne se sépareront plus. Edmond est massif, brun et taiseux. Jules est blond, chétif et espiègle. Et pourtant, la fraternité de ceux que Flaubert appelait « les bichons » est fulgurante. Une gémellité des âmes, un même esprit dispersé dans deux corps : « Nous sommes tellement jumeaux en tout et par tous les bouts que nous avons jusqu’aux mêmes envies de femme grosse : il nous est venu, ce soir, l’idée en même temps à tous deux de pisser sur un certain chou d’un jardin. »