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Jugé pour viol au Canada, l’ex-producteur Gilbert Rozon acquitté au bénéfice du doute

L’ancien magnat de l’humour québécois Gilbert Rozon, ex-juré de l’émission « La France a un incroyable talent », a été acquitté mardi à Montréal d’accusations de viol et d’attentat à la pudeur pour lesquelles il risquait la prison ferme.

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Dans un long jugement tout en nuances, la juge Mélanie Hébert a estimé que le procès, qui a opposé deux versions contradictoires de faits remontant à 40 ans, n’avait pas permis de conclure à la culpabilité de M. Rozon « hors de tout doute raisonnable ». Un critère requis pour le condamner. « Ce verdict d’acquittement ne signifie pas que les incidents reprochés ne se sont pas produits », a-t-elle insisté. Elle a même jugé que le récit de la victime présumée était plutôt « plus plausible » que celui de l’accusé.

La plaignante a immédiatement exprimé un « incroyable sentiment d’impuissance » après ce verdict. Au même moment, M. Rozon, 66 ans, quittait le palais de justice sans faire de commentaire. « Ce mardi 15 décembre va rester un jour sombre pour toutes les victimes d’agressions sexuelles au Québec », a commenté Annick Charette, 60 ans. Elle a décidé de rendre publique son identité jusqu’alors protégée par la justice.

« Je pense que je suis un autre exemple des limites du système de justice en matière de violence sexuelle », a-t-elle ajouté devant les médias. À l’issue de son procès le 6 novembre, le représentant du ministère public avait réclamé la condamnation de M. Rozon, jugeant que la version des faits qu’il a livrée lors des audiences « défi(ait) la logique », voire frôlait l’« absurde ». Le procureur Bruno Ménard a indiqué ce mardi 15 décembre qu’il étudierait un éventuel appel du verdict.

Déprogrammé en France

La défense de M. Rozon avait au contraire estimé que son client devait être acquitté au bénéfice du doute, en raison des « incohérences » et des « trous de mémoire » de la plaignante dans son récit des faits, survenus en 1980 alors qu’elle n’avait que 20 ans. Mme Charette avait affirmé que M. Rozon avait tenté de l’embrasser et de lui enlever ses sous-vêtements alors qu’ils étaient seuls dans une maison au nord de Montréal, à l’issue d’une soirée en discothèque.

Elle avait résisté, il n’avait pas insisté et ils avaient dormi chacun dans une chambre séparée. Les deux camps s’accordaient à peu près sur le déroulement des faits jusqu’à ce point. Mais ce qui s’est passé le lendemain matin a fait l’objet de versions radicalement opposées. La plaignante a dit s’être réveillée parce que l’ancien magnat de l’humour était sur elle afin d’avoir une relation sexuelle. Bien que non consentante, ne se sentant pas la force de résister, elle avait finalement cédé pour « pouvoir passer à autre chose ».

M. Rozon, 25 ans à l’époque, a dit de son côté avoir été réveillé parce que la jeune femme était « à califourchon » sur lui, comme en transe, regardant au loin, en train de « se faire l’amour ». Sans aller jusqu’à se présenter en victime, il a affirmé que la relation sexuelle lui avait été imposée tout en reconnaissant avoir été « consentant ».

Le fondateur du groupe « Juste pour rire » avait été éclaboussé par des accusations d’agression sexuelle en octobre 2017, qui l’ont forcé à quitter ses fonctions en plein mouvement #MeToo. Sa défense avait accusé la plaignante d’avoir voulu « faire payer » M. Rozon dans le sillage de ce mouvement. Seule la plainte de Mme Charette avait finalement été retenue par la justice. Le mois dernier, la Cour suprême du Canada avait rejeté un appel d’un groupe de femmes baptisé Les Courageuses, qui souhaitaient entreprendre une action collective contre M. Rozon.

Il y a trois ans, le retentissement de cette affaire avait amené les chaînes françaises de télévision M6 et C8 à déprogrammer des émissions auxquelles Gilbert Rozon était associé. Le groupe québécois « Juste pour rire », en crise à la suite de ces accusations, avait été repris en mars 2018 par l’agence de talents californienne ICM Partners et le comédien canadien Howie Mandel.

AFP

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