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Les ours polaires condamnés à changer de proies? (vidéo)

Les ours polaires sembleraient être obligés de changer leurs habitudes alimentaires pour se nourrir désormais.

Temps de lecture: 4 min

La scène de chasse que les scientifiques ont capturée en août 2020 est tout à fait inhabituelle. En effet, des scientifiques ont observé et filmé pour la première fois, un ours polaire de l’archipel du Svalbard en Norvège, en train de chasser un renne. Les ours polaires n’ont pourtant pas l’habitude de ces proies et se nourrissent essentiellement de poisson et de phoques. Selon les chercheurs, cette scène serait le témoignage d’un bouleversement important des conditions de vie des ours polaires.

Dans la vidéo, il est possible donc de voir une jeune ourse poursuit un renne mâle dans une eau glaciale, le rattrape, le noie et le ramène à terre pour le dévorer. La scène a eu lieu le 21 août 2020 dans le Svalbard, alors que les glaces marines ont fondu. Stupéfaite, une équipe d’une station scientifique polonaise voisine filme la scène, documentant pour la première fois une chasse impliquant les deux mammifères. « Cela ressemblait à un documentaire », relate à l’AFP Izabela Kulaszewicz, biologiste à l’université de Gdansk. « Vous pouviez presque entendre la voix du narrateur en arrière-plan disant que vous devez absolument regarder cet événement car nous ne reverrons probablement jamais rien de tel ».

Des difficultés d’alimentation

Selon eux, l’épisode s’inscrit dans une série d’observations laissant penser que l’ours polaire se rabat plus fréquemment sur des proies terrestres pour pallier la difficulté de mettre la patte sur des phoques. Au Svalbard, territoire distant d’un millier de kilomètres du pôle Nord, où des panneaux mettent en garde contre le prédateur, quelque 300 ours sédentaires côtoient environ 20.000 rennes.

Selon les auteurs de l’article, les signes de prédation entre les deux espèces se sont multipliés ces dernières décennies. Deux explications à cela : le recul de la banquise qui cloue les ours sur la terre ferme plus longtemps et la multiplication du nombre de rennes au Svalbard depuis que leur chasse y a été interdite en 1925. Cette prédation, nouvelle en apparence, ne doit cependant pas être surinterprétée, notent d’autres experts. « Si des ours polaires tuaient des rennes dans les années 1950 ou 1960, cela aurait été très difficile à observer car il y avait peu de gens, peu d’ours et peu de rennes » à l’époque au Svalbard, fait valoir Andrew Derocher, professeur à l’université de l’Alberta.

Un nouveau régime difficilement soutenable

Bien que les phoques annelés ou barbus, avec leur graisse hautement calorifique, soient leur mets de prédilection, les ours sont des opportunistes qui ont aussi été observés se gavant, d’oisillons, de rongeurs et même. Avec ses 70 et 90 kg à l’âge adulte, le renne serait aussi pour les ours un bon complément alimentaire l’été, période de « vaches maigres » qui tend à s’allonger avec le réchauffement.

Deux jours après avoir été filmée par les chercheurs polonais, la même ourse était observée dévorant une autre carcasse de renne. Selon les experts, ce régime adapté ne sera toutefois pas une planche de salut pour l’ours blanc. Nageur émérite, l’ours blanc ne peut tout simplement pas rivaliser avec le renne sur de longues distances à terre, sous peine de surchauffe.

Ailleurs dans l’Arctique, les caribous, nom donné aux rennes en Amérique du Nord, ne sont pas des proies aussi faciles que leurs cousins du Svalbard, dont la vigilance semble s’être érodée depuis que leur chasse est interdite. « Ce sont également des animaux plus gros et qui ont coévolué avec des prédateurs terrestres, à savoir les loups, les gloutons et les grizzlis de la toundra, ce qui en fait des proies plus difficiles », observe Geoff York de l’organisation de protection Polar Bears International.

Même au Svalbard et dans la région alentour, l’avenir s’annonce sombre pour les ours. « Il n’y a pas assez de glace pour soutenir une population d’ours polaires », juge Andrew Derocher. « Vu la tendance, je pense que la population d’ours polaires de la mer de Barents, qui inclut le Svalbard, sera une de celles qui disparaîtra au cours de ce siècle ».

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