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Les comptoirs indiens de la Compagnie d’Ostende

Le monde est belge. Sur la côte Est de l’Inde, à 40 kilomètres au sud de Chemnai, dans le petit village de Covelong, un complexe hôtelier a récemment restauré les ruines d’un ancien fortin. Celui que possédait, au XVIIIe siècle, la Compagnie d’Ostende.

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L’histoire est peu connue. Au XVIIIe siècle, une petite compagnie de navigation ostendaise a fait une âpre concurrence aux grands empires coloniaux portugais, hollandais, danois, anglais et français bien établis en Inde. Créée en décembre 1722 et financée par la noblesse et la bourgeoisie de l’époque, la Compagnie Générale Impériale et Royale des Indes, en abrégé Compagnie d’Ostende, mit d’ailleurs à peine trois ans pour, par exemple, dominer pas moins de 58% des exportations indiennes. On raconte même que le bénéfice réalisé lors de la première année d’exploitation fut aussi important que le capital investi. Pour arriver à cette fin, la Compagnie d’Ostende, qui avait engagé des marins expérimentés n’eut de cesse d’ouvrir des comptoirs dans des endroits hautement stratégiques. Ainsi, après s’être installée à Cabelon (actuel Covelong), elle fit construire un fortin à Banquibazar, près de Calcutta, au Bengale. Puis un autre à Cassimbazar, aujourd’hui Birampur, un peu plus en amont, le long du Gange. Elle va d’ailleurs y créer un véritable modèle de ville coloniale, répondant aux principes européens en matière d’hygiène et d’urbanisme. Elle va aussi y développer des filatures occupant, dit-on, jusqu’à 2.000 ouvriers. Fort de cette expérience, d’autres comptoirs seront encore créés à Dacca (l’actuelle capitale du Bangladesh), à Danemarnagor (une implantation danoise abandonnée, juste en face de Banquibazar), à Ballasore (au sud de Calcutta), à Seydabat (dans l’Hindoustan).

Mais les succès impressionnants de la Compagnie d’Ostende vont aussi la conduire à sa perte. Car comme les voyages s’enchaînaient très rapidement, l’offre des produits indiens sur le marché européen devint trop importante. Et les prix baissèrent. Ce qui suscita une très grande agitation chez les armateurs français, anglais et hollandais. Ces derniers se liguèrent pour mettre fin à cette concurrence, allant jusqu’à poser un ultimatum à l’empereur Charles VI d’Autriche, régnant à l’époque sur le territoire belge: soit il mettait un terme au commerce de la Compagnie d’Ostende en Inde, soit il entrait en guerre avec les trois pays. Et comme si cela ne suffisait pas, ils le menacèrent aussi de mettre, tous les trois, le moment venu, leur veto à la succession du trône d’Autriche de sa propre fille, l’archiduchesse Marie-Thérèse. Craignant pour sa propre succession, il fut ainsi contraint de mettre un terme aux activités pourtant très rentables de la Compagnie d’Ostende. Non sans offrir à ceux qui y avaient investi un rendement de… 166% de leur capital! Seul Covelong et Ichappur (anciennement Banquibazar) ont conservé, de nos jours, les traces de cette occupation belgo-autrichiennes. Dans cette dernière ville, certains bâtiments sont encore bien visibles et utilisés. Un ancien dépôt accueille même le bureau de la police municipale. Mais plus personne n’est capable de conter la genèse du lieu. Et encore moins ses origines bien belges…

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