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Dix fois plus de cas de syphilis en Belgique

La maladie sexuelle transmissible n’a pas disparu. Bien au contraire le nombre de cas augmente en Belgique. À Bruxelles, une expo raconte celle qui fut surnommée la « grande simulatrice ».

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Qui craint encore la syphilis et ses chancres pustuleux qui fleurissent sur les sexes, la bouche ou l’anus ? Qui redoute encore les ganglions gonflés dans le creux de l’aine qu’elle engendre, les taches sur le corps et les muqueuses, les attaques du cerveau et les troubles du comportement qui s’en suivent, les atteintes cardiaques, problèmes oculaires et auditifs, dégénérescence de la moelle et les douleurs terribles qui s’en suivent ? La maladie semble appartenir au passé. Pourtant les chiffres sont là qui montrent que cette I.S.T. cette infection sexuellement transmissible, est en augmentation : le nombre de personnes infectées par la syphilis a été multiplié par dix au cours de ces dernières années et ce malgré les campagnes d’information et de prévention. Entre 2003 et 2015, le nombre rapporté de diagnostics de syphilis est passé de 46 en 2002 à 906 en 2015. Les hommes en majorité sont touchés, ainsi que les homosexuels. Une augmentation qu’il faut sans doute expliquer par les campagnes de dépistage plus systématiques qui font monter les chiffres. Mais l’apparente banalité des premiers symptômes et la méconnaissance des signes cliniques sont d’autres facteurs explicatifs. Qui se méfierait de taches sur les mains ou de petits boutons sur les fesses ? Il est vrai aussi que le caractère sournois de la maladie et les symptômes très divers qu’elle génère peuvent faire croire aux médecins qu’il s’agit d’un autre problème de santé, une allergie, un eczéma. Ce n’est pas pour rien que la maladie a été surnommée la « grande simulatrice » !

La syphilis mentionnée pour la première fois au 15e siècle

Chancre lingual
Cette IST quelque peu oubliée a les honneurs d’une expo tout à la fois scientifique, historique et artistique qui se tient au cœur du site universitaire de l’Université libre de Bruxelles. Les étudiants sont ainsi invités à découvrir les graves problèmes de santé qu’engendre cette IST tout comme au 19 e siècle les militaires devaient voir les cires du dr Spitzner exposées dans les musées d’anatomie forains et montrant en 3D les visages et sexes ravagés par la « grande vérole ». Ces cires incroyables qui appartiennent aux collections permanentes du Musée de la médecine de l’ULB sont d’ailleurs présentes à l’exposition. Elles ouvrent l’événement et fascinent autant qu’elles révulsent. Des émotions qui poussent à se montrer prudents dans ses amours même si aujourd’hui cette I.S.T. se dépiste aisément par des tests sanguins et se soigne par des injections de pénicilline.

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Après cette première salle consacrée aux manifestations cliniques de la syphilis, l’exposition aborde son histoire. C’est au 15 e siècle qu’elle est mentionnée pour la première fois car elle fait des ravages dans les troupes du roi de France, Charles VIII, parti guerroyer en Italie. Les armées comptent des Français mais aussi des Flamands, Italiens, Espagnols, Suisses ou encore Hongrois qui rentreront chez eux avec la maladie, la propageant dans l’Europe entière en quelques années. Les médecins tentent de soigner cette affection, comprennent qu’elle se transmet par les relations sexuelles et la qualifient dès lors d’ « honteuse ». Mais les traitements qu’ils proposent seront longtemps aussi dangereux et douloureux qu’inefficaces. Combien de syphilitiques n’ont pas enduré le martyre en étant traité par le mercure administré de multiples façons, en frictions, en onguents, en pilules ou encore, plus tardivement, par voie intramusculaire ou intraveineuse ! Au 16e siècle, on l’utilisa même en fumigations. Mais le mercure est nocif, entraînant d’importantes intoxications au niveau du cœur, du foie, des reins et du système nerveux, tuant sans doute bien plus vite de nombreux syphilitiques. D’autres remèdes furent utilisés, toujours douloureux comme les suspensions. Au 19 e siècle, les malades de la syphilis dont les membres inférieurs étaient atteints de paralysie étaient suspendus par le cou et les épaules. Les traitements n’étaient guère soucieux des souffrances des patients. Sans doute une façon de les punir de cette maladie sexuelle.

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Baudelaire atteint à 19 ans

Pourtant ils furent nombreux les hommes qui furent tués par cette maladie. Parmi eux, il y eut des personnalités que l’exposition nous présente : Baudelaire dont un tableau dresse la progression de la maladie qu’il contracte à 19 ans et qui le tuera à l’âge de 46 ans, Édouard Manet, Alfred Musset, Alphonse Daudet, Guy de Maupassant, Frederich Nietzsche, Al Capone. Après cette galerie de portraits, l’exposition s’attache aux jugements et condamnations sociales qui ont accompagné cette maladie. Dès les premières épidémies de syphilis au 15e siècle, des villes interdisent aux vérolés d’y entrer, ceux qui y résident sont même parfois chassés et les hospices traditionnels leur sont le plus souvent fermés. Les « vénériens » sont rejetés par peur de la contamination physique et morale d’une maladie considérée comme empreinte de péché. On n’en est plus là heureusement mais l’exposition effraie malgré tout et rappelle que les plaisirs des corps peuvent offrir le paradis mais aussi l’enfer.

Jusqu’au 23 décembre ULB – Salle Allende – Campus du Solbosch (bâtF1) – 22,24, Av. Paul Héger – 1050 Bruxelles. Tél. 02 650 37 65 www.ulb.ac.be/culture - Entrée libre. Visite déconseillée aux moins de 14 ans pour l’alcôve consacrée aux cires anatomiques.

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