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300.000 ans d’injustices faites aux femmes

Dans « Pourquoi y a-t-il des inégalités entre les hommes et les femmes », Soledad Bravi et Dorothée Werner brossent avec sérieux et légèreté l’évolution des droits de la femme. Interview.

Temps de lecture: 6 min

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Que n’a-t-on dit à propos de la femme ? Qu’elle n’était qu’un être imparfait et impur ? Le simple réceptacle de la semence masculine ? Un être aussi immature qu’un enfant ? Une sorcière ? Une machine à fabriquer des bébés ? La propriété de l’homme… L’histoire de l’humanité se confond avec celle de la domination des femmes par les hommes. Aujourd’hui, Soledad Bravi et Dorothée Werner nous racontent 300.000 ans d’injustices faites aux femmes et brossent dans le petit livre « Pourquoi y a-t-il des inégalités entre les hommes et les femmes ? » la chronologie de l’évolution des droits de la femme, de la préhistoire à nos jours. Toutes deux nous font découvrir combien lentement au fil des siècles les rapports entre les hommes et les femmes ont évolué vers moins d’inégalités, tout en soulignant dans le dernier chapitre les nombreuses disparités qui subsistent. Et si Dorothée Werner nous fournit une chronologie aussi sérieuse que documentée – même si nous n’avons pas la même reconstruction des rapports hommes – femmes à la préhistoire-, Soledad Bravi nous offre la légèreté et l’humour de ses dessins. Un bel équilibre en ces temps de féminisme passionné.

Dorothée Werner
Dorothée Werner

Soledad Bravi
Soledad Bravi - Isabella Franciosa

Le monde a été ébranlé par l’affaire Weinstein au point que féminisme a été déclaré mot de l’année 2017. Votre ouvrage s’inscrit dans cette mouvance ?

Soledad Bravi (SD) : Sans doute mais ce projet est bien plus ancien. Il était d’ailleurs terminé quand a éclaté l’affaire Weinstein.

Si le mot de l’année est féminisme, la tribune parue dans Le Monde signée par Catherine Deneuve et 99 autres femmes « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle » a engendré une guerre des féminismes. Qu’avez-vous pensé de cette tribune qui au départ s’intitulait « Des femmes libèrent une autre parole » ?

Dorothée Werner (DW) : Je l’ai trouvée d’une maladresse absolue car elle a réduit le mouvement engendré par le hashtag metoo à une campagne de dénonciation. C’est court comme analyse même si on peut émettre quelques petites réserves par rapport à la forme de la campagne « balance ton porc ». Il faut le souligner : l’affaire Weinstein a eu comme effet positif de libérer la parole des femmes et d’assainir certains milieux professionnels de pratiques scandaleuses.

(SD) : Cette tribune a fait le procès des femmes et non celui des hommes. Ses auteurs et signataires disent refuser que les femmes soient considérées comme des victimes incapables de se défendre vis-à-vis des hommes. Mais ce ne sont pas les femmes que l’on doit juger en victimes mais plutôt les hommes de mal se comporter. Je pense que toutes les femmes ne sont pas capables de répondre aux harcèlements sexuels masculins. Personnellement, je serais incapable de bouger si un mec me mettait la main aux fesses. Je serais glacée, tétanisée si on me harcelait et me touchait. Je ne pourrais pas bouger ! Nous ne sommes pas égales face aux violences sexuelles masculines.

Quelles différences faites-vous entre le harcèlement et la séduction maladroite ?

(SB) : Je crois que les différences sont assez simples à percevoir. « T’es belle », c’est de la séduction ; « T’es bonne », c’est du harcèlement. L’un a un côté sexuel et l’autre pas. Se faire siffler, peut être sympathique – même si perso, je n’aime pas – mais le sifflement devient du harcèlement quand il est suivi d’insultes.

Comment expliquez-vous que partout dans le monde, quelles que soient la culture et la religion, les femmes sont été dominées par les hommes ? Parce qu’elles sont physiquement moins puissantes ? Parce que les hommes ont voulu se venger de l’importance des femmes dans la perpétuation de la vie ?

(DW) : Je vous répondrais en reprenant la thèse de Françoise Héritier, la célèbre anthropologue et féministe française. Elle disait que la domination des hommes s’explique par la conception de la procréation qui a longtemps prévalu selon laquelle les hommes pensaient que par leur sperme, ils étaient les seuls responsables de la naissance d’un enfant. Les femmes n’étaient que des réceptacles pour accueillir leur semence.

(SB) : Les différences physiques entre les hommes et les femmes ont été hiérarchisées au profit des hommes. Les femmes ont été réduites à leur corps, des corps fragiles qui faisaient des bébés… L’histoire du féminisme est ainsi également l’histoire d’un malentendu puisque la naissance d’un enfant et due à la rencontre d’un ovule et d’un spermatozoïde.

Les femmes ont parfois participé au maintien de cette domination masculine. Comment l’expliquez-vous ?

(SB) : Certaines femmes ont intégré le discours patriarcal. Il y a un travail de soi à soi à faire. Et une interrogation à mener sur nos propres conditionnements. L’affaire Weinstein a montré que certaines femmes ont marché dans le système et couché pour avoir ce qu’elles désiraient.

Dans votre album, vous épinglez de nombreux faits qui ont fait avancer la cause des femmes. Lesquels vous semblent plus essentiels ?

(SB) : Le vote des femmes en Angleterre ! Les suffragettes ont été prêtes à se faire bastonner, emprisonner, violenter – on les nourrissait de force par le nez –, se faire tuer sur un champ de courses pour pouvoir voter. Leur combat a abouti à ce que dès 1918, les femmes mariées de 30 ans et plus puissent voter

(DW) : La conquête des droits civiques a fait basculer les choses : les femmes sont sorties de leur statut de tutelle.

Vous ne mettez pas en évidence la pilule contraceptive…

(DW) : Bien sûr la pilule a été décisive car elle consacre avec l’avortement, le droit des femmes à disposer de leurs corps. Mais le vote me semble essentiel.

Votre historique montre une lente évolution des droits des femmes et une égalité grandissante entre les droits des deux sexes. Cependant le dernier chapitre montre les très nombreuses inégalités qui subsistent.

(SB) : Il y a encore beaucoup de boulot ! Les rapports entre les hommes et les femmes sont loin d’être cordiaux. Il suffit de voir ce qui se passe dans le métro, au boulot ou en famille : les insultes, les mains aux fesses, les paroles non écoutées, les tâches ménagères non partagées…

(DW) : Ces injustices se passent dans tous les milieux sociaux. Christine Lagarde raconte qu’au FMI qu’elle préside, elle voit des hommes lever les yeux au ciel quand elle intervient. L’agression vis-à-vis des femmes n’est pas toujours physique mais psychique. La parole des femmes est encore trop souvent décribilisée. Cela se passe au FMI comme à l’Académie française. Voyez aussi le nombre de femmes qui sont au Panthéon pour avoir servi la grandeur de la France : elles sont 5 contre 71 hommes !

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« Pourquoi y a-t-il des inégalités entre les hommes et les femmes ? « » est paru aux éditions rue de Sèvres, 90 p., 10,50 euros

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