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Théodora, la putain devenue impératrice

Avant de devenir l’épouse de Justinien, la jeune femme est une concubine sensuelle, comme nous le raconte Virginie Girod dans « Théodora, prostituée et impératrice à Byzance ».

Temps de lecture: 5 min

Impassible, telle nous apparaît Théodora. La mosaïque de la Basilique Saint-Vital à Ravenne nous laisse cette image iconique de l’impératrice de Byzance. Pourtant l’épouse de Justinien fut une femme sensuelle. Charnelle. Intelligente aussi. Ambitieuse surtout. Pour arriver au pouvoir absolu et s’imposer dans le monde aristocratique byzantin du VIe siècle débutant, la fille d’un montreur d’ours de Byzance, usa des talents érotiques que lui avait conférés son métier d’actrice et de prostituée. Sa vie fut romanesque, comme nous le raconte avec talent l’historienne française Virginie Girod dans « Théodora, prostituée et impératrice à Byzance ».

Virginie Girod

Théodora a été béatifiée par l’Église jacobite pour les chrétiens orthodoxes. Et les mosaïques de Ravenne en Italie nous laissent l’image d’une femme pieuse alors que jeune elle fut tout le contraire.

« Théodora vient d’un milieu social modeste très marginal. Elle est la fille d’un montreur d’ours de Byzance. Son père assurait les intermèdes entre les courses de chars de l’hippodrome de la ville. Le père meurt rapidement quand Théodora a 5 ans et sa mère comédienne va initier ses 3 filles au métier d’actrice. Durant l’Antiquité et les débuts de l’ère chrétienne, ce métier est considéré comme de la prostitution. Offrir son corps à la vue de tous lors de spectacles se poursuit en effet dans l’intimité. La précarité du métier d’actrice fait que les femmes acceptent les avances que les spectateurs peuvent leur faire. Ces femmes sont tolérées par la société qui les juge utiles mais les méprise totalement. Elles sont d’ailleurs légalement interdites de mariage avec des notables ; une loi vieille de cinq siècles que Justinien va d’ailleurs abolir pour pouvoir épouser Théodora, contre l’avis de sa famille. »

Comment deux personnes de milieux si différents vont-elles se rencontrer et se rapprocher ?

« Tous deux vont se rencontrer par l’intermédiaire d’une femme Macédonia qui est tout à la fois danseuse, actrice et espionne. Elle introduit Théodora au palais. Celle-ci a 22 ans et Justinien 40 ans. Il n’est pas encore marié car selon moi, étant issu d’un milieu modeste il ne voulait pas subir les critiques et le mépris d’une épouse issue de l’élite aristocratique. Quand il rencontre Théodora, il est rapidement séduit par sa grande beauté, sa sensualité, son intelligence, sa vivacité, sa détermination mais aussi par son origine modeste. Tous deux se ressemblent et ils vont d’ailleurs former un couple uni par l’amour et le même goût du pouvoir. On assiste avec Théodora et Justinien à une alliance forte et complémentaire pour assurer la domination sur l’empire. Un seul exemple : sur les nombreux bâtiments qu’ils font construire, hôpitaux, thermes, ils font inscrire leurs deux noms. »

Théodora va être accusée d’avoir une sexualité insatiable, de passer des nuits à enchaîner les amants, de tromper Justinien.

« Cette dernière accusation date du XIXe siècle quand des auteurs se sont emparés de la vie de l’impératrice et qu’ils ont jugé qu’elle était devenue trop sage une fois qu’elle était mariée. Le seul historien de l’époque Procope de Césarée ne fait pas une telle accusation. Il faut savoir que cet auteur commencera par écrire des textes hagiographiques, véritables ouvrages de propagande, pour dans un deuxième temps, sans doute après la mort du couple, écrire le contraire et se montrer très critique. Il dira alors de Théodora qu’elle est insatiable, qu’elle regrette de ne pas avoir les seins assez gros pour enserrer le sexe des hommes. Mais il faut savoir qu’accuser une femme de toutes les perversités est une façon très courante de la salir. Beaucoup de femmes ont subi de telles attaques injustifiées, que ce soit Cléopâtre ou Messaline. Ce même Procope ira jusqu’à dire qu’avant ses 12 ans Théodora pratiquait la sodomie car dit-il son sexe n’était pas encore fonctionnel ! Il atteste ainsi de sa méconnaissance totale du sexe féminin. »

À l’époque antique, le plaisir sexuel ne se vivait pas au sein des couples. Les femmes respectables étaient des mères et ne s’adonnaient pas au plaisir qui était réservé aux hommes s’amusant au bordel avec des prostituées. Cette vision perdure-t-elle sous l’ère chrétienne ?

« Elle perdure et se durcit puisque le plaisir est désormais refusé aux femmes mais aussi aux hommes. Pour le christianisme, le sexe est un péché et tous les plaisirs corporels sont condamnés. »

Théodora est chrétienne mais elle aime manifestement le sexe.

« Elle veut sortir de sa condition et comprend que sa beauté et le sexe peuvent l’y aider. Elle va d’ailleurs choisir ses amants parmi l’aristocratie de l’époque jusqu’à ce qu’elle rencontre Justinien. Mais sans doute devait-elle aimer le sexe et être douée dans ce qu’elle faisait puisqu’elle en avait fait son métier. Mais on observe cependant qu’une fois qu’elle est mariée, elle est irréprochable. Même Procope de Césarée ne lui fera pas de reproche à ce moment-là. »

Elle est sensuelle mais pas seulement. Ce n’est pas sa seule beauté qui va lui permettre de séduire Justinien. Elle est intelligente et stratège.

« Elle a une intelligence remarquable. Pour asseoir son pouvoir et créer une nouvelle caste dirigeante, elle va par exemple dynamiter la vieille aristocratie en mariant des femmes de sa condition à des hommes appartenant à l’élite. Toujours pour installer son autorité, elle va, avec Justinien, changer les règles protocolaires et exiger qu’on les salue en se prosternant complètement sur le sol. C’est un jeu de pouvoir très domination-soumission… »

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Théodora est paru aux éditions Tallandier, 304 p., 20,90 euros

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