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Les jeunes face au porno

Les enfants sont confrontés de plus en plus tôt aux images X. Quelles sont les conséquences de la banalisation de la pornographie ?

Temps de lecture: 4 min

Un clic et des hommes tatoués et femmes siliconées, tous dénudés et excités, s’offrent aux regards concupiscents. Classées en catégories, – voyeur, mature, squirting, jeune-vieux, asiatique, gay… – leurs performances sexuelles sont accessibles aussi facilement que fréquemment sur le Net. Elles ont été vues pas moins de 92 milliards de fois en 2016, rien que pour le site YouPorn. Et parmi ces milliards de visites, il y a celles de jeunes adolescents et même d’enfants. De plus en plus tôt, dès 10 ans, certains sont en contact avec des images pornographiques quand entre 13 et 14 ans, plus d’un tiers des garçons déclarent avoir regardé du contenu pornographique, selon une enquête menée en France en 2017. La plupart du temps, le premier contact se fait accidentellement, lors d’une recherche anecdotique sur le Net, via un spam ou quand une fenêtre s’ouvre de façon intempestive. Mais exposés contre leur gré, les jeunes se disent «extrêmement bouleversés» (24%), «très embarrassés» (21%), et même «durablement stressés» (19%), comme le montre une étude menée en 2007 par le Ministère de la santé du Québec.

La loi interdit bien évidemment l’accès aux sites pornographiques aux moins de 18 ans, mais peu de plates-formes s’inquiètent de l’âge de leurs visiteurs et quand elles le font, le contrôle est facilement contournable. Le code pénal belge a lui aussi mis en place des mesures pour tenter de protéger les mineurs en infligeant des peines de réclusion et des amendes à toute personne qui expose, vend, loue ou distribue des supports pornographiques aux moins de 16 ans. Mais l’arsenal protecteur est peu efficace et l’accès à la pornographie reste aisé. Une situation qui inquiète bien des adultes. Certains pays ont déjà réagi. L’Indonésie, Singapour, l’Inde, la Russie bloquent l’accès à ces sites alors que la Grande-Bretagne oblige désormais le consommateur à donner les références de sa carte d’identité et de sa carte de crédit pour pouvoir accéder aux adresses pornos.

Plus ils voient du porno jeunes, plus ils sont influencés

Mais faut-il vraiment s’inquiéter de cette réalité au point d’imposer la censure? Les psys et sexologues ont des avis très divergents sur le sujet, chacun réagissant en fonction de sa sensibilité et de ses valeurs morales. Les uns insistent sur les traumatismes provoqués et réclament des mesures draconiennes, les autres nuancent, relativisent les influences négatives et recommandent l’éducation sexuelle. Les opinions diffèrent tant les études scientifiques sur le sujet sont peu nombreuses. Dans «Alice au pays du porno», la philosophe et chercheuse au CNRS, Michela Marzano, et le médecin sexologue Claude Rozier, avancent que 58% des garçons et 42% des filles estiment que leur sexualité est influencée par la pornographie. Le sociologue canadien Richard Poulin, de l’université d’Ottawa, montre quant à lui que près de six sur dix des jeunes qu’il a interrogés, reconnaissent que le porno inspire leur vie sexuelle (58,6%), leurs désirs et leurs fantasmes (59,6%). De plus, si la consommation se fait jeune, l’influence est plus forte: 68,7% des répondants qui ont consommé avant l’âge de 14 ans pensent que la pornographie inspire leurs désirs et leurs fantasmes contre 49,4% des jeunes qui ont consommé plus tardivement. De même, plus ils consomment jeunes, plus ils demandent à leur partenaire de reproduire les actes sexuels vus dans les vidéos et en particulier la sodomie, le triolisme et l’éjaculation faciale. Il ressort également de la recherche de Richard Poulin que la consommation de pornographie par les filles affecte leur estime de soi. De quoi inquiéter… L’ex-actrice X, Nikita Bellucci, incite elle aussi les parents à prendre en charge la problématique car elle dit aujourd’hui recevoir via Facebook et Snapchat des propositions explicites de garçons de 12-13 ans.

Mais sans doute la peur du porno est-elle aujourd’hui amplifiée et dramatisée. La dernière enquête Ipsos menée en juin 2018 montre que 63% des jeunes de 14 à 24 ans ne vont jamais sur de tels sites et qu’ils sont plus de 66% à être conscients des dangers du porno! Et le colloque «Éducation sexuelle» organisé en avril 2017 à Lausanne concluait que les ados ont une vision ouverte et responsable de la sexualité et qu’ils différencient bien la pornographie de la réalité.

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