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De Katsuni à Céline Tran: la nouvelle vie de l’actrice porno

Après avoir travaillé 13 ans dans le porno, Céline Tran diversifie ses activités.

Temps de lecture: 8 min

Corps parfait et visage de poupée, elle fut Katsuni. Pendant 13 ans, elle fit tout et davantage sur les plateaux de films pornos, devenant la star du X la plus récompensée avec une quarantaine d’awards). Après les tournages aux 4 coins du monde, devant et derrière la caméra, la belle Française quitta ce monde sans le renier, ni le démonter. Céline Tran réorienta alors sa carrière, devint actrice pour des séries télé et récemment, un film d’arts martiaux, « Jailbreak », sur Netflix, signa des scénarios de BD, raconta sa vie dans « Ne dis pas que tu aimes ça » (Fayard). Aujourd’hui elle multiplie encore les projets, dirige la nouvelle collection Porn’Pop aux éditions Glénat et donne des conseils sexo. Parce que le sexe et le rapport au corps restent au cœur de sa vie !

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Vous avez commencé à travailler dans le milieu de la nuit alors que vous étiez étudiante  ?

J’étais inscrite à Sciences Po – une orientation d’études que j’ai abandonnée pour suivre les cours de lettres – quand j’ai commencé à faire du gogo-dancing puis des strip-teases. Par défi et jeu. J’étais une jeune femme plutôt timide et introvertie. Je trouvais mon corps insignifiant, handicapant même – j’aurais préféré être un garçon – et je trouvais fascinant d’avoir une double vie : étudier le jour et me déshabiller la nuit. J’avais l’impression qu’en m’exhibant, je prenais possession de mon corps, j’apprenais à me connaître et je gagnais confiance en moi. Je découvrais aussi que sur un podium, dans le cadre d’un tel jeu, j’exerçais un pouvoir sur les autres.

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Comment êtes-vous passée au porno ?

C’est un photographe qui est venue me voir en disant que le magazine Penthouse voulait se lancer dans la production de films X et qu’il cherchait leur égérie. J’ai réfléchi quelques jours et puis j’ai accepté. J’avais amorcé dans ma vie intime, une exploration récente, mais très intense de ma sexualité. Faire du X était donc pour moi une manière de la poursuivre. C’était une expérience secrète que je menais tout en étudiant et sans que personne ne le sache. Ce côté double vie me plaisait beaucoup. Quand mes parents l’ont appris, ce fut douloureux pour eux mais ils n’ont jamais coupé les ponts. Leur amour est resté intact.

Vous avez exercé ce métier pendant 13 ans ! Comment expliquez-vous cette longévité et ce succès ?

J’expliquerais cela par le fait que j’ai été professionnelle, considérant le porno comme un vrai métier et le prenant ainsi au sérieux sans trop me prendre au sérieux. Je montrais aussi que j’aimais ça. Cela compte pour le public.

Les conditions de travail n’étaient pas trop dures ou infamantes ?

Plus le film était sophistiqué, plus il y avait des contraintes, mais c’est normal. Être acteur, c’est jouer une performance, un rôle pour la caméra. Faire du X est un métier, pas uniquement une partie de plaisir ! Infamantes, non. Je n’y serai pas restée si ça avait été le cas ! J’ai en effet connu des tournages épuisants, mais je ne me sentais pas pour autant humiliée. Je me suis surtout beaucoup amusée. Plus j’étais en confiance, plus je m’autorisais à aller loin dans l’intensité de la scène… De manière générale, c’est un métier éprouvant physiquement, un peu comme du sport de haut niveau, car le sexe qu’on y pratique est formaté pour le show et est donc caricatural. Il est une mise en scène de fantasmes codifiés, pour l’exercer il faut des prédispositions physiques et psychiques, une bonne hygiène de vie. Et plus que tout, il faut en avoir envie ! Pour finir, je précise que lorsqu’on signe un contrat, on sait exactement quel type de scène on va tourner, pour qui, avec qui etc. Nous ne sommes pas piégés !!

Vous ne reniez pas votre passé et ne démolissez pas ce métier alors que la société le juge et le méprise, tout en consommant énormément de porno. Comment faites-vous pour vivre dans cet antagonisme ?

Oui, il règne une grande hypocrisie. Pour ma part, je suis intègre, et par conséquent, je me sens bien dans mes choix que je vis pleinement. Ce qui signifie aussi en accepter les difficultés, les erreurs, les responsabilités… et ça me va. C’est l’expérience dans sa totalité qui apporte son enseignement. Beaucoup dénigrent ce milieu car ils ne veulent voir que ce qui les confortent dans la croyance que cette industrie est malsaine. Je ne dis pas que tout est rose dans le porno, mais je trouve bien plus de violence dans le jugement des gens que dans cet univers où je me suis épanouie.

Vous parvenez à vivre avec le fait que pour certaines personnes, vous êtes ce qu’ils appellent une « salope » ?

Je crois qu’il est nécessaire de faire la part des choses, de ne pas tout mélanger. Le but du porno est d’exciter. C’est un moment de jeux entre adultes. Donc « salope » oui, le temps d’un jeu où il est bon de jouer ce rôle. D’ailleurs, je peux aimer que mon partenaire me le dise. Mais en dehors de ce jeu, je suis moi, et je suis respectable. Lorsque certains m’insultent, (mais finalement, c’est très rare et beaucoup au contraire me remercient !), soit je me tais, soit je réponds avec le sourire, et la personne se trouve généralement très bête d’avoir été agressive.

Pourquoi avez-vous arrêté ?

J’avais évolué, l’industrie porno aussi et je me sentais en décalage, avec le sentiment de plus rien à pouvoir y apprendre. J’avais envie de vivre ma sexualité autrement de façon intime, de cesser de considérer mon corps comme un outil de travail. Je me suis rendu compte qu’il était aussi moi, qu’il était temps d’en prendre soin. Le danger du porno peut résider dans un détachement trop fort par rapport au corps.

Comment jugez-vous ces années ?

Je ne les juge pas, je les accepte, et je me sens riche de cette expérience.

Que vous a appris le porno sur les hommes et les femmes ?

J’ai vu combien les hommes étaient fragiles, enfermés dans l’obligation de virilité et dans le rôle du mec qui doit bander. Ils se mettent énormément de pression et sont tiraillés entre l’exigence « d’assurer » tout en apprenant aussi à laisser les femmes prendre le pouvoir. Quant aux femmes, il me semble qu’elles ont souvent une grande méconnaissance de leur corps, un problème de confiance. Elles sont souvent dans la culpabilité.

Votre reconversion n’a pas été difficile ?

Il y a eu des obstacles, beaucoup de choses annulées, mais c’est le jeu. Recommencer à zéro n’est facile pour personne. Je n’ai pas à me plaindre. L’éditeur de BD Ankama m’a offert la possibilité de me lancer dans l’écriture de scénarios (Heartbreaker #1 et #2), le réalisateur François Descraques m’a offert un rôle dans la série culte « Le Visiteur du Futur ». J’ai récemment tourné dans le long-métrage d’action Jailbreak (sur Netflix) et ai beaucoup d’autres projets en cours que ce soit dans l’écriture, le cinéma, et plus encore. Je continue aussi de me former dans diverses disciplines pour le coaching. Je crois au travail et à la persévérance.

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Vous dirigez aussi la collection Porn Pop chez Glénat.

Oui, j’accompagne les artistes dans l’élaboration de leur projet et m’investis jusqu’à la promotion de l’album en écrivant entre autres, la préface. La collection est dédiée au sexe et à la sexualité dans des genres différents, et débute avec deux œuvres humoristiques : la parodie « Petit Paul » de Bastien Vivès et le guide « Les joies du sex-toy et autres pratiques sexuelles » de Mathew Nolan et Erika Moen.

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Vous donnez également des conseils sexo.

Même si j’ai quitté le porno, je constate que la sexualité reste au centre de ma vie. Je ne suis ni psy ni sexologue, mais j’ai mon expérience. Parallèlement, dans ma démarche de connaissance du corps, je me suis formée aux massages bien-être et au yoga. Je suis « coach » et donne des conseils par mail, skype ou lors de rendez-vous en cabinet. Cela marche bien et je suis heureuse dans cette nouvelle activité.

Vous avez écrit que le sexe est une gourmandise.

Je lie beaucoup le sexe à la nourriture ! On peut prendre le temps de le savourer comme un dîner gastronomique ou on peut l’aborder de manière expéditive tel un fast-food. Dans tous les cas, cela est censé être une source de plaisir.

Quels sont pour vous les rapports entre le sexe et l’amour ?

Désir et amour sont deux choses bien distinctes, mais lorsqu’ils se superposent l’un à l’autre, alors l’alchimie est parfaite ! Si ce n’est pas le cas, il est possible de vivre une relation amoureuse, tout en « faisant l’amour » de façon mécanique. La routine… Mais on peut également vivre une relation d’un soir, tout en étant à l’écoute de l’autre, être bienveillant, et partager quelque chose de fusionnel. N’est-ce pas finalement une forme d’amour ? Que l’on soit amoureux ou non, qu’il s’agisse de pratiques « softs » ou « hardcore », un acte sexuel devrait à mon sens, toujours être porté par l’amour. Parce qu’au fond, il s’agit toujours de rencontrer l’autre, et de vivre quelque chose ensemble, pleinement.

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