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Joggeuses: cibles faciles des prédateurs

La mort de Wivinne Marion, médecin au CHR, a suscité l’indignation dans la région namuroise. Et des questions.

Temps de lecture: 4 min

On le sait, une femme de 42 ans a été tuée le 1er novembre dernier à Boninne, petit village au nord-est de la capitale wallonne. Wivinne Marion, une maman de deux enfants, médecin spécialisée en néonatologie au CHR de Namur, était partie pour un jogging, vers 8h30. Elle a été enlevée quelques minutes plus tard, vers 8h45, au bord de la route, puis violemment frappée un peu plus loin, avant que l’auteur, repéré par un témoin et recherché par la police, ne finisse par précipiter sa voiture dans la Sambre. Le corps de la malheureuse victime a été retrouvé, dans le coffre.

Plusieurs éléments sont connus grâce au fermier qui a assisté à la scène de coups. Son témoignage, précis et circonstancié, recueilli par nos confrères de « SudPresse », permet de mieux comprendre ce qui s’est passé. « Il était 8h45, j’étais dans le champ pour rentrer mes vaches et j’ai vu arriver la voiture à toute vitesse, au moins à du 100 km/h », dit-il. La voiture, une Renault Laguna, s’arrête près d’un bois. Une dame est extraite du véhicule, et crie. « Elle était déjà dans le coffre de la voiture. Il l’a sortie », raconte le fermier. « Elle criait “Maman, maman”. Je me suis demandé ce qui se passait. Au début, j’ai pensé qu’il s’agissait d’une dispute de couple. » Mais c’est tout autre chose. L’agresseur porte des coups à la femme au sol, l’étrangle. On imagine ce qu’il va faire ensuite, mais le fermier se manifeste, et crie à son tour, trop loin pour intervenir directement. « J’ai crié pour qu’il arrête. Il a aussitôt soulevé la femme, l’a remise dans le coffre. Pendant ce temps-là, tout en m’avançant vers lui, j’avais composé le numéro de la police. » La Laguna fait demi-tour et repasse à vive allure devant le fermier, qui a pu donner à la police le numéro de plaque et le signalement du véhicule.

Le propriétaire est rapidement identifié : Xavier Van Dam. Pas un enfant de chœur. L’homme d’une trentaine d’années, de Flawinne, est décrit comme colérique, violent, porté sur l’alcool et la drogue. Bien connu de la justice, son nom revient dans plusieurs dossiers, pour vente de drogue et cambriolages. L’homme avait déjà été condamné par le tribunal correctionnel de Namur. En 2012, il s’était introduit dans la maison de ses voisins, drogué et saoul, provoquant la panique de la mère de famille, qui avait sauté du premier étage avec ses deux jeunes enfants.

Le signalement du véhicule de Van Dam a rapidement porté ses fruits. Se sachant poursuivi, il a précipité sa Laguna dans la Sambre, à Flawinne, rue du Tir de Ronet. Van Dam a été interpellé un peu plus loin. La voiture a été retirée de l’eau. Dans le coffre, le corps de Wivinne Marion. L’enquête a déterminé que la victime était morte avant que la voiture ne coule. Van Dam a été placé sous mandat d’arrêt. Il affirme ne se souvenir de rien. L’enquête devra démontrer s’il connaissait ou non la victime, s’il a planifié cet enlèvement sauvage.

Des précédents

L’enlèvement de la joggeuse namuroise rappelle une série de faits survenus en France ces dernières années. Au moins huit cas similaires ont été recensés par l’Agence France Presse entre 2007 et 2017, comme l’affaire de cette mère de famille de 34 ans, disparue lors de son jogging le 24 janvier 2013 à Nîmes. Le corps de la victime présentait de nombreuses traces de blessures à l’arme blanche. Autre exemple : en juin 2011, Marie-Jeanne Meyer, 17 ans, disparue lors d’un jogging en Ardèche, est découverte morte, carbonisée. Un an plus tard, un marginal de 20 ans, identifié par son ADN, est arrêté. En septembre 2010, Natacha Mougel, 29 ans, est violée, étranglée et mortellement blessée d’un coup de couteau lors de son jogging à Marcq-en-Barœul. Son meurtrier, Alain Penin, 39 ans, condamné à la perpétuité, invoque des « pulsions irrépressibles ».

Les affaires concernant des joggeuses attaquées ne sont pas nombreuses mais elles se ressemblent souvent : un prédateur qui cherche une victime vulnérable, dans un endroit peu fréquenté. « Ces jeunes femmes sont facilement atteignables », explique Sylvianne Spitzer, criminologue et profileuse, au site « 20Minutes ». « Elles sont seules, courent dans des lieux isolés dans lesquels il y a peu de passage, souvent tôt le matin ou tard le soir », explique-t-elle. Un isolement physique renforcé par un isolement sensoriel : « Les victimes ont souvent un casque sur les oreilles pour écouter leur musique, ce qui les empêche d’entendre leur agresseur approcher », précise la profileuse. Et la tenue qu’elles portent « est volontiers près du corps, ce qui permet de discerner leurs formes et “sexualise” la victime aux yeux de l’agresseur », complète Sylvianne Spitzer. Une proie idéale pour un prédateur sexuel.

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