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Quelle est la liberté sexuelle des jeunes filles ?

Cinquante ans après la révolution sexuelle, le laboratoire Terpan publie un sondage sur la sexualité des jeunes filles.

Journaliste Temps de lecture: 7 min

Il fut longtemps tabou. Ce n’est qu’au XXe siècle que le plaisir féminin se libéra en Occident, porté par la révolution sexuelle de 1968 et l’accès à la pilule contraceptive qui arriva officiellement en Belgique la même année, suivi quelques décennies plus tard par le droit à l’avortement. Enfin le plaisir féminin put se vivre sans peur d’une grossesse non désirée ou d’une stigmatisation sociétale. C’est que l’Occident avait changé : la religion qui avait toujours diabolisé le sexe et enfermé la femme dans le rôle de madone, avait perdu de son pouvoir, le mariage n’avait plus le même attrait, l’individualisme s’imposait même dans la vie personnelle et le couple devenait plus égalitaire. Tout était alors en place pour que le couple désormais uni par l’amour se retrouvât dans l’intimité pour un moment de plaisirs enfin partagés et plus seulement masculins. Désormais comme le notèrent bien des sociologues se penchant sur les lits conjugaux, les couples occidentaux furent animés par une volonté d’« amour confluent », une exigence de plaisirs partagés, à la fois masculin et féminin.

Mais cinquante ans après cette révolution sexuelle, les jeunes filles ont-elles intégré la liberté sexuelle pour laquelle leurs aînées se sont battues ? Où en est-on en 2019 ? Le laboratoire Terpan a mené un sondage en ce début d’année. Il a interrogé plus de 200 jeunes filles âgées de 12 à 20 ans à travers toute la France afin de voir comment elles vivent leur sexualité et considèrent leur plaisir. Les résultats sont aussi nuancés que ne l’est la réalité. Comme nous le verrons, elles semblent libérées car elles ont leur premier rapport sexuel plus tôt et ont davantage de partenaires mais elles ne maîtrisent toujours pas leur plaisir. Par ailleurs elles-mêmes reconnaissent (plus de 45 %) que l’évolution de la liberté sexuelle des filles avance doucement mais pour 37 % d’entre elles, cette liberté reste encore un sujet tabou. En ce qui concerne leur propre sexualité, elles sont plus de 34 % à dire qu’il y a encore du travail, 16 % se sentent même mal à l’aise et plus de 14 % trouvent que leur sexualité n’est pas importante. Mais voyons en détail ce sondage.

Le premier rapport : 54 % des filles ont eu un rapport sexuel avant 16 ans sans être en couple.

Si la majorité des filles interrogées (54 %) ont eu un rapport sexuel à 16 ans, on découvre que plus de 14 % d’entre elles l’ont déjà vécu entre 10 et 14 ans et plus de 40 % entre 14 et 16 ans. Plus de 70 % des jeunes filles de 12-20 ans interrogées ont déjà eu un rapport sexuel. Ainsi ces résultats indiquent que les jeunes filles interrogées ont expérimenté plus jeunes leurs premières relations car bien d’autres études montraient généralement que l’âge du premier rapport tournait autour des 17 ans.

Depuis leur premier rapport, elles sont plus de 23 % à avoir eu au moins 5 partenaires et 34 % ont entre 1 et 3 partenaires.

Le pourquoi de ce premier rapport : l’envie pour 62 %

Le laboratoire Terpan qui conçoit, fabrique et distribue des préservatifs masculins et est le distributeur exclusif de préservatifs féminins en France, a également voulu connaître les raisons et motivations de cette première fois. Pour 62 % des jeunes filles interrogées, c’est l’envie qui les a poussées, suivi par l’amour pour 42 %, la curiosité pour 28 %. À côté de ces motivations positives, on retrouve cependant la contrainte ou la menace pour 7 % d’entre elles. Et plus inquiétant, plus de 16 % ont répondu que leur premier rapport n’était pas consenti.

Le plaisir de ce premier rapport aux abonnés absents pour 54 %

Sur la question du plaisir, elles sont plus de 54 % à n’avoir ressenti aucun plaisir lors de leur premier rapport. Les unes (40 %) étaient trop stressées et redoutaient trop ce moment pour se focaliser sur les sensations agréables ; les autres (27 %) avaient mal, une douleur qui empêcha le plaisir et les dernières (12 %) ont attribué cette absence de jouissance à leur partenaire qui ne pensait qu’à son propre plaisir ou était trop brusque.

Autant de justifications que l’on peut comprendre pour la plupart. Mais le sondage Terpan montre que par la suite, les choses ne s’améliorent pas grandement. Le plaisir est davantage ressenti mais il est loin d’être ressenti par toutes car plus de 37 % déclarent avoir rarement voire jamais de plaisir lors de leurs rapports sexuels.

Les pourcentages confirment le fossé orgasmique entre les sexes. La jouissance n’est pas offerte aux femmes comme aux hommes. Comme le note une étude publiée en février 2017 dans les très sérieuses « Archives of Sexual behavior », si la majorité des hommes – 88 % – jouit à chaque rapport, seulement 36 % des femmes y parviennent. La difficulté de ces dernières est redevable de nombreux facteurs parmi lesquels la méconnaissance de leur sexe et de leur fonctionnement érotique que confirme le présent sondage. Il montre que les intéressées ignorent leur sexe. Plus de 53 % des jeunes filles sondées affirment que leurs partenaires ne connaissent pas l’anatomie féminine et ses zones érogènes. Elles sont d’ailleurs plus de 30 % à ne pas les connaître non plus.

Un pourcentage qui corrobore ceux de l’étude menée récemment en France par le Haut Conseil à l’égalité qui a montré qu’un quart des filles de 15 ans ignorait qu’elles avaient un clitoris et que pas moins de 83 % des étudiantes de 4e et 3 e années ne savaient pas qu’il avait une fonction érogène. À leur décharge, on dira que le clitoris a été longtemps oublié, comme le plaisir féminin d’ailleurs, et la preuve en est qu’une seule maison d’édition, Magnard, a décidé d’intégrer le clitoris dans un manuel scolaire de la rentrée 2017-2018.

La protection oubliée par plus de 40 %

Le sondage Terpan montre aussi que malgré toutes les campagnes de prévention, trop de jeunes filles – plus de 40 % – ne se protègent pas lors de ce premier rapport. Les raisons sont simples : 54 % d’entre elles n’avaient pas de moyens de protection ce jour-là, 29 % souhaitaient avoir plus de plaisir et 10 % des interrogées n’avaient simplement pas envie de se protéger. Elles sont d’ailleurs 31 % à confirmer ne pas être informées ou sensibilisées sur les questions des IST/MST et 33 % à dire qu’elles ne sont ni informées ni sensibilisées sur les moyens de protection et de contraception. Elles sont d’ailleurs plus de 40 % à ne pas avoir été vaccinées contre le papillomavirus humain.

Au-delà, elles sont plus de 42 % à ne pas avoir utilisé un moyen de contraception car elles n’en avaient pas sous la main ou n’y ont pas pensé (32 %) ou qu’elles ou leurs partenaires n’en voulaient tout simplement pas (34 %). Et la conséquence est simple : 24 % des interrogées ont eu recours à la contraception d’urgence.

L’influence du porno

Autre élément intéressant de l’enquête est l’influence du porno. Le sondage du laboratoire Terpan révèle que pour 28 % des jeunes filles interrogées, le rapport sexuel est basé sur un acte en mode porno, 15 % sur le plaisir de l’autre. Plus de 36 % d’entre elles confirment que les sites pornos influencent leurs rapports sexuels. Or ces productions pornographiques mettent en scène la plupart du temps des femmes au service du plaisir masculin car elles sont faites pour des clients essentiellement masculins. On comprend dès lors pourquoi elles sont si nombreuses à ne pas éprouver de plaisir lors de leurs rapports sexuels.

À la lecture de ce sondage, on se dit qu’il est plus important que jamais de sensibiliser les jeunes à toutes les dimensions de la sexualité. Il faut leur parler de leur corps, de leur sexe, évoquer les maladies possibles et les grossesses, insister sur les notions de consentement et de respect de l’autre. Mais il convient également de dire le fonctionnement de leur corps et les plaisirs sensuels et émotionnels que la rencontre avec l’autre peut offrir. Il est vrai que ces sujets ne sont pas faciles à aborder mais ils n’en sont pas moins essentiels à l’épanouissement de l’individu et du couple. C’est le sexologue américain Alfred Kinsey qui écrivait « Où il y a une communauté de goûts sexuels, une compréhension des aspirations sexuelles réciproques, deux conjoints peuvent atteindre ensemble un niveau émotionnel bien plus élevé que celui qui caractérise n’importe quelle autre espèce de rapports humains ».

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