Accueil Actu Soirmag

Il convoitait le pactole de sa belle-mère

Le 6 mai 2014, Hélène Pastor, une milliardaire de Monaco, était assassinée en compagnie de son chauffeur. En 2018, son gendre, un ancien consul polonais, était condamné à la prison à perpétuité pour avoir commandité ce crime. En appel, il se livre à un bien curieux cinéma…

Journaliste Temps de lecture: 6 min

Cet article est normalement réservé à nos abonnés. Découvrez-le en accès gratuit exceptionnel. Pour bénéficier d’un accès permanent à tous les articles du Soirmag, abonnez-vous (1 euro le premier mois, 5 euros ensuite).

Il se joue en ce moment une étrange pièce à Aix-en-Provence en la salle de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône. Ce qui a tous les accents d’une véritable tragédie tourne par moments à la grosse farce, de par les agissements de son acteur principal. Jusqu’au 27 mars se déroule en effet devant cette instance le procès en appel de l’affaire Pastor, un double assassinat commis en 2014 sur une milliardaire monégasque et son chauffeur, par une équipe de branquignols, tout cela pour une histoire d’héritage, sur fond de dettes et de jalousie…

Deux coups de lupara

Retour sur les faits. Nous sommes le 6 mai 2014 en soirée, à Nice. Hélène Pastor, une élégante et richissime femme d’affaires de Monaco âgée de 77 ans, sort de l’hôpital L’Archet. Elle vient de rendre visite à son fils Gildo, hospitalisé sur le sol français pour un AVC. En sortant de la clinique, elle croise un homme handicapé. Elle prend un moment pour parler avec lui. Elle est comme ça, Hélène. Elle aime discuter avec les gens. Malgré son immense fortune, elle est restée très simple. Elle lui demande, à ce brave homme, ce qu’il a eu et le quitte en lui disant : « Allez ! Gardez espoir car la médecine fait de grands progrès. » Puis elle se dirige vers le parking de l’hôpital où l’attend son chauffeur, Mohamed Darwich, à bord d’un monospace noir. Elle s’installe dans le véhicule. C’est à ce moment que deux hommes surgissent. L’un d’eux est porteur d’une « lupara », ce fusil de chasse à double canon scié très utilisé par la mafia pour ses exécutions. Il tire à bout portant à travers les vitres du monospace. Deux coups de feu, puissants, meurtriers. Hélène et Mohamed gisent dans leur sang, criblés d’impacts de chevrotine, très grièvement blessés. Mohamed, 63 ans, décède quatre jours plus tard. Hélène s’éteint à son tour le 21 mai. Aucun d’eux n’a pu survivre à ses blessures.

Rapidement, les enquêteurs de police tiennent la bonne piste. Filmés par des caméras de surveillance, l’assassin et son complice sont bien vite identifiés et arrêtés. Samine Saïd Ahmed, le tireur présumé, et Alhair Amadi, le guetteur, Comoriens d’origine, sont deux petites frappes issues du milieu marseillais. Ils ne tardent pas à se mettre à table et révèlent aux policiers avoir été recrutés 17 heures à peine avant d’être passés à l’acte. Et le commanditaire ne serait autre que Wojciech Janowski, le gendre de Hélène Pastor, ancien consul honoraire de Pologne à Monaco ! Le mobile ? Janowski est criblé de dettes. Et ce, bien que sa compagne, Sylvia Ratkowski, bénéficie d’une enveloppe de 500.000 euros par mois pour les « menues dépenses » du couple, dans laquelle il puise largement. Il n’empêche, dans un mélange de haine et de jalousie envers Hélène Pastor, le gendre ingrat voit un moyen rapide et efficace de se débarrasser de ses dettes, et de sa belle-mère par la même occasion, dans le dos de sa compagne, qui ne se doute de rien.

Wojciech Janowski, le gendre jaloux, n’a pas hésité.
Wojciech Janowski, le gendre jaloux, n’a pas hésité. - BelgaImage

« Trouver quelqu’un pour tuer la vieille »

Pour ce faire, Janowski manipule Pascal Dauriac, un prof de gym reconverti depuis treize ans en coach sportif personnel du couple, lui faisant croire que la vieille dame leur fait vivre un enfer, à sa compagne et lui-même. Une mère qui aurait pris le parti de son fils, Gildo, le préféré, contre sa fille, sur fond de tensions familiales. Au procès en appel, Dauriac explique : « On me disait qu’elle traitait sa fille de feignante, de voleuse, alors j’avais de la compassion, de la sympathie pour eux, je partageais leur drame. »

D’autant plus qu’il a été témoin d’échanges téléphoniques violents entre mère et fille. Jusqu’à ne pas être choqué quand un jour, Janowski, son patron, lui demande de « trouver quelqu’un pour tuer la vieille ». Il l’inonde de cadeaux et de voyages, puis se fait plus pressant, lui remettant 140.000 euros en cash à se partager entre tous les exécutants du drame qui se prépare. « J’ai participé, j’ai été un acteur, j’ai perdu pied. J’étais sous pression constante, j’étais dans un étau », se justifie Dauriac. « J’ai transmis les ordres, les informations. » Janowski avait donné une date butoir. Ce devait être avant le retour de Gildo Pallanca à Monaco, alors hospitalisé à Nice. « Parce que ça l’arrangeait, selon Dauriac, que le double crime ait lieu sur le territoire français. »

Janowski avait fixé deux lieux : « L’hôpital ou la Corniche. » La fameuse Corniche, sur les hauteurs de Monaco, où la princesse Grace a perdu la vie. Ce sera l’hôpital. Dauriac, qui n’est pas connu de la justice, recrute les tueurs par l’intermédiaire de son beau-frère. Et ces derniers passent à l’acte quelques heures plus tard… En septembre 2018, tout ce petit monde se retrouve sur le banc des accusés en cour d’assises. Après cinq semaines de débats et à peine cinq heures de délibération, les jurés condamnent Janowski, le commanditaire, à la réclusion criminelle à perpétuité, tout comme le tueur et son complice. Dauriac, le coach sportif, prend 30 ans de prison, et son beau-frère 15 ans, pour complicité d’assassinat. Tout au long du procès, Janowski a toujours clamé son innocence. Jusqu’à la dernière minute, où dans un coup de théâtre dont il est coutumier, son défenseur, le flamboyant Me Éric Dupond-Moretti, avoue à la place de son client la culpabilité de ce dernier, mais uniquement pour l’assassinat de Hélène Pastor, pas de son chauffeur. Il espère ainsi lui éviter la réclusion à perpétuité. Mais le jury n’en tient pas compte. Pour le commanditaire âgé de 69 ans, la sentence sonne comme un arrêt de mort.

Appel

C’est pour cela qu’il interjette appel de la décision et porte plainte contre son avocat dans la foulée. Enfermé depuis six ans à la prison des Baumettes, il devait se présenter le lundi 9 mars 2020 pour le procès en appel. Mais, stupeur, il est absent ! Son nouvel avocat a adopté une stratégie classique du milieu. C’est un « cador », comme on dit, il est connu pour défendre les intérêts de Gérald Campanella, un parrain du grand banditisme corse. Si Janowski n’est pas là, explique-t-il à la cour, c’est qu’il est gravement malade. Il aurait fait une rechute d’un cancer colorectal et est, en plus, devenu hémiplégique des suites d’un AVC ! Deux expertises médicales prouvent pourtant le contraire. C’est un simulateur, estime la cour qui le somme d’être présent au procès. Dans une commedia dell’arte digne des plus grands procès de la mafia ou de celui du réalisateur pervers Harvey Weinstein, l’accusé principal se présente, défait, hagard, porté par des policiers, incapable d’aligner plus que quelques mots. Ceux-ci : « Je ne suis pas le commanditaire, je suis innocent ! »

Face à lui, sur le banc des parties civiles, les deux enfants de Hélène Pastor assistent au spectacle, les traits tirés, fermés. Gildo et sa sœur Sylvia ne se parlent plus. Troublée par la défense de son ex-compagnon, Sylvia doute. Elle ne sait plus quoi penser. Le verdict tombera le 27 mars. Le dernier acte d’une tragédie de laquelle une famille richissime va ressortir encore une fois brisée. À jamais.

Notre sélection vidéo

Aussi en Société

Voir plus d'articles

À la Une