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Éloge du corps et de ses plaisirs

Dans le deuxième tome d’Extases, JeanLouis Tripp poursuit son autobiographie amoureuse et érotique. Interview d’un auteur libre et talentueux.

Journaliste Temps de lecture: 5 min

Les jeux de séduction, le stress de la première nuit, les femmes aux ressentis si différents, l’épuisement du désir, les ruptures, la douloureuse solitude, l’euphorie des corps mélangés…

C’est d’amour et de sexe dont nous parle JeanLouis Tripp dans « Extases – Les montagnes russes ». Dans le deuxième tome de son autobiographie, l’auteur de bd français qui nous a offert la superbe série « Magasin général », poursuit l’évocation de la part la plus intime de sa vie, sans tabou ni fausse pudeur. Au-delà de son témoignage sensible et sensuel, il nous montre que le sexe et l’amour se vivent avec des hésitations, des doutes même quand on est un expert… C’est que la sexualité, elle s’éveille et s’apprend et Extases contribue sans doute à cet apprentissage !

EXTASES-INGRE

Dans cet album, vous racontez toutes vos expériences amoureuses et érotiques et vous dessinez tout, les sexes féminins et masculins, les nuits torrides, les clubs échangistes, les corps mélangés. Pourtant vous ouvrez l’album en nous disant qu’il ne s’agit pas d’une BD cul mais d’un acte politique !

C’est exact. En affirmant comme je le fais que le corps est un instrument de plaisir, je vais à l’encontre du discours sociétal qui veut que le corps soit un instrument de travail. La religion comme le politique n’ont pas à nous dire ce que nous pouvons faire ou ne pas faire dans notre chambre à coucher. Ils essayent de nous contrôler en réglementant nos vies sexuelles. Mais il n’y a pas de sexualité bonne ou mauvaise quand il y a consentement de deux adultes. Se réapproprier notre corps, c’est un premier pas vers notre émancipation. Les luttes d’émancipation sont passées et passent encore par une réappropriation des corps : la fin de l’esclavage, c’est la réappropriation du corps qui appartient au maître, les luttes ouvrières, c’est que le corps de travail soit justement rémunéré et ait le droit au repos, les luttes des femmes pour la contraception, l’avortement et la fin de la prédation et du harcèlement sexuel visent aussi à les rendre maîtresses de leurs propres corps.

Vous ne cachez rien de vos difficultés dans Extases ; vous nous expliquez par exemple que vous stressez lors de la première nuit avec une nouvelle partenaire. Malgré vos nombreuses expériences !

Dans Extases, je veux me raconter totalement, dessiner mes hésitations comme mes élans, mes moments de grâce ainsi que ceux de doute. Je veux évoquer les bons moments comme les mauvais. Et les coups d’un soir, vous savez, ils sont rarement réussis car vous ne connaissez pas l’autre, vous ignorez son langage érotique, vous ne savez pas ce qu’il aime ou n’aime pas. Au Québec où je vis, les rapports sont libres. Quand vous y rencontrez une femme et percevez que tous les deux, vous avez envie de passer un moment ensemble, vous pouvez lui demander ce qu’elle aime au niveau érotique. Parler est très important ! Ces échanges sont respectueux des envies de l’autre, matérialisent le consentement. De plus ils sont très excitants.

Au fil du temps, les problèmes surgissent. Quelle que soit la femme que vous aimez, après quelques mois, vous vous ennuyez au lit. Comment combattre cette monotonie ?

Tous les couples sont confrontés à ce problème après un, deux ou trois ans, car l’humain n’est pas monogame. Il n’est pas fait pour vivre l’amour unique et éternel avec une seule personne. Mais il n’y a pas de recette miracle pour casser cet ennui. Chacun fait ce qu’il peut pour la rompre. Personnellement je n’aime pas être infidèle, comme des amis m’ont suggéré de l’être quand je leur demandais comment combattre la monotonie sexuelle. Pour moi, l’élément central de la vie amoureuse est le couple et avec la femme que j’aime, nous allons dans des clubs échangistes pour avoir accès tous les deux à d’autres partenaires. Les orgies nourrissent mon imaginaire.

N’y a-t-il pas une routine qui s’installe dans ces rapports échangistes répétés ? Les orgies ne tuent-elles pas vos fantasmes si essentiels à la vie érotique ?

Non ! Pas pour moi en tout cas. Au contraire, la fréquentation des clubs échangistes ouvre les portes de mon imaginaire. Mais vous savez, vous faites ce que vous voulez dans de tels lieux : simplement regarder ou se déguiser ou s’aimer à deux ou trois ou quatre…

La jalousie n’est-elle pas présente quand on voit sa compagne partir avec un ou une autre ?

Cela m’est peu arrivé dans ce cadre-là. Mais par contre si j’apprends que mon amie voit quelqu’un sans me le dire, je serai jaloux. Ce sentiment s’éveille chez moi quand je me sens exclu.

Vous avez développé un art de la caresse dont vous êtes très fier. Vous vous attribuez avec humour le Nobel de la papouille érotique. Pouvez-vous nous l’expliquer ?

Haha ! Oui, enfin, c’est de l’autodérision, mais les caresses, ça me paraît être une clef de l’amour. Les caresses, c’est doux et bienveillant. On peut commencer par caresser une femme selon un circuit toujours le même que le corps va identifier et auquel il s’attend pour arriver au plaisir. Ensuite, changer ce circuit pour surprendre et frustrer le corps ou, si vous voulez, retarder sa jouissance. On peut ainsi amener le corps au bord de l’orgasme puis arrêter les caresses avant de les reprendre et de frôler à nouveau l’orgasme. À la fin, cette frustration « attentionnée » mène à une jouissance plus grande. C’est ce qu’on appelle le « edging » : amener l’excitation très loin, se retenir, arrêter, reprendre, arriver à nouveau tout près de l’orgasme, arrêter…

C’est un plaisir que vous offrez à l’autre. Et vous ?

Caresser une femme peut suffire en soi, mais en général, elle vous le rend bien. Vous savez, plus j’avance en âge – j’ai 62 ans –, plus je considère la relation sexuelle comme globale et bien plus large que la pénétration ou l’orgasme. Je n’ai pas besoin de jouir à chaque relation sexuelle pour me sentir pleinement satisfait d’une relation.

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Extases 2 est paru chez Casterman, 368 p., 27,99 euros

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