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Un mort du Covid emballé dans du plastique: l’auteur de l’image humilié et traité d’ «esclave de l’OMS»

Depuis la publication de sa photo, il vit un enfer, comme il l’a raconté aux médias australiens.

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Joshua Irwandi est un photographe indonésien et il travaille pour le National Geographic. Lorsque le Covid-19 est arrivé dans son pays, c’était le chaos. Il s’est donc rendu dans les hôpitaux pour faire connaître la dure réalité du terrain. Alors qu’il en parcourt un, il tombe sur un corps momifié dans du plastique. C’est une des victimes du coronavirus, emballée pour éviter les risques de contamination tant que faire se peut. Il la prend en photo et l’image est ensuite relayée par le National Geographic Magazine d’août 2020. Joshua Irwandi voulait provoquer un électrochoc au sein du public et cela n’a pas manqué, mais pas forcément dans le sens qu’il espérait. Il est aujourd’hui la cible de multiples actes d’intimidations, y compris vis-à-vis de sa vie privée, et est critiqué de toutes parts.

« Voir une telle polarisation était choquant »

A l’époque de la photo, le photographe affirmait : « Dans mon esprit, je pensais seulement que ce qui est arrivé à cette personne pourrait bien arriver à des gens que j'aime, des gens que nous aimons tous. […] Nous avons pensé qu'il était absolument crucial que cette image soit faite. Pour comprendre et se connecter à l'impact humain de ce virus dévastateur. L'image est publiée ici aujourd'hui comme un rappel et un avertissement, du danger toujours imminent. Pour nous informer du coût humain du coronavirus et de la façon dont les gouvernements mondiaux ont laissé les choses aller si loin ».

Sa publication sur Instagram a été likée plus de 350.000 fois et a été plusieurs fois récompensée, comme en étant finaliste au prix Pulitzer. Comme l’a commenté le National Geographic, « la photo a choqué un pays entier ». Tant et si bien que plus d’un an après, Joshua Irwandi raconte que sa vie est complètement bouleversée, et pas en bien. Sa crédibilité a été saccagée, des détails intimes sur sa vie privée ont été rendu publics, et un médecin proche du gouvernement l’a qualifié de « personne sans éthique ». Un célèbre chanteur indonésien, Anji, l’a accusé d’avoir truqué l’image, ce qui a ajouté de l’huile sur le feu (ce chanteur s’est depuis excusé publiquement). Et parmi les très nombreux commentaires hostiles sur les réseaux sociaux, il y a des attaques très directes, certains traitant Joshua Irwandi d’« esclave de l'Organisation mondiale de la santé ». Le photographe a dû se mettre en retrait de force.

« Je pensais que nous étions tous dans le même bateau, que nous nous soutiendrions les uns les autres. Que nous ferions tout pour éviter de nouvelles épidémies, pour soutenir les malades. Mais nous n'avons fait que nous polariser davantage », regrette Joshua Irwandi, comme il le dit à News.com.au. « Voir une telle polarisation était choquant, plutôt qu'effrayant, pour moi. J'ai vite compris que nous ne nous battions pas forcément contre le déni. Nous menons également une bataille perdue d'avance avec un algorithme de médias sociaux où la réalité à laquelle les gens croient est la réalité qu'ils choisissent pour eux-mêmes ».

En juillet-août 2021, l’Indonésie a subi sa pire vague de Covid-19, avec près de 50.000 morts en quelques semaines selon les chiffres officiels (près de 143.000 au total à l’heure actuelle sur toute la durée de l’épidémie). Les infections se chiffraient en millions. Quant à la vaccination, elle avance lentement (23% des Indonésiens sont totalement vaccinés aujourd’hui). Au début de l’épidémie, le président Joko Widodo refusait de prendre les mêmes mesures sanitaires qu’en Europe et vantait les remèdes à base de plantes, qu’importe s’il manquait de preuves scientifiques de leur efficacité. Encore aujourd’hui, les masques sont parfois rares dans certaines zones du pays « Si la prochaine vague est aussi importante que celle que nous avons eue en juillet, je ne pense pas que le pays soit mieux préparé », craint Joshua Irwandi.

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