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Il tombe amoureux de sa sœur: comment comprendre les relations incestueuses?

Deux histoires d’amour entre frères et sœurs en Angleterre et en Espagne font beaucoup de bruit. Le sexologue Philippe Kempeneers commente la force de ces désirs tabous.

Temps de lecture: 4 min

La condamnation fait grand bruit en Angleterre : Robin Price, 62 ans et son ancienne compagne viennent d’être condamnés respectivement à cinq et trois mois de prison par la cour de Croydon Crown pour leurs amours incestueuses. Durant plus de 10 ans, ces demi-frère et sœur ont vécu ensemble, donnant naissance à 4 enfants. Mais quand en 2014 à l’âge de 29 ans leur fille aînée, Donna, apprit les liens de sang qui unissent ses parents, elle lança la procédure judiciaire qui aboutit aujourd’hui à la condamnation de ses parents. Robin plaida coupable au procès et expliqua que jamais il n’avait voulu tomber amoureux de sa sœur. Tous deux se sont rencontrés à l’âge adulte et sont tombés amoureux très vite l’un de l’autre, ignorant tout de leurs liens de sang. Ils ne les ont appris qu’un an plus tard, quand ils attendaient déjà un enfant. « Alors oui, c’était mal. Mais nous étions heureux. » Malgré l’interdit social, les amoureux ont décidé de continuer à s’aimer, de partager une vie commune et d’avoir trois autres enfants, avant de se séparer en 1994. Jamais ils n’ont eu le courage de révéler à leurs enfants la nature du lien qui les unissait avant qu’une tante ne trahisse leur secret en le révélant à Donna.

En Espagne, une autre affaire d’amour incestueux fait aujourd’hui la une des magazines populaires. Il s’agit de la relation qu’entretiennent depuis trois ans Ana Parra, 28 ans et Daniel, 25 ans qui tous deux ont la même mère mais n’ont pas grandi ensemble puisque le paternel a quitté le domicile conjugal pour faire sa vie avec une autre femme. C’est par les réseaux sociaux que le frère et la sœur se sont retrouvés et très vite ils sont tombés amoureux. Aujourd’hui ils attendent un enfant…

Comment comprendre ces amours tabous qui d’après les intéressés sont portés par un désir immense auquel il est difficile de résister. Dans leurs ouvrages respectifs, les anthropologues Edvard Westermarck ( « Histoire du mariage » 1934-1945) et Arthur Wolf ( « Attraction sexuelle et enfance », 1995) mirent en évidence que des enfants élevés ensemble durant la période de 0 à 30 mois développaient l’un vis-à-vis de l’autre une sorte de rejet sexuel. La cohabitation semble ainsi inhiber le développement de l’attraction sexuelle. A contrario, si des frères et sœurs n’ont pas grandi sous le même toit et qu’ils se retrouvent à l’âge adulte, ils peuvent éprouver un désir mutuel très puissant, comme l’observent le psychiatre M.T.Erickson et l’anthropologue Roland Littlewood et le relate Lucy Vincent dans son ouvrage « Comment devient-on amoureux » paru chez Odile Jacob. Dans 50 % des retrouvailles entre frères et sœurs biologiques, cette attraction est décrite comme très forte à tel point que d’aucuns parlent aujourd’hui d’« Attraction Sexuelle Génétique » ou « GSA » pour désigner l’attirance entre personnes génétiquement très proches telles que des frères et sœurs, mères et fils, pères et filles qui se retrouvent après une longue séparation. Certes le terme n’a rien de scientifique puisqu’il a été inventé par l’américaine Barbara Gonyo fondatrice de « Truth Seekers in Adoption », un groupe de soutien pour personnes adoptées. Mais il semble bien désigner une réalité. « Lorsque des enfants proches biologiquement n’ont pas été élevés ensemble, les inhibitions d’attraction sexuelle ne se mettent pas en place », explique Philippe Kempeneers, psychologue et sexologue belge. « Bien au contraire ils semblent éprouver une attraction très forte. De nombreuses études ont montré que l’attraction sexuelle est amplifiée par des réactions émotionnelles a priori étrangères au désir telles que le stress, la peur d’un danger, la crainte d’être surpris pendant l’acte sexuel, la menace d’une sanction… On peut dès lors imaginer que la curiosité, l’engouement suscités par la rencontre d’un frère et d’une sœur biologiques joue un effet d’amorce sur le désir. Le tumulte émotionnel lié à cette situation particulière peut être interprété par les protagonistes comme le signe d’une vive attirance sexuelle l’un pour l’autre. La question des origines communes rajoute en quelque sorte des émotions à la rencontre et sert de détonateur au processus amoureux. »

D’aucuns estiment que de telles relations devraient augmenter en raison de l’évolution de la vie amoureuse et de la technologie. De plus en plus d’hommes et de femmes connaissent au cours de leurs vies plusieurs partenaires successifs, augmentant ainsi le nombre d’enfants qui peuvent grandir sans se connaître et internet permet à ceux-ci de se retrouver assez facilement s’ils n’ont pas été en contact. Par ailleurs si de telles relations sont considérées comme taboues et condamnées par la justice, certains pays pensent faire évoluer leur législation. En septembre 2014, le Conseil d’éthique allemand a proposé de dépénaliser les relations sexuelles consenties entre frère et sœur adultes, tout en recommandant de durcir les sanctions dans les cas de relations incestueuses avec un mineur.

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