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Se rendre en classe du bon pied

Seuls 2 % des enfants présentent de réels problèmes orthopédiques. Pour chausser tous les autres, le bon sens doit faire fi du marketing.

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Chaque nouvelle année scolaire ressemble étrangement à la Saint-Sylvestre : les bonnes résolutions sont de mise et, avec elles, le désir de faire le point sur la santé des enfants. Comme c’est aussi souvent le moment de leur acheter de nouvelles chaussures, nous avons demandé au Pr Jean Lamoureux, chirurgien-orthopédiste pédiatrique à l’Hôpital universitaire des Enfants Reine Fabiola, de nous expliquer en quoi consistent les principaux motifs de consultation dans le domaine orthopédique et quand il y a lieu de s’inquiéter. « La première chose à se dire, c’est que dans 98 % des cas, nous pouvons rassurer les parents qui consultent pour leur enfant. Seuls 2 % ont de réels problèmes au niveau des pieds ou des jambes, qu’il convient de traiter, parfois d’opérer », nous dit-il. « La plupart du temps, il s’agit de phénomènes liés à la croissance, tout à fait normaux et qui vont disparaître progressivement. » Ce peut être le cas, par exemple, des jambes tournées vers l’intérieur (on a l’impression que l’enfant marche « en dedans »), dont la torsion du tibia ou du fémur peut être la cause. La consultation est nécessaire si le problème persiste au-delà de 3 ou 4 ans. Pareil pour les jambes « en X » qui se redresseront au fur et à mesure de la croissance.

« De temps en temps, il y a effectivement une indication pour un enfant qui présente des pieds plats ou déformés, ou encore un enfant atteint d’une anomalie génétique avec des problèmes orthopédiques bien spécifiques, mais dans la grande majorité des cas, ce qui apparaît aux yeux des parents comme un problème est une étape normale de la croissance et la situation se normalisera par la suite », explique le Pr Lamoureux. « Il est extrêmement important que les médecins prennent le temps d’examiner leurs patients, avant de prescrire radios, prises de sang et analyses en tous sens. En regardant attentivement l’enfant, on diagnostique déjà beaucoup de choses et l’on peut écarter ainsi bon nombre de pseudo-déformations. »

Pas de sport à outrance

Avoir les pieds plats n’est en soi pas grave du tout, car tous les enfants ont les pieds affaissés jusqu’à l’âge de 5 ans. Pour vérifier ensuite si l’enfant plus âgé présente un véritable problème de pieds plats, il faut lui demander de se mettre sur la pointe des pieds : si la voûte plantaire se creuse, c’est qu’il ne souffre pas de cette pathologie. Enfin, rien de tel que de muscler les pieds en pratiquant un sport ou de l’exercice physique, deux à trois heures par semaine. « Le sport à outrance n’est pas recommandé, précise l’orthopédiste. L’enfant qui pratique de l’équitation ou du tennis six heures par jour doit s’attendre à avoir des problèmes par la suite. » Enfin, il faut surveiller l’évolution des pieds plats qui peuvent être le signe d’une malformation dans le pied. De même, il faut veiller aux enfants présentant de l’hyperlaxité (articulations trop souples) et ne pas entretenir celle-ci par des activités physiques requérant des mouvements de torsion au niveau articulaire.

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Il faut marcher !

Pour le Pr Lamoureux, une chose est sûre, depuis les années 50, la moindre petite déformation de pied s’avère suspecte, débouche sur une consultation et nécessiterait le port de semelles orthopédiques. Les fabricants de chaussures ont emboîté le pas aux bandagistes, sautant à pieds joints dans l’opportunité de lancer de nouveaux produits conformes aux attentes. Les médecins le savent bien : « À ce compte-là, on devrait prescrire des semelles à tout le monde ! », ironise le spécialiste. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les Tibétains et les Touaregs, qui marchent des heures durant, avec de simples sandalettes aux pieds, n’avaient pas de problèmes orthopédiques ? Comment se fait-il que nous ayons besoin de semelles et pas eux ? C’est ce que j’appelle du marketing ! La question à se poser, c’est : « Pourquoi met-on des chaussures ? » Et la réponse est claire : pour protéger le pied des inégalités du terrain, de la saleté, ainsi que du froid. Et non pas pour se prémunir d’une éventuelle déformation. Ce n’est pas parce que le cuir est coûteux ou que la voûte plantaire est soutenue par un coussinet que l’on aura de beaux pieds ! Le véritable problème aujourd’hui, c’est que les gens ne marchent plus… »

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Éviter le faux pas !

Faut-il opter pour un modèle haut ou bas, rigide ou souple, en cuir ou en toile ? La première chose à savoir est que, jusqu’à 5 ans environ, les enfants ont les pieds naturellement plats. En grandissant, ils vont faire travailler les muscles de ceux-ci, qui finiront par se creuser d’eux-mêmes. Il est donc, contrairement à ce que l’on préconisait autrefois, inutile de se précipiter sur les modèles de chaussures « avec soutien de voûte plantaire ». Non seulement cela ne sert à rien mais en plus, cela va empêcher le pied de l’enfant de se muscler de lui-même. Du côté de la semelle, on optera plutôt pour une semelle semi-rigide, qui permette au pied d’évoluer sans contrainte ; elle doit être aussi antidérapante et imperméable. Les modèles « hauts », de type bottines, seront réservés aux tout-petits dont ils maintiendront les chevilles. Les modèles bas conviendront ensuite, en vérifiant toutefois que le bord de la chaussure ne frotte pas contre la malléole (l’os de la cheville, que l’on voit et sent de chaque côté du pied). Est-il besoin de le dire : évitez les tongs et les claquettes (le conseil vaut aussi pour les adultes), non seulement elles sont dangereuses pour courir (et conduire), mais elles ont également un impact sur les articulations des pieds, car elles nécessitent la contraction des orteils à chaque pas, ce qui, à la longue, pourrait favoriser la déformation du gros orteil (hallux valgus).

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