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Dites accident médical, pas erreur médicale!

Tous les hôpitaux peuvent être confrontés à une opération ou un soin qui tourne mal. Encore faut-il pouvoir le prouver…

Temps de lecture: 5 min

Trois patients viennent de perdre l’usage d’un œil à la suite d’interventions courantes à la rétine. Il s’agissait à chaque fois de remplacer le corps vitré de l’œil par un liquide. Réalisées par une équipe aguerrie qui en réalise 1.400 par an, à l’hôpital universitaire de Louvain (UZ Leuven), ces interventions auraient dû se dérouler sans souci. D’après les premières expertises, c’est l’un des produits utilisés au cours de l’opération qui serait en cause et non le geste du médecin. Dans un domaine aussi chatouilleux que celui des erreurs médicales, chaque mot a son importance. Du coup, là où les patients révoltés par ce qui leur arrive crient à l’« erreur médicale », le Fonds médical des accidents (Inami) préfère, comme son nom l’indique, parler prudemment d’« accident ». Le FMA, qui ne fait effectivement pas la différence entre l’erreur médicale et l’aléa thérapeutique, est cependant une voie possible pour obtenir un avis quant à la responsabilité du prestataire de soins et une éventuelle indemnisation du patient si la demande lui paraît légitime. À côté de cela, une sprl comme EMDR (Expertises médicales – Défense et recours) regroupe une dizaine de médecins indépendants, dispersés à Bruxelles et en Wallonie, spécialisés en évaluation des dommages corporels. Nous avons demandé à Raymond Rennotte (EMDR) de nous expliquer quelle était la politique en matière d’indemnisation.

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Quels sont les critères de reconnaissance d’une erreur médicale ?

Il faut que l’acte médical n’ait pas été pratiqué de la bonne manière ou qu’il n’était pas préconisé pour la pathologie à soigner. Par exemple si l’on place une prothèse alors que ce n’était pas nécessaire. Il s’agit d’un « geste inapproprié ». Bien sûr, il y aura toujours des avis divergents entre les médecins quant à la meilleure façon de procéder, mais dans ce cas, on se rallie à l’avis de professeurs en médecine qui font référence. Cela dit, l’erreur médicale ne remet pas nécessairement la compétence du médecin en cause. Évidemment, si vous constatez que la moitié de la patientèle d’un dentiste se plaint d’actes inappropriés, il y a un problème… Mais c’est au plaignant à prouver et la faute médicale et le préjudice corporel.

Les médecins qui refusent de reconnaître leur erreur se cachent-ils derrière la loi qui stipule qu’ils n’ont pas d’obligation de résultat, seulement une obligation de moyens ?

Pas nécessairement. Il n’y a en effet pas d’obligation de résultat pour les médecins urgentistes dont on comprend qu’ils n’ont pas pu préparer leur intervention. Par contre, il y a une obligation de résultat en matière de chirurgie esthétique car les opérations sont précédées de plusieurs entretiens préparatoires. Dans toutes les autres chirurgies, il y a essentiellement une obligation de moyens et d’information. Les médecins connaissent les risques qu’ils encourent.

Comment de tels « accidents » peuvent-ils se produire ?

Dans ces cas-là, on constate souvent que le devoir d’information de la part du médecin à l’égard de son patient a été bâclé. Cela dit, ce n’est pas parce qu’un patient dit qu’il a été victime d’une erreur que c’est le cas. Vous avez par exemple des patients qui ne suivent pas le traitement post-opératoire conseillé. Un manque de communication au sein de l’équipe médicale peut jouer un rôle également, c’est ce qui se passe notamment quand il y a un oubli de compresses dans le corps du patient. Ce sont des choses qui ne « devraient pas arriver » qui constituent une erreur médicale incontestable et dénotent un manque de suivi. En revanche, il est très rare que l’on puisse incriminer la lenteur de la prise en charge du patient. Dans ce cas, les experts parlent plutôt de « perte de chance », dans le sens où ils considèrent que même si le patient avait été pris en charge plus tôt, on ne peut pas être sûr qu’il aurait été mieux soigné. Ce n’est pas non plus parce qu’une opération est bien réalisée qu’elle engendrera de bons résultats.

Y a-t-il moins d’erreurs médicales au sein des hôpitaux spécialisés dans une pratique opératoire ?

Non, cela arrive dans tous les hôpitaux et dans tous les domaines d’action. Parfois, ce n’est pas le médecin qui est responsable. Dans le cas de la pose d’une prothèse défectueuse par exemple, l’assurance peut se retourner contre le fabricant.

Quand un patient se heurte au refus de reconnaître l’erreur médicale, cela émane-t-il plus souvent de la direction de l’hôpital ou du médecin lui-même ?

Cela vient directement de la compagnie d’assurances (RC obligatoire qui couvre le médecin) qui estime toujours qu’il n’y a pas eu d’erreur ! Nous avons souvent eu le cas de médecins qui reconnaissaient auprès de leur compagnie avoir commis une erreur et avaient même rentré le dossier du patient concerné et qui, pourtant, se sont vus déboutés par l’assurance.

Les médecins présentent-ils parfois des excuses à leur patient ?

C’est très rare ! Pourtant, certains patients ne lancent une procédure que dans le but d’être reconnu dans leur souffrance.

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