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Les femmes ne sont-elles que des objets de désir?

Dans « Impertinentes », Shirley Hicter répond en images. Interview de la photographe belge.

Temps de lecture: 5 min

Les femmes sont-elles contraintes à n’être que des objets de désir ? Sont-elles obligatoirement soumises aux regards concupiscents ? Toujours obligées de paraître, séduire et attirer les regards des mâles dont les désirs – on le sait – sont soutenus par le visuel ? Les réponses à ces questions sont affirmatives quand on voit les images prises à Bruxelles, Anvers, Paris et Rome par Shirley Hicter. Dans son livre, « Impertinentes. Images de femmes », la photographe belge a immortalisé les mannequins exposés dans les vitrines des magasins et ses figures de femmes parfaites et silencieuses, exhibées et enfermées semblent concrétiser la place réservée encore trop souvent aux femmes. L’impression est confirmée par le texte de Laurence Rosier. La professeure de linguistique, spécialiste des violences verbales évoque sa vie et la « bonne éducation à laquelle elle a été soumise et dont elle s’est libérée ! Mais à l’instar de la condition féminine qui a vécu sa révolution, au fil des pages, les photos de Shirley Hicter révèlent elles aussi la force des femmes qui s’affranchissent des mille et un diktats, sexuels, familiaux, professionnels… auxquelles elles sont encore trop souvent contraintes. Libérées et impertinentes, elles peuvent enfin clamer un salutaire « Rien à foutre ». Le texte est effronté, impertinent parce que les mots font aussi partie de leur libération.

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Les femmes sont comme les mannequins de magasins, s’exposant aux regards, suscitant les désirs et en même temps enfermées ?

Les femmes suscitent le désir. Elles ont été longtemps enfermées dans cette obligation de plaire. Les diktats de la beauté, de la minceur, de l’épilation, de l’intelligence – être intelligente mais pas trop – de la séduction – être sexy mais pas trop – enferment depuis toujours les femmes. Aujourd’hui nous vivons une avancée vers le droit d’être celle que nous sommes, en bannissant ces diktats. S’aimer soi-même pour nous offrir plus librement à l’autre. En finir avec les stéréotypes et s’accepter pour se libérer. J’ai été bloquée sur facebook récemment par un ami qui déplore mon féminisme. En l’évoquant à Laurence Rosier, elle m’a répondu « Les femmes qui lisent sont dangereuses, les femmes qui écrivent sont dangereuses, les femmes qui répliquent sont dangereuses, sale impertinente ! »

Longtemps les femmes ont été soumises au diktat masculin, domination qui passe notamment par le contrôle de leur parole et de leur sexualité.

C’est exact. Aujourd’hui encore trop de femmes n’arrivent pas à assumer leur sexualité. Elles veulent être des épouses et des mères parfaites et pensent qu’il n’est pas bien vu qu’elles s’éclatent au lit. Elles doivent se libérer de ces rôles dans lesquels la religion et la bonne éducation les enferment. Mais il est vrai aussi que certains hommes n’arrivent pas à se lâcher avec leur compagne car ils voient en elle une mère avec laquelle ils n’osent pas tout faire au lit.

Vous-même avez-vous vécu cela ?

Je me souviens de ma mère qui m’a dit à 17 ans quand j’ai voulu prendre la pilule : « oh tu sais le sexe, ce n’est rien de terrible ». Ce qui aurait pu me traumatiser ou me bloquer dans mon épanouissement, m’a en fait permis de me libérer de la quête de la performance. Le sexe est devenu quelque chose de naturel. Avec les années et la maturité, on apprend à se connaître. Moi-même, j’ai longtemps vécu une sexualité sans véritable plaisir, tout en douceur et tendresse pour me découvrir au fur et à mesure et oser alors toutes les dimensions de la sexualité, même la vulgarité.

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Comment se libère-t-on ?

À la lecture de mon livre Impertinentes, bien sûr ! Sans plaisanter, lire, s’informer peut bien sûr aider à la libération, tout comme un travail sur soi – personnellement j’ai consulté une psy – et l’épanouissement professionnel. Celui-ci obligera peut-être à emprunter un chemin différent de celui qu’on avait pris jusque-là.

Comment est né ce livre ?

En discutant avec des amies, je me suis rendu compte que toutes nous n’avions pas toujours fait les choix que nous voulions ; je voulais être architecte et je suis devenue économiste sur les conseils de mes parents qui me disaient qu’il me fallait un bon diplôme pour être indépendante financièrement. J’ai eu alors envie de parler de tous les conditionnements subis qui commencent dès l’enfance, passent par les rêves de prince charmant, le diktat du regard des autres et des hommes, l’obligation d’avoir des enfants… Nous sommes coincées par nos conditionnements, comme les mannequins de magasin.

L’ambition de ce livre est de libérer ses lectrices ?

J’aimerais que cet ouvrage aide les femmes à conscientiser leur conditionnement et participe à leur libération. Le livre se termine par un slogan Rien à foutre. C’est une expression qui ne veut pas dire qu’il faut se fiche de tout mais qu’il convient de se libérer de certaines choses pour s’engager différemment dans ce qui nous tient vraiment à cœur. Pour moi, c’est l’art, les voyages, le féminisme

Votre livre est sorti il y a un an mais les campagnes de dénonciation du harcèlement sexuel dont les femmes sont l’objet lui donnent une nouvelle vie. Vous serez même à la Foire du livre de Bruxelles !

L’actualité a donné une nouvelle vie à cet ouvrage car il incite les femmes à se libérer totalement et pas seulement au niveau de la parole.

Craignez-vous de voir les relations entre les hommes et les femmes se tendre davantage du fait des campagnes de dénonciation du harcèlement sexuel ?

Je crois que nous vivons une période transitoire qui peut faire perdre le côté spontané des comportements entre les deux sexes. Certains hommes se demandent sans doute si leurs attitudes vis-à-vis des femmes sont normales et respectueuses. Mais la perte de spontanéité est un mal transitoire. Quand nous aurons défini et précisé les nouveaux comportements, les choses redeviendront naturelles. La libération de la parole qui a suivi l’affaire Weinstein, permettra, selon moi, à la femme de se réapproprier son corps. Redéfinir les rapports érotiques de façon à se déculpabiliser et permettre à la femme d’être pleinement actrice de son désir et de son plaisir.

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Impertinentes est paru à la Renaissance du livre, 60 p., 20 euros En dédicace à la Foire du Livre le 23 février (stand 220) de 15.00 à 16.30

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