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Et si les femmes devenaient des mecs?

Que serait le monde si les femmes jouaient les rôles des mecs ? C’est ce qu’on découvre dans « Mondo Reverso », un western superbe aussi drôle que décoiffant. Interview d’un des auteurs, le dessinateur, Dominique Bertail

Temps de lecture: 5 min

Les mâles parfois minaudent, rougissent et portent robe et décolleté plongeant sur une poitrine aussi musclée que velue dans cet incroyable « Mondo Reverso ». Les femmes, cigare aux lèvres et colt en mains, mettent la main aux fesses des petits mecs quand elles ne les culbutent pas prestement au bordel avant de s’effondrer complètement saoûles dans ce premier western atypiquel. Arnaud Le Gouëfflec et Dominique Bertail nous emmènent dans un autre monde, si différent et si proche du nôtre. Ils nous font sourire et rire tant le grand chambardement des genres qu’ils opèrent est cocasse, bien observé et superbement dessiné. Les auteurs s’amusent avec tous les clichés sexistes pour notre plus grande satisfaction mais pas seulement car ils nous font réfléchir aux rôles sociaux assignés à chaque sexe. Et si c’était la culture qui rendait les femmes délicates et effacées ?

Mondo Reverso

Le cow-boy est considéré comme l’incarnation même de la virilité. Est-ce pour cela que vous avez choisi le western comme lieu de renversement des rôles traditionnellement attribués aux hommes et aux femmes ?

Non ! La première raison de ce choix est mon amour du western. Et peut-être ce monde des cow-boys est-il plus féminin qu’on ne le pense ? C’est le designer et graphiste français Raymond Loewy qui disait que les cow-boys avaient des goûts presque féminins car ils portent des talons hauts et des foulards de soie. Et vous savez que les indiens Apache quand ils attaquaient les trains, se jetaient sur les bagages des femmes pour prendre leurs vêtements et s’habiller avec leurs chemises et robes colorées et fleuries.

Votre ambition est de faire évoluer les rapports entre les femmes et les hommes ?

Mon ambition, comme celle d’Arnaud Le Gouëfflec, est de faire rire avant tout. Notre propos n’est pas féministe mais il se veut une réflexion sur les genres. Ce sont les manifestations opposées au « mariage pour tous » qui nous ont donné l’idée d’aborder la problématique des genres. Nos esprits se sont échauffés tant nous étions choqués par ce qui se passait en France. Nous avons voulu provoquer un grand chambardement, brouiller les pistes et jouer avec les codes machistes. Nous sommes radicaux dans notre liberté de ton. Nous ne voulions pas être politiquement corrects ou consensuels. Maintenant je reconnais que ces manifestations si elles ont été critiquées par la presse, ont eu le mérite de nous faire réfléchir à ce que sont la maternité et la paternité. Est-il fondamental qu’un enfant ait un père et une mère de deux sexes différents ?

Le monde de Mondo Reverso est dominé par les femmes ?

Je ne sais pas si les femmes dominent mais en tout cas elles prennent les rôles des hommes. Je ne pense pas que la dominance soit une affaire de genre car j’ai grandi entouré de femmes dominantes. Maintenant je reconnais que le monde politique est aux mains des hommes mais dans le foyer, je ne suis pas sûr que les hommes soient à la manœuvre. Mais comme homme, je ne suis pas très bien placé pour parler de cela. Il y a sans doute beaucoup de choses que je ne perçois pas du fait de mon sexe, comme avoir une main aux fesses dans les transports en commun.

Vous renversez les rôles traditionnellement dévolus aux hommes et aux femmes et faites même des renversements dans les renversements comme lorsque l’héroïne se rend dans un bar, celui du Drag King où les femmes se déguisent en hommes et portent des robes…

Comme je le disais, nous voulons brouiller complètement les pistes et plonger les lecteurs dans la confusion pour le sortir de la vision binaire d’un monde séparé en deux sexes et deux genres ; on peut être homme, femme, transgenre, homme avec une orientation sexuelle homosexuelle ou hétérosexuelle. Et pour plaisanter je vous dirais que je suis partisan du « mauvais genre », du transgressif, du non-consensuel car nous avons voulu être radicaux et libres dans notre propos .

Vous souscrivez à la pensée d’Aragon qui écrivit que la femme est l’avenir de l’homme ?

Je n’ai jamais bien compris cette phrase mais je pense que les choses ne sont pas aussi simples.

Une des femmes de tête de votre album a installé ses quartiers dans une église. C’est une façon de dénoncer le rôle que la religion a joué dans le déni des femmes et de la sexualité.

La conception que l’église a de la femme est tellement incroyable que cela m’a donné envie de blasphémer et de mettre une femme « Jésuse » sur le crucifix, des cochons dans l’église… Ce fut jubilatoire et dans le prochain album, nous allons nous attarder sur les liens problématiques entre l’église et le sexe.

Vous vous êtes dessiné en femme ou plutôt en homme habillé en femme avec robe et décolleté plongeant !

Me travestir n’est pas un fantasme sexuel mais un jeu et un grand amusement. Je me suis déjà déguisé en chanteuse de cabaret des années 20 car vu mon gabarit, je devais prendre un vêtement qui ne mette pas en avant les rondeurs féminines.

Vous n’avez pas senti votre virilité fragilisée par un tel déguisement ?

Non ! Ce n’est pas une question que je me pose. Mais je crois que pas mal d’hommes n’oseraient pas se prêter à ce jeu.

C’est difficile d’être un homme aujourd’hui ?

Ce n’est pas évident. Qu’est-ce que la virilité aujourd’hui ? Un homme doit-il encore être dominant ? Non bien sûr ! Tout cela appartient au passé. Mais le modèle d’autrefois n’a pas complètement disparu. On demande encore à l’homme d’être responsable et de prendre matériellement en charge sa famille alors que cette responsabilité appartient au vieux modèle familial. S’il y a de la violence en rue, on attend de l’homme qu’il aille à la castagne et protège sa femme ? Doit-il payer au resto comme on l’escompte souvent encore ? L’homme subit une véritable charge mentale, tout comme la femme. Et puis comment se comporter vis-à-vis du féminisme ? Le féminisme actuel est très virulent et agressif par rapport aux hommes…

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« Mondo reverso » est paru aux éditions Fluide Glacial, 88 p., 16,90 euros Jusqu’au 7 avril, Dominique Bertail expose ses dessins à la Galerie Champaka, 27, rue Ernest Allard à Bruxelles. www.galeriechampaka.com

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