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Taille: les Belges ne grandissent presque plus

La croissance des Européens commence à stagner. Pourquoi ?

Temps de lecture: 6 min

Ce coup-ci, on ne pourra plus beaucoup tirer sur la ficelle. L’humain aurait atteint sa taille maximale : c’est ce qui ressort d’une étude française que l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport (Irmes) a menée sur base de données internationales. Pour la Pre Martine Vercauteren, anthropologue et spécialiste de génétique humaine à la Faculté des sciences de l’ULB, cette conclusion n’a rien d’étonnant. Elle avait déjà remarqué que certains groupes plafonnaient à la fin des années 1980, en Belgique, mais aussi en Europe du Nord et aux États-Unis… C’est-à-dire là où la révolution industrielle s’est produite il y a le plus longtemps. « On a ainsi remarqué que les jeunes filles des milieux favorisés n’avaient plus pris un seul millimètre entre les années 1960 et les années 1980 », nous dit l’anthropologue.

Comment expliquer cela ? Ces jeunes filles, depuis la révolution industrielle, bénéficiaient de meilleurs soins médicaux et de meilleures habitudes alimentaires que celles des milieux populaires et ont, du coup, atteint plus rapidement la taille maximale. Tandis que les autres, qui ont bénéficié plus tard des progrès de la médecine, ont donc aussi commencé à grandir, mais plus tard… Les écarts se réduisent donc au sein de la population. On constate ainsi que cette croissance entre les générations n’a pas une explication génétique, c’est surtout le milieu qui joue », explique la Pre Vercauteren. « La taille est un indicateur de santé extraordinaire. Au fil du temps, nous avons en effet progressivement éliminé les facteurs qui ralentissent la croissance (alimentation peu variée, carence de soins médicaux et de suivi de la femme enceinte…) et donc, aujourd’hui, comme nos conditions de vie sont bonnes, on pourrait dire que notre taille exprime réellement nos gènes. Les populations montreraient leur véritable potentiel génétique, celui qui est normal pour l’espèce humaine. » On peut aussi être plus pessimiste et dire : de deux choses l’une, soit on se réjouit d’avoir éliminé tous ces freins à la croissance, soit… on s’inquiète de l’arrivée de nouveaux freins à la croissance que sont les polluants environnementaux et domestiques, qui augmentent notamment la fréquence des allergies. On a en effet remarqué que l’asthme et les maladies chroniques ralentissaient la croissance. Mais, n’oublions pas : l’humain est un être bipède qui n’est pas fait pour mesurer trois mètres ! Nous arrivons donc vraisemblablement à la limite de notre taille.

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Petit à petit…

Si, jusqu’à présent, les habitants des pays nordiques sont plus grands que ceux des pays du Sud, la différence entre les deux commence à s’atténuer. Entre 1900 et 1950, les habitants des pays nordiques ont grandi en moyenne de 2,5 à 3 cm tous les dix ans. Ensuite, leur croissance a diminué à moins de 1 cm. Dans les pays du sud, en revanche, la révolution industrielle ayant commencé dans les années 1950, ce n’est qu’à partir de ce moment-là que les habitants ont commencé à grandir de plus de 2 cm tous les dix ans. « Rien ne dit cependant que ce rattrapage sera total, observe l’anthropologue. Car il faut aussi tenir compte du fait que les populations s’adaptent au climat de leurs régions. Dans les pays chauds et secs, les gens sont généralement plus petits.

Pourquoi ? Parce que plus le volume du corps est petit, plus la surface de la peau est proportionnellement grande, ce qui permet de transpirer plus efficacement. Pour revenir à l’augmentation de taille entre les générations, c’est bien l’amélioration des conditions de vie qu’il faut pointer. On a ainsi remarqué que les Italiens et les Marocains arrivés en Belgique étaient devenus plus grands que ceux restés dans leur pays d’origine. » La croissance la plus importante qui ait été enregistrée est celle des Japonais et des Coréens du Sud : entre 1960 et 2010, ils ont gagné plus de 20 cm ! Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les jeunes Japonais ont ainsi pratiquement rattrapé les Américains. Cela témoigne, de la part des Japonais, d’une grande vigueur économique, mais aussi du souci de gommer les disparités liées aux conditions de vie de leur population.

En revanche, une étude a démontré qu’après avoir occupé, il y a 100 ans, les 3e et 4e rangs des populations les plus grandes au monde (1m72), les Américains sont actuellement à la 33e place pour les hommes (1m77) et la 42e pour les femmes, une régression qui pourrait s’expliquer par le fait que si les conditions de vie se sont globalement améliorées, tous les Américains n’en ont, en revanche, pas profité de la même manière : les plus pauvres étant toujours plus pauvres, plus petits et peut-être plus nombreux… « La taille est donc également un indicateur socio-économique extraordinaire !, s’enthousiasme la Pre Vercauteren. Si les écarts de taille se réduisent entre les classes sociales, c’est que le pays se porte mieux ! » Il convient donc de prendre comme un véritable appel au secours le fait que trois pays ont vu régresser la taille moyenne de leurs populations. Depuis les années 1980, au Rwanda, en Ouganda et en Égypte, les habitants sont effectivement devenus plus petits ! En cause, carences alimentaires et approvisionnement insuffisant en eau de qualité.

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En Europe, les Belges sont à la 2e place !

Les Hollandais, qui ont pris 15 cm en 50 ans, sont les plus grands. Aujourd’hui, les Bataves mesurent près de 1,84 m pour les hommes et 1,71 m pour les femmes. Les Belges viennent ensuite, avec respectivement 1,81 m pour les hommes et 1,65 m pour les femmes. Les Lettons occupent la 3e place, leurs femmes sont même les championnes du monde ! Une étude hollandaise (farfelue ou non, jugez-en) a attribué le nombre important de Néerlandais de grande taille à une sorte de sélection naturelle : les hommes grands auraient ainsi plus d’enfants que les autres et seraient davantage choisis par les femmes pour être le père de leurs enfants…

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La viande et le lait

Actuellement en Europe, les apports alimentaires sont devenus suffisants pour la majorité des enfants et les changements alimentaires ne jouent plus vraiment un rôle dans l’augmentation de taille entre les générations. L’apport des protéines et des vitamines se fait autant en hiver qu’en été, alors qu’autrefois, on voyait clairement les enfants grandir davantage en période estivale. « Aujourd’hui, les organismes ne sont plus vraiment carencés et il ne sert donc à rien de manger encore plus de la viande ou de boire du lait en plus grandes quantités, prévient la Pre Vercauteren. On a cru, à tort, que les Hollandais devaient leur grande taille à la consommation importante de produits laitiers. Des études ont démontré que c’était faux : le surplus de calcium est éliminé dans l’urine. »

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Et les pieds ?

Une étude toute récente a mis en évidence le fait que nos pieds devenaient de plus en plus grands. Avec la croissance du corps, les os longs se sont allongés davantage que les vertèbres… or nos pieds sont remplis de petits os longs ! Certains scientifiques ont plutôt lié cet allongement à l’augmentation des cas d’obésité. Toujours est-il qu’en 20 ans, nous avons gagné deux pointures ! La taille 36 est désormais une exception pour les femmes et la taille 46 se normalise chez les hommes. Alors qu’en 1995, les femmes chaussaient en moyenne du 37,5, on tourne aujourd’hui autour du 39. Sachez enfin que ce sont les Dinkas, habitants du Sud-Soudan, qui possèdent les jambes les plus longues au monde.

Du haut de son 2,51 m, le Turc Sultan Kösen, 35 ans, est actuellement l’homme le plus grand au monde. Sa tumeur à l’hypophyse a été opérée aux Etats-Unis en 2010 et son niveau excessif d’hormone de croissance est désormais contrôlé. Il ne devrait plus grandir. (Reporters)
Du haut de son 2,51 m, le Turc Sultan Kösen, 35 ans, est actuellement l’homme le plus grand au monde. Sa tumeur à l’hypophyse a été opérée aux Etats-Unis en 2010 et son niveau excessif d’hormone de croissance est désormais contrôlé. Il ne devrait plus grandir. (Reporters)

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