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Connaissez-vous le pont des tétons?

Dans la cité des Doges, un petit pont au nom étrange raconte l’histoire de la prostitution.

Journaliste Temps de lecture: 4 min

Le Rialto est sans doute le plus célèbre pont de Venise qui flanqué d’échoppes, relie les deux rives du Grand Canal. À moins que ce ne soit le Pont des soupirs non loin de la place St Marc qui doit son nom aux gémissements que poussaient les prisonniers. La cité des Doges compte près de 450 ponts tantôt stylés et élégants, tantôt simples et fonctionnels. Mais il en est un peu connu et pourtant intéressant qui enjambe le rio di San Cassiano dans le quartier de San Polo : le pont des tétons ou en italien, el ponte delle tette !

Ce nom surprenant est lié au quartier où il est construit ainsi qu’à la façon dont au XVI e siècle, la Sérénissime gère la prostitution. Tout proche du centre marchand du Rialto, San Polo est le quartier des amours tarifées où l’on s’amuse après avoir travaillé et commercé. En 1412, les autorités de la ville décident de limiter la prostitution à cette zone de la ville et de la réglementer. Pas question de vendre ses charmes après le couvre-feu annoncé par trois coups de cloche, ni d’officier le dimanche, jour du seigneur. Le samedi par contre, les courtisanes peuvent se rendre au centre-ville pour tenter les passants mais elles doivent porter un foulard jaune au cou comme signe de reconnaissance ; le blanc étant réservé aux femmes mariées. Interdiction encore de faire commerce de son corps aux périodes saintes de l’année. Pas de tapin à Noël, pendant le carême ou à Pâques. Et toute transgression de ces règles est sanctionnée de nombreux coups de bâton.

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Une prostitution jugée essentielle au bon fonctionnement social

Mais si les autorités de la Sérénissime encadrent le métier, elles ne l’interdisent pas. Bien au contraire, elles le considèrent comme important pour le bon fonctionnement de la société. La prostitution est vue alors comme un moyen de calmer les ardeurs des jeunes gens non mariés, d’éviter les excès de boisson et de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’état. Moult argent même ! C’est que les prostituées paient des taxes qui participent au bon fonctionnement de la ville et dieu sait si elles sont nombreuses à s’adonner au métier. On estime qu’en 1509, elles ne sont pas moins de 11.164 pour une population de quelque 120.000 personnes. Et c’est sans compter les courtisanes de luxe. Les prostituées sont pléthore tant elles ont de clients, aussi bien vénitiens qu’étrangers. Venise attire de nombreuses personnes car elle est au centre des routes commerciales des épices, du sel et des tissus. Même le roi de France Henri III fréquente les femmes aux moeurs légères. L’histoire raconte qu’il s’attache même à la séduisante Veronica Franco. Née vers 1546, la jeune femme n’est pas une prostituée du quartier chaud mais une courtisane de luxe, cultivée et poétesse qui après un mariage malheureux avec un époux médecin, exerce son art de l’amour dans les bras d’amants notoires. La belle Italienne a une vie étonnante : elle a les plus riches amants, est peinte par le Tintoret, a deux enfants de pères différents, tient un bordel de luxe, ouvre une maison d’aide pour les anciennes prostituées, est accusée de sorcellerie par un tribunal de l’Inquisition, est sauvée par ses relations et meurt à 45 ans, laissant par testament de l’argent à des courtisanes dans le besoin.

Montrer ses seins pour combattre l’homosexualité

Mais au XVIe siècle, la Cité des Doges observe une évolution des mœurs. Les prostituées doivent faire face à la concurrence des hommes. Mais les relations homosexuelles sont alors considérées par les autorités vénitiennes comme contre nature. Pour lutter contre ce comportement que d’aucuns expliquent alors par la présence d’étrangers sodomites (!), elles décident d’autoriser et même d’encourager les femmes prostituées à montrer leurs seins pour attirer les hommes, les détourner de relations homosexuelles et les remettre dans le droit chemin de l’hétérosexualité… Dans le quartier chaud, aux fenêtres de leurs immeubles ou dans les ruelles et sur le pont, les prostituées exhibent leurs seins… D’où le nom du pont, ponte delle tette !

Un siècle plus tard, la ville supprime ces libertés, estimant peut-être le « fléau » passé. Venise soumet ses prostituées à plus de règlements, leur interdit de se déplacer dans une barque ayant plus de deux rames, de porter de l’or, des perles ou de se présenter à l’église durant la messe. Elles ne peuvent pas non plus porter plainte quand un client ne les paie…

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