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Le sperme nourricier et tout-puissant des Baruya

Pour cette tribu de Papouasie-Nouvelle-Guinée, c’est la semence masculine qui à l’origine de la vie, du développement du fœtus, du lait des femmes…

Journaliste Temps de lecture: 5 min

Comment la vie se perpétue-t-elle ? Comme surgit-elle dans le ventre des femmes ? Les questions taraudent les hommes depuis l’aube de l’humanité. Les réponses furent diverses, évoluant au fil des millénaires et des cultures.

Le mystère de la vie et la puissance des femmes

Quand les humains sont nomades, chasseurs-cueilleurs, la perpétuation de la vie est un immense mystère, un miracle qui vaut aux femmes d’être admirées, divinisées sans doute. Ne perdent-elles pas du sang chaque mois sans mourir ? Ne donnent-elles pas la vie sans que nul ne le comprenne ; le lien entre rapport sexuel et grossesse n’ayant pas été fait ? Comme le note l’anthropologue Françoise Héritier, cette capacité de donner la vie doit alors être perçue comme « un apanage exorbitant et non fondé » qui suscite autant l’admiration que l’effroi masculin.

Les statues de déesses, appelées les Vénus (elles datent de vers -31.000 à – 22.000) attestent de cette fascination pour le féminin réduit à un corps sans visage pourvu d’énormes seins, d’un sexe et d’un ventre. Les hommes admirent alors les femmes au point de vénérer des déesses et non des dieux. Notons que l’interprétation de ces vénus déesses n’est pas partagée par tous les anthropologues. Pour certains, tel Jean-Paul Demoule, auteur de nombreux ouvrages dont « Les dix millénaires qui ont fait l’histoire », il n’est pas sûr que ces statuettes soient des représentations de déesses ou même des figures de fertilité. Elles pourraient très bien être les expressions du désir masculin sur la femme. Des images érotiques en quelque sorte. Nul ne saura ce qui en est.

Domination masculine universelle

Quoi qu’il en soit, il semble que les rapports entre les hommes et les femmes changent quand les humains commencent à se sédentariser et à devenir des agriculteurs et éleveurs. Vers 9.000 ans avant notre ère, les hommes observent les comportements de leurs animaux et comprennent le rôle des mâles dans la reproduction Les femmes perdent alors leur aura mystérieuse et leur pouvoir surnaturel. La domination masculine se cristallise et s’institue dans la société.

Et si cette domination est universelle – les sociétés matriarcales sont des plus rares –, elle s’exprime différemment dans chaque culture. Elle est toujours justifiée par des mythes qui s’emparent notamment des spécificités physiques et sexuelles des hommes et des femmes et de leurs fluides corporels tels le sang, le sperme et le lait.

Le sperme source de vie des Baruya

Ainsi la culture des Baruya de Papouasie-Nouvelle-Guinée explique l’origine de la vie par le seul pouvoir du sperme, attribuant par là même aux hommes les capacités reproductives des femmes. Comme l’expliquent Nahema Hanafi et Caroline Polle dans « Fluides corporels », chapitre de l’excellente « Encyclopédie critique du genre » (éd. La Découverte, 2016), pour cette tribu de 2500 personnes vivant isolée dans les montagnes surplombant la Basse-Terre de Papouasie, entre 2 000 et 2 500 mètres d'altitude, c’est avant tout le sperme masculin qui est source de vie et crée un enfant. De même ce sont les coïts répétés durant la grossesse qui lui permettent de grandir dans le ventre de la femme.

« Le sperme est ici la nourriture qui donne la force à la vie. C’est pour cette raison que les hommes donnent à boire leur sperme aux femmes affaiblies par leurs règles ou par un accouchement. Le sperme est aussi, pour les Baruya, ce qui produit le lait des femmes, développe leurs seins et fait d’elles des mères nourricières. » nous expliquent Nahema Hanafi et Caroline Polle.

C’est toujours le sperme qui transforme progressivement les garçons en hommes et les fait appartenir au monde viril. Pour ce faire, à partir de 9-10 ans, les jeunes sont nourris du sperme lors des séances d’initiation qui se déroulent dans la maison des hommes. Mais attention pas de n’importe quel sperme mais celui des hommes qui n’ont pas encore été salis par le contact sexuel avec une femme. Et les deux auteures de citer abondamment l’anthropologue Maurice Godelier qui à la fin des années soixante vécut dans cette tribu pour publier en suite « La Production des Grands Hommes. Pouvoir et domination masculine chez les Baruya de Nouvelle-Guinée » (éd Fayard) : « Ce serait la pire des humiliations que de donner à boire la semence d’un sexe qui a pénétré une femme ».

Le sperme devient le lait des femmes

Durant des années, les garçons sont ainsi initiés, avalant le sperme de jeunes hommes afin de devenir « plus grands et plus forts que les femmes, supérieurs à elles, aptes à les dominer, à les diriger ». Devenir un homme est un lent travail au contraire de la féminité qui est un état naturel. Ce processus passe par l’ingestion de sperme mais aussi par des rituels de purifications, des coups, des danses et le percement du septum du nez. La consommation de sperme vient parfaire le processus qui doit éloigner les garçons de l’influence de la mère et du monde féminin.

Cette sacralisation du sperme masculin permet aux Baruya de s’approprier symboliquement les capacités physiologiques reproductrices des femmes. Et de prétendre à leur supériorité sur les femmes qui ont elles des fluides corporels dangereux et polluants. Le sang impur des menstruations vaut encore aux femmes Baruya d’être exclues de l’usage des armes, de la propriété de la terre qui circule entre les hommes, de la production de la monnaie de sel et de l’accès direct au soleil et à la lune, divinités protectrices des Baruya.

« Pour annihiler ces risques de pollution symbolique, ces sociétés sont extrêmement clivées entre hommes et femmes. Chez les Baruya, les hommes mariés couchent dans la maison des hommes chaque fois que l’une de leurs épouses accouche ou a ses règles. Autrefois, on recourait même à des chemins dédoublés : le chemin des femmes était en contrebas de celui des hommes pour éviter tout risque de contact avec les fluides féminins », écrit Maurice Godelier qui dira que cette société est sans doute l’une des plus inégalitaires. Une inégalité justifiée par le corps et la sexualité...

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