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Rodenbach, une histoire aux accents très belges

La brasserie de Roulers fête ses 200 ans. Coulisses de la fabrication d’une bière qui veut se comparer au vin.

Rédacteur en chef Temps de lecture: 5 min

Une Rodenbach, des crevettes à décortiquer, une terrasse sur la digue, face à la mer du Nord, sous le soleil mais pas trop. Le bonheur. Nous ne sommes sans doute pas le seul Belge à avoir en nous ce souvenir, qui participe à l’imaginaire collectif gustatif d’un pays. On en parle parce que Rodenbach fête aujourd’hui ses 200 ans et propose pour l’occasion un coffret anniversaire comprenant notamment un livre de 320 pages sur l’histoire de la brasserie, neuf bouteilles de bières, une entrée gratuite pour visiter la brasserie à Roulers et un bon de réduction pour des achats futurs. Un coffret exclusif que vous ne trouverez que sur la boutique en ligne du « Soir mag ».

Révolution de 1830

Depuis 1998, la brasserie Rodenbach fait partie du groupe Palm mais son histoire, on l’a dit, est doublement séculaire. En 1821, Alexander Rodenbach fonde la Compagnie Rodenbach à Roulers, avec sa sœur Amalia et trois frères, Ferdinand, Gregoor et Pedro. Ils rachètent une brasserie et une distillerie, commercialisant alors leurs propres bières mais aussi du genièvre. Quelques années plus tard, on peut dire que les Rodenbach participent activement à l’avènement de la Belgique. La famille est très impliquée dans la Révolution. Dès 1828, Alexander et un autre de ses frères, Constantin, lancent des pétitions contre le régime hollandais. Avec Pedro, ils prennent part aux réunions qui préparent la mobilisation des Belges. Pedro attise la révolution à Louvain le 20 septembre 1830 et mène un mois plus tard 300 volontaires qui se battent contre les Hollandais. Pedro devient colonel de la nouvelle armée belge. Alexander et Constantin siègent tous les deux au Congrès national, le premier gouvernement belge provisoire (avant d’intégrer tous deux le Parlement). Et c’est même Constantin qui va coécrire « La Brabançonne ». Restons dans les célébrités de la famille : Georges Rodenbach, le célèbre romancier de la fin du XIXe, est le petit-fils de Constantin.

Pour l’anecdote encore, toute cette famille Rodenbach est originaire d’Allemagne. Le patriarche, Ferdinand Rodenbach, est parti d’Andernach (près de Coblence) pour s’installer à Roulers comme médecin généraliste, en 1749. Roulers est la ville d’origine de la famille de son épouse, Joanna, qu’il a rencontrée à Lille alors qu’il était prisonnier de guerre. Ferdinand était chirurgien dans l’armée autrichienne, capturé par les Français. Bref, on mesure la somme de destins croisés qui a été nécessaire à la naissance de l’une des bières belges les plus fameuses !

Foudres de chêne

Revenons à la bière justement, ou plutôt aux bières puisque Rodenbach en fabrique désormais plusieurs types. Acidulées et avec très peu de mousse, ces bières rouges-brunes flamandes, comme on les appelle, sont élevées en fût de chêne. Plutôt patiemment. La Rodenbach a besoin de vieillir pendant des mois dans des foudres de bois. Elle mûrit dans d’énormes tonneaux de chêne, ces fameux foudres, pendant 18 à 24 mois, avant d’être assemblée. Chaque Rodenbach est le fruit d’un mélange de bière mûrie et de bière jeune, un assemblage que les maîtres brasseurs de Roulers composent avec précision, les foudres ne donnant pas le même goût à la bière, en fonction de leur taille ou leur âge. L’important est de doser acidité et douceur, caractéristique de cette bière.

Rodenbach compare souvent sa bière à du vin. À côté des versions classiques, elle propose ainsi des bières de garde millésimées, la Rodenbach Vintage, éditée depuis 2013, une boisson non assemblée, qui vieillit deux ans dans le foudre qui donne le meilleur breuvage, avant sa mise en bouteille. La Rodenbach Grand Cru est dans la même lignée, composée de deux tiers de bière de deux années et d’un tiers de bière jeune. On peut encore citer la Rodenbach Alexander, commercialisée depuis 1986 pour les 200 ans de la naissance du fondateur. Cette bière a la même composition que la Grand Cru avec un ajout de cerises du Nord. Quand à la Rodenbach Classic, la plus consommée, elle est composée d’un quart de bière de deux ans et de trois quarts de bière jeune. La brasserie a aussi ajouté à sa gamme des boissons fruitées et légères, les Fruitage, où du jus de fruits rouges est ajouté à la bière jeune. Reste une bière de dégustation assez particulière : la Rodenbach Caractère Rouge, créée par un chef flamand en 2011. Quasi sans houblon, cette bière mûrit deux ans en foudre, puis encore six mois en cuve avec des cerises acides, des framboises et des canneberges. Idéale, nous dit-on, pour accompagner le canard rôti, la caille grillée, le tataki de thon ou le sabayon. Ce serait digne d’un excellent pinot noir de Bourgogne servi frais ! À goûter donc !

Leurs propres tonneliers

On a compris qu’une part du secret de la Rodenbach réside dans les foudres de chêne de la brasserie, ces cuves destinées à la maturation de la bière. L’entreprise en possède 294, dont le plus ancien a 150 ans ! Deux tonneliers veillent sur ce trésor. Ces artisans construisent de nouveaux foudres et entretiennent les plus vieux. Sans clous ni vis. Les grands fûts de bois de 3 à 4 mètres de haut sont faits en planches de chêne belge de 8 cm d’épaisseur, assemblées avec des bandes de jonc pour en assurer l’étanchéité, le tout cerclé de bandes de fer. Les tonneaux neufs sont remplis d’eau, fuyant pendant 3 à 4 semaines, le temps que le bois gonfle et rende l’assemblage étanche. Fabriquer un nouveau foudre prend une semaine, mais la réparation d’une fuite sur un modèle plus ancien nécessite nettement plus de temps. « Il faut le démonter, tout vérifier, raboter, puis remonter. Si la fuite est importante, il faut compter deux à trois semaines », explique Pol, l’un des deux tonneliers de la brasserie. Un travail à découvrir dans le beau livre du coffret anniversaire, ou lors d’une visite de la brasserie !

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