Accueil Actu Soirmag

71% des Bruxellois disent non à l’abattage rituel

Le ministre Bernard Clerfayt nous révèle les résultats de la consultation populaire organisée dans la capitale.

Rédacteur en chef Temps de lecture: 5 min

C’est un sujet qui divise les Bruxellois, et qui empoisonne jusqu’au gouvernement de la Région et son parlement. Faut-il interdire, comme en Wallonie et en Flandre, l’abattage rituel des animaux, une pratique qui consiste à égorger moutons ou vaches sans les étourdir au préalable ? Cette technique, qui correspond aux prescrits religieux juifs ou musulmans, est combattue par les défenseurs des droits des animaux. Fin 2021, le gouvernement bruxellois n’a pas pu se mettre d’accord sur une proposition d’interdiction déposée par le ministre du Bien-être animal Bernard Clerfayt (Défi), parce que deux partis de la majorité (PS et Écolo) sont largement divisés sur cette question. Depuis janvier, la bataille a été portée au parlement bruxellois où Défi, Groen et l’Open VLD ont déposé une proposition d’ordonnance demandant l’interdiction. On attend un vote final dans quelques mois.

De son côté, le ministre bruxellois du Bien-être animal, Bernard Clerfayt, verse aujourd’hui une nouvelle pièce au dossier : un sondage qui révèle que 71 % des Bruxellois demandent la fin de l’abattage rituel. Ce chiffre est extrait de la consultation populaire organisée par la Région bruxelloise, entre juin et septembre derniers, dont le ministre révèle la teneur au « Soir mag ». La consultation populaire visait à demander aux Bruxellois quelles évolutions ils souhaitaient au moment où le gouvernement doit rédiger un nouveau code du bien-être animal (la loi actuelle date de 1986). « Nous voulons moderniser la loi, parce que la sensibilité de la société envers le bien-être animal a fortement évolué ces dernières décennies, nous explique Bernard Clerfayt. Avec l’appui des communes, nous avons demandé aux Bruxellois, dans une consultation populaire, de réagir à plusieurs propositions, de nous donner aussi des pistes d’amélioration, pour nous permettre de dégager des tendances. Au total, 2.135 personnes ont répondu, ce qui nous donne une bonne base. » Parmi les réponses marquantes donc, 71 % des répondants souhaitent qu’il n’y ait plus d’exception religieuse qui interdirait l’étourdissement préalable lors de l’abattage. Cette exception est très largement mise en pratique aux abattoirs d’Anderlecht, acteur majeur du secteur à Bruxelles. « Le débat est délicat, commente le ministre. Le Parlement se prononcera dans les mois qui viennent. Mais la question de cette exception est légitimement posée. Elle n’existe plus en Wallonie et en Flandre. Je rappelle aussi que la Cour constitutionnelle belge et la Cour européenne de justice estiment qu’en droit, on ne peut pas considérer que cette interdiction serait une atteinte à la liberté religieuse. » Très concrètement, le ministre aimerait inscrire cette interdiction de l’abattage sans étourdissement dans son futur code du bien-être animal, mais il se pliera nécessairement à la décision du parlement bruxellois, qui sera connue d’ici là.

Contrairement à la Wallonie et la Flandre, Bruxelles autorise encore l’abattage rituel des animaux, une pratique qui consiste à égorger moutons ou vaches sans les étourdir au préalable.
Contrairement à la Wallonie et la Flandre, Bruxelles autorise encore l’abattage rituel des animaux, une pratique qui consiste à égorger moutons ou vaches sans les étourdir au préalable. - BelgaImage

Dans cette même partie du sondage sur la mise à mort des animaux, les Bruxellois ont, plus massivement encore, soulevé une autre question. « Pas moins de 85 % des répondants souhaitent que l’on légifère aussi sur la mise à mort de certains invertébrés, comme les homards, les crabes, les écrevisses… », explique le ministre, qui veut réfléchir à la question. En Suisse, par exemple, depuis 2018, les homards ne peuvent plus être ébouillantés vivants, mais doivent d’abord être électrocutés ou tués d’un coup de couteau dans le cerveau.

Bientôt un permis de détention

Parmi les autres résultats de la consultation, le ministre épingle quelques éléments marquants : 79 % des gens demandent une protection accrue des animaux car ceux-ci sont des « êtres sensibles », 83 % des répondants sont favorables aux listes positives des espèces animales que l’on peut détenir (elles existent déjà pour les mammifères, les reptiles, bientôt pour les oiseaux et les amphibiens), 94 % demandent des normes minimales claires pour détenir un animal. Pas moins de 70 % des répondants demandent l’interdiction des ventes d’animaux dans les animaleries et 80 % via les réseaux sociaux.

Le ministre Bernard Clerfayt (Défi) planche sur un nouveau Code bruxellois du bien-être animal et veut tenir compte de l’avis des citoyens consultés.
Le ministre Bernard Clerfayt (Défi) planche sur un nouveau Code bruxellois du bien-être animal et veut tenir compte de l’avis des citoyens consultés. - BelgaImage

Parmi les idées proposées par les Bruxellois, et que le ministre songe à retenir, on trouve l’instauration d’un permis de détention d’animaux. « Cette idée est déjà dans l’accord de majorité et devrait donc être inscrite dans le nouveau code. Mais elle pose des questions pratiques, détaille Bernard Clerfayt. Faut-il un examen ? À mon sens, oui. La Wallonie a instauré un permis de détention, qui est donné à tout le monde, sans examen. Un permis sans examen ni contrôle n’a pas de sens ! Faut-il instaurer ce permis même pour les chiens et les chats ? Ce serait très coûteux. À mon avis, cela devrait s’imposer pour les animaux plus rares ou qui ont des conditions de détention plus complexes, comme par exemple des caméléons, des lamas ou des wallabies. » Ce permis ne devrait-il pas tout de même s’appliquer aux détenteurs de certains chiens, comme les Amstaff (troisième race la plus vendue à Bruxelles en 2021), pas toujours faciles à maîtriser et abandonnés massivement en refuge ? « C’est une piste sur la table. Peut-être que pour certaines espèces particulières, on pourrait imposer un permis de détention. Mais le critère retenu est ici celui de la dangerosité. Comment cibler une espèce, alors que parmi les chiens dangereux, on retrouve certainement des individus de races mélangées ? », répond le ministre. Ces permis devraient s’accompagner de contrôles et de sanctions, sans doute administratives. Et pour les personnes qui seraient coupables de mauvais traitements, le ministre envisage la possibilité de « travaux d’intérêt animalier », comme on impose déjà à certains délinquants des travaux d’intérêt général. « On pourrait, par exemple, demander à ces gens de travailler quelques heures dans un refuge. Cela servirait de période d’éducation, avant qu’ils ne puissent récupérer le droit de détenir un animal », explique Bernard Clerfayt.

Parcs réservés aux chiens

Une autre demande des Bruxellois concerne l’augmentation du nombre d’espaces de liberté pour les chiens. Dans plusieurs quartiers, des tensions naissent entre les promeneurs, les joggeurs et les propriétaires de chiens. L’idée est de créer des espaces où les chiens pourraient se promener en liberté, sans risquer d’ennuyer les autres usagers des espaces verts. « Il y a 88.000 chiens enregistrés à Bruxelles, dans un environnement urbain très dense. Cela me paraît utile que le futur code intègre cette notion d’espace de liberté », appuie le ministre.

Le nouveau Code bruxellois du bien-être animal devrait être déposé au parlement bruxellois au début de l’année 2023.

Notre sélection vidéo

Aussi en Société

Voir plus d'articles

À la Une