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Penser à soi pour entretenir le désir sexuel

Une nouvelle étude confirme les liens entre l’envie de l’autre et le sentiment d’autonomie.

Journaliste Temps de lecture: 4 min

Dans notre société occidentale, la sexualité a tendance à être considérée comme le « ciment » du couple pour reprendre l’expression du sociologue français Michel Bozon et le désir comme le baromètre de l’amour. Pourtant souvent l’envie de l’autre diminue avec le temps quand elle ne se fragilise pas grandement. Les raisons de cette évolution sont très nombreuses. La personnalité de chacun des partenaires intervient, comme l’éducation reçue, la culture dans laquelle il a été élevé, les expériences vécues, l’état de santé, l’âge, le travail, les priorités et valeurs… La relation avec l’autre compte bien évidemment. Un couple qui ne cesse de s’affronter autour de problèmes d’argent, d’enfant, de tâches ménagères ou des relations avec les familles respectives aura tendance à ne pas avoir envie de rapprochements physiques.

Un désir fragile

Mais il n’y a pas que les différends qui importent, d’autres facteurs relationnels jouent encore sur le désir comme la façon dont le couple envisage sa relation et l’organise. Accorder de l’importance à sa vie amoureuse signifie pour certains, vivre de façon fusionnelle. Mais tout faire avec l’autre sans avoir aucune indépendance matérielle, ni aucun moment à soi atténue l’envie de l’autre.

Mais quelle est l’influence sur la sexualité et le désir d’une indépendance que nous dirions plus psychologique ou émotionnelle ? Vaut-il mieux préserver une conscience de soi et un sentiment d’autonomie au sein de la relation de couple ou privilégier la relation et un sentiment d’attachement toujours plus sécure ? Est-il préférable de se concentrer sur l’équilibre entre le moi et la relation amoureuse ? Ou faut-il se concentrer essentiellement sur le lien de couple ?

Une toute nouvelle étude (1) publiée fin de l’année dernière dans la revue Sexual and Relationship Therapy permet d’y répondre. David Allsop de l’Université Dalhousie au Canada et ses collègues ont rencontré quelque 286 couples à deux reprises à une année d’intervalle pour sonder leurs types d’attachement (anxieux, évitant, sécure) ainsi que les sentiments d’autonomie afin de voir quels liens pouvaient être faits entre les types d’attachement et sentiments d’autonomie d’une part et la satisfaction relationnelle et sexuelle et le désir sexuel des couples d’autre part.

Privilégier la différenciation

Parmi les nombreuses conclusions de cette étude, on retient ici que le désir sexuel s’épanouit et se développe davantage dans des couples qui vivent la différenciation, ont un bon sentiment de soi et une autonomie tout en restant investi dans leur relation. Et on ne s’étonnera pas de ces résultats car l’érotisme se nourrit de distance entre les partenaires, comme l’ont montré bien des études et auteurs parmi lesquels Esther Perel. Être trop proche, trop fusionnel physiquement mais aussi psychologiquement ne nourrit guère le désir. C’est l’altérité qui éveille le désir, une altérité physique mais aussi psychique. Vouloir ne faire plus qu’un ne favorise guère la libido.

Dans leurs conclusions, les auteurs de l’étude suggèrent d’ailleurs aux personnes qui souffrent d’un manque de désir dans le couple de développer leur moi, « de se confronter à leurs lacunes émotionnelles personnelles », « développer leur croissance personnelle et leur autonomie ».

Trouver l’équilibre entre l’attention au couple et à soi

David Allsop et ses associés soulignent aussi les effets positifs de la satisfaction sexuelle sur le développement personnel. Si l’autonomie personnelle porte le désir, à leur tour, les relations sexuelles fortes favorisent le développement individuel ainsi qu’un attachement sain dans le couple, non marqué par des réactions émotionnelles trop fortes, trop négatives, trop anxieuses. « Nous avons constaté que les femmes ayant une plus grande satisfaction sexuelle avaient tendance à diminuer dans leur degré de réactivité émotionnelle. De plus, les hommes qui avaient un désir sexuel plus élevé avaient tendance à diminuer leur attachement anxieux et à diminuer leur réactivité émotionnelle. Favoriser le désir sexuel chez les hommes en les encourageant à être conscients de leur désir sexuel peut aider les hommes qui ne sont pas attachés ou émotionnellement réactifs. En outre, favoriser la satisfaction sexuelle chez les femmes aidera probablement les femmes à répondre à leurs besoins émotionnels et apportera ainsi une plus grande stabilité émotionnelle interpersonnelle sous la forme d’une réactivité émotionnelle malsaine diminuée », écrivent-ils.

On retiendra de cette étude qu’il ne faut pas s’oublier dans le couple mais au contraire développer un sentiment d’autonomie et un sens de soi. Ce qui ne veut pas dire qu’on néglige la relation. Tout est une question d’équilibre entre le développement personnel et l’attachement à la relation. On pense à soi et en même temps, on prend soin de la relation pour que le désir soit plus fort et la relation soit jugée plus épanouissante.

(1)Longitudinal associations between attachment, différentiation of self, and couple sexual and relational outcomes. Étude publiée en novembre 2021 dans Sexual and Relationship Therapy

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