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Les bancs solaires en voie de disparition

Sur près de 200 centres de bronzage inspectés l’an passé, une douzaine seulement étaient conformes aux normes ! Le Conseil supérieur de la Santé tape du poing sur la table et plaide pour leur suppression pure et simple.

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Cette fois, le Conseil supérieur de la Santé en a assez ! En dépit de toutes ses mises en garde depuis plusieurs années concernant les dangers liés à l’emploi des bancs solaires, le nombre d’utilisateurs de ceux-ci va crescendo, ayant même hissé la Belgique au premier rang européen en la matière. Qui plus est, le secteur, dans sa grande majorité, n’a pas daigné respecter ses avis visant à protéger et avertir les consommateurs les moins au fait des risques encourus. Et à cause du manque d’effectifs, les contrôles n’ont pas pu être menés de façon efficace. Une dizaine de règles de screening des utilisateurs avant leur passage sur le banc solaire avaient pourtant été admises en 2000 par la fédération des exploitants, recommandations qui sont visiblement restées lettre morte. Conséquence ? Un avis au vitriol publié il y a quelques jours, qui plaide en faveur de la suppression pure et simple des solariums !, le Conseil supérieur de la Santé estimant qu’« il n’y a pas de niveau seuil pour l’apparition de cancer cutané et donc pas de limite sûre à recommander pour l’exposition aux UV. »

Une pratique très… belge

Il faut dire que le succès des bancs solaires en Belgique dépasse largement celui qu’ils rencontrent dans les autres pays européens. Ainsi, en 2015, une enquête démontrait que 14 % de la population belge y a recours… alors que 94 % des gens connaissent pertinemment les risques cancérigènes qu’ils encourent en les utilisant. « Le secteur n’ayant pas pris nos recommandations en considération, nous allons être obligés de prendre des mesures », déplore le Pr Olivier Vanhooteghem, chef de service de dermatologie à la clinique Sainte-Elisabeth de Namur et membre du Conseil supérieur de la Santé. « De plus en plus de jeunes présentent des cancers de la peau liés à l’exposition aux UV. C’est donc le bon sens de supprimer les bancs solaires qui correspondent à un facteur de risque inutile surajouté aux UV du soleil. Souvent, on me dit À quoi bon ? Il faudrait alors aussi supprimer la cigarette et l’alcool. À cela je réponds que je suis dermatologue. Chacun son combat. Il faut quand même se rendre compte que le traitement du cancer de la peau lié à l’exposition aux UV coûte de l’argent public : pas moins de 240 millions euros par an ! Nous sommes donc tous coresponsables. Ou alors on décide, comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons, qu’en cas de pratique à risque, les traitements liés à celle-ci ne seront plus remboursés. » Pour le médecin, qui a participé à l’avis émis par le CSS : « À partir du moment où l’on fume, le risque de cancer pulmonaire est augmenté. Pour le banc solaire, c’est la même chose : on augmente le risque d’apparition d’un mélanome ! C’est aux pouvoirs politiques, qui nous ont demandé notre avis, d’avoir maintenant le courage de valider celui-ci. Les bancs solaires sont déjà interdits au Brésil et en Australie et on y travaille partout en Europe. La Belgique serait pour une fois en la matière innovante et précurseur. »

La santé en jeu

« S’allonger sur un banc solaire deux ou trois fois par an ne constitue pas une grande prise de risque. En revanche, les personnes qui courent le plus grand danger sont celles qui, désireuses d’être bronzées toute l’année, enchaînent les abonnements au solarium et passent leurs vacances à s’exposer. Ces personnes souffrent de tanorexie. C’est un trouble presque psychiatrique », remarque le Pr Vanhooteghem. Quels sont les risques encourus ? Le cancer de la peau – mortel – en est un, mais ce n’est pas le seul. Il y a aussi les carcinomes, moins agressifs mais nombreux. Les maladies dues à la photosensibilité qui peuvent être aggravées par la consommation de certains aliments, comme le fenouil et le céleri, ou aggravées par des médicaments. Ou encore une maladie inflammatoire cutanée appelée lupus érythémateux qui s’aggrave au soleil, sans compter les allergies solaires. « Le danger ne vient pas uniquement des UVB du soleil qui brûlent la peau, mais aussi des UVA responsables du vieillissement cutané et qui potentialisent les effets des UVB. » En Belgique, les bancs solaires destinés au grand public émettent essentiellement des UVA. Mais il faut savoir qu’un banc solaire bombarde la peau 12 à 15 fois plus fortement que le soleil ! En termes de puissance (en joules), quelques minutes de banc solaire équivalent ainsi à une heure de vrai soleil. Sans compter que, sur un banc solaire, toutes les parties de la peau sont exposées, même celles que l’on n’expose pas d’habitude. D’où l’émergence de mélanomes à des endroits habituellement peu exposés. Quant aux grains de beauté, ils vont bronzer et leur pigmentation va être stimulée par les rayons UV, avec le risque de switcher et de devenir cancérigène. Plus vous avez de grains de beauté, plus le risque s’accentue ! « Vous voyez combien le screening préalable des utilisateurs de bancs solaires est important, remarque le Pr Vanhooteghem. Examiner leur peau au préalable, leur expliquer qu’il faut éviter de consommer des aliments photosensibilisants ainsi que des anti-inflammatoires qui peuvent entraîner des réactions bulleuses qui sont comme des brûlures au deuxième degré et afficher les recommandations de base (sur décision du ministre des Consommateurs, Kris Peeters) dans les cabines : voilà ce qu’il faudrait faire et qui ne l’est pas. »

Avertissement

Les utilisateurs de banc solaire ont 20 % de risque en plus de développer un mélanome, le cancer de la peau le plus agressif. Chez les moins de 35 ans, cette augmentation du risque grimpe même à 59 %. Le banc solaire est très dangereux pour les personnes qui ont un grand nombre de taches de beauté, qui ont eu beaucoup de coups de soleil durant leur enfance, qui sont photosensibles, se sont exposées au soleil dans les dernières 48 heures ou ont déjà une peau endommagée par le soleil ou des lésions malignes. Sachez enfin que le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) a placé le banc solaire dans la même catégorie que le tabac et l’amiante, autrement dit celle qui présente le risque le plus élevé de développement d’un cancer. (Infos CCS).

Deux idées fausses

* Les séances de banc solaire constituent une bonne préparation pour les vacances, afin d’éviter les coups de soleil ultérieurs. « C’est faux !, s’insurge le Pr Vanhooteghem. Vous aurez quand même des coups de soleil tout simplement parce que vous serez exposé à des UVB, alors qu’en cabine ce sont essentiellement des UVA qui sont émis. Et un bronzage réalisé à partir d’UVA n’équivaut qu’à un indice de protection 4 (faible), qui ne tient pas dans la profondeur de la peau. Ces séances vous auront donc donné un faux sentiment de sécurité. »

* Les séances de banc solaire permettent de synthétiser la vitamine D, si importante pour les os. « C’est faux !, poursuit le médecin. La vitamine D est synthétisée uniquement par les UVB. Les UVA des cabines solaires ne servent donc à rien pour cela. Si vous sortez pour prendre le soleil, bras nus, pendant un quart d’heure chaque jour, cela suffit à synthétiser la vitamine D pour plusieurs jours. »

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