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Des G.I. bien équipés pour la bataille des Ardennes

Équipement, armement, transport, “le quotidien des G.I.” était bien pensé en ce terrible hiver 44. Sauf qu’ils étaient frigorifiés.

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Un livre qui sort un peu de la grande évocation militaire, fût-elle irréprochable, pour raconter et plus encore pour montrer dans un flot de documents photographiques ce qu’était le quotidien des soldats US dans la bataille des Ardennes en décembre 1944. C’est la proposition de Denis Hambucken dans un livre qui fourmille de détails, de photos, d’anecdotes sur la vie des G.I. en pleine offensive allemande. Le 16 décembre 1944, à 5h30, les troupes du Reich déclenchent les hostilités dans une ultime tentative de renverser le cours de la guerre. Le 25 décembre, elles marchent sur Bastogne, La Roche-en-Ardenne, Marche, Libramont, Celles et sur une partie du Grand-Duché de Luxembourg.

Les combats font rage. Les Américains perdent 80.000 hommes, les Allemands entre 70.000 et 140.000. La ligne de front se fige sur la crête Elsenborn-Malmédy et autour de Saint-Vith. Bastogne donne lieu à une lutte acharnée, Dwight Eisenhower, le général en chef des forces alliées en Europe, ayant décidé d’en faire une position de repli non négociable. Bastogne entre dans l’Histoire comme un haut lieu de résistance… promis bien plus tard à un grand avenir touristique ainsi qu’à quelques belles évocations au grand et au petit écran. De ces jours terribles, on a retenu les pillages, les nombreux massacres de militaires US tombés aux mains de l’ennemi, mais aussi de civils à Ligneuville, Trois-Ponts, La Gleize, Stoumont. L’héroïsme est de mise. La région vit des heures sombres que partagent les G.I. Ils contiennent l’avancée allemande au prix de lourdes pertes. On détrousse les cadavres. La SS mesure à quel point les Américains sont bien équipés, ce que détaille ce livre qui se consulte par moments comme un recueil d’images attrayant et immersif.

Le livre fait un inventaire photo complet de l’équipement et des effets personnels d’un G.I. de base, en racontant la Bataille des Ardennes à travers des anecdotes récoltées au cours de centaines d’interviews ou dans des lettres d’époque.
Le livre fait un inventaire photo complet de l’équipement et des effets personnels d’un G.I. de base, en racontant la Bataille des Ardennes à travers des anecdotes récoltées au cours de centaines d’interviews ou dans des lettres d’époque.

Un froid arctique s’abat sur la région, dans un linceul de neige

Un ennemi inattendu s’est invité dans la bataille : le froid ! Il va contrecarrer les plans des uns et les mouvements des autres. Un froid intense, arctique renchérissent les témoins, s’abat sur toute la région, la couvrant d’un manteau de neige, un linceul glacé qui gêne les transports et oblige les troupes à d’abord résister contre les morsures du gel. D’où l’importance du matériel fourni. Et c’est là que le livre se lit comme une vitrine, un manuel pratique du soldat. Au pays, les États-Unis avaient ouvert 242 camps d’entraînement pour les troupes engagées dans la guerre. Ce bataillon tournait à plein rendement. L’effort de guerre, en termes humains, impressionne : on totalisa 50 millions de conscrits dont une partie venue se battre sur le Vieux Continent pour sa libération. Le simple soldat est payé 50 dollars par mois, 138 dollars pour un sergent, moins que les 184 dollars alloués en moyenne à un ouvrier américain. L’épouse restée en Amérique touche 80 dollars, moins 22 dollars prélevés sur la solde du mari.

Rien n’est laissé au hasard : le soldat est équipé de pied en cap. Mais problème, l’hiver en Ardenne épuise les organismes. « On n’avait pas de manteaux longs », se plaint un soldat. On met ses deux uniformes l’un sur l’autre pour se protéger. On ne laisse plus un cm2 de peau à l’air libre. On se rend compte surtout que la « masse vestimentaire » n’est pas prévue pour supporter de tels frimas. Gants, moufles, chapeaux, chaussures, les photos défilent, qui donnent une bonne idée de l’équipement. La pluie s’est transformée en neige. Pour se fondre dans le paysage, ne pas attirer l’attention de l’ennemi, les soldats inventent un nouveau camouflage : des draps de lit blancs qui les rendent invisibles. De nombreux témoignages de vétérans US restituent les conditions de vie des soldats, autant de pages qui se font l’écho d’un réel courage.

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L’armement US entre dans l’Histoire, à commencer par la fameuse Jeep Willys

On a tout prévu pour le confort des troupes : cigarettes américaines, gourde, trousse de toilette, courrier (censuré), kit prophylactique contre les maladies vénériennes. Au pays, « on tricote pour la victoire ». Tout est illustré, exposé, détaillé, jusqu’à l’attirail complet du G.I. prêt à partir. L’armement tient une place prépondérante : fusils, fusils-mitrailleurs, char léger M 5 Stuart, char moyen M 4 Sherman, gros camion de transport GMC de 2,5 tonnes, lance-flammes, l’armée US disposait d’un important matériel resté dans les mémoires et qui revit au fil des chapitres. Et dans cet imposant convoi, on retrouve une star, très prisée des amateurs et qui roule encore sur nos routes à l’occasion : la fameuse Jeep Ford ou Willys increvable, entrée dans la postérité.

À ciel ouvert, elles étaient dotées de « coupe-fils » verticaux, bricolés par les G.I. pour cisailler les fils de fer dressés sur leur route par l’ennemi afin de les décapiter. Et pour cause, on pouvait rabattre le pare-brise ! Quelque 650.000 Jeep furent construites durant la guerre. Elles étaient conçues pour être facilement empilables et transportées en kit dans des caisses pour être assemblées sur place. Elles servirent d’ambulance, de chasse-neige, pour le transport de pièces d’artillerie et souvent… pour véhiculer des gradés. Un journaliste américain de l’époque la décrit en ces termes : « Elle peut tout faire. Elle va partout. Elle est aussi fidèle qu’un chien, aussi puissante qu’une mule et aussi agile qu’une chèvre. Elle transporte deux fois plus que prévu sans jamais se plaindre ». Seule réserve : « J’aimerais qu’on élimine le bruit de ses gros pneus tout-terrain qui, à une certaine vitesse, ressemble à s’y méprendre à celui d’un avion qui s’approche ». Une photo d’une Jeep givrée roulant à vive allure sur une route verglacée achève cette évocation. La bataille des Ardennes à travers une de ses plus belles reliques…

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« Le quotidien des G.I. », par Denis Hambucken, éd. Racine, 144 p., 29,95 €.

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