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Bruxelles, 15 avril 2008: les confidences de la reine Fabiola

Elle et Baudouin n’ont jamais eu d’enfant. Cinq tentatives, autant d’échecs, mais jamais une once de désespoir.

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Les privilégiés qui eurent la chance de fréquenter plus intimement le cinquième roi des Belges et son épouse se souviendront de ces apartés qu’ils avaient l’habitude de se faire, lorsqu’une conversation publique empruntait un chemin dangereux. « Darling, Darling… », disait Baudouin à Fabiola, ajoutant « non, cela, nous ne pouvons pas le dire ». Ce à quoi la Reine reconnaissait, fataliste : « En effet, dans notre rôle, on ne peut exprimer nos convictions personnelles ». Un sens de la retenue qui n’eut que peu d’exceptions. Si ce n’est ce dîner d’avril 2008 où la reine Fabiola évoqua pour la première fois les fausses couches dont elle fut victime dans les années 60. « J’ai moi-même perdu cinq enfants. On tire quelque chose de cette expérience. Durant mes grossesses, j’ai toujours eu des problèmes mais, finalement, je trouve que la vie est belle ». La Reine prit alors tout le monde de court, poussant les plus anciens à se remémorer ces instants de grande liesse populaire suivie immédiatement de tristesse, teintée de déception. À chaque fois, le Palais était submergé de fleurs et de cadeaux venus des quatre coins du royaume. Des présents au goût amer.

Malaise à l’opéra

Les premiers espoirs de maternité naissent à Paris, en mai 1961. Les Souverains sont invités par le général de Gaulle, qui tombe littéralement sous le charme de la jeune reine d’origine ibère. Le soir, ils se rendent à l’opéra assister au lac des Cygnes. Mais durant le troisième acte, Fabiola est prise de nausées. Le Roi l’allonge sur une banquette dans le couloir. Il sait ce qui se trame : son épouse est enceinte. Un secret bien gardé jusqu’au 7 juin. Baudouin et Fabiola ont alors rendez-vous avec le pape Jean XXIII. Ils lui demandent de prier pour l’enfant qu’elle porte en son sein. À l’issue de l’audience, le pontife, enthousiaste, déclare à la presse : « Je crois pouvoir vous dire que la cour de Belgique attend un heureux événement ! » À Bruxelles, c’est un séisme. Le malaise est grand. Des voix s’élèvent pour reprocher au Roi d’avoir donné la primeur de l’annonce à Rome plutôt qu’aux Belges. « Un saint impair », peut-on lire ou encore « Le roi papa, la Belgique papiste ». L’incident diplomatique sera vite éteint par un communiqué laconique du Palais, précisant que « l’événement tant attendu n’aurait pas lieu cette année ».

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Février 62, nouvel espoir. Le couple royal consulte un spécialiste à Lausanne, pour mettre toutes ses chances de son côté. Bilan : la Reine souffre d’une malformation physiologique. Il n’y a qu’une chance sur dix que cette deuxième grossesse soit menée à terme. Une sur vingt qu’elle survive à l’accouchement. L’enfant sera mort-né. Juillet 1966 : nouvel espoir, nouvel impair pontifical. Paul VI annonce l’heureuse nouvelle. Mais quelques jours plus tard, Fabiola est admise à Saint-Jean : la grossesse est extra-utérine. Le couple, plus fort que jamais, y croit encore. Mais les rumeurs bruissent dans le pays : on évoque une abdication royale. L’achat de la « Villa Astrida », à Motril, en Espagne, amplifie la situation. Deux ans plus tard, à l’aube de ses 40 ans, la Reine fait une fausse couche à la clinique Saint-Jean. Cette fois, la chirurgie sera irréversible. Il en va de la santé de Fabiola, qui achève là un long et pénible chemin de croix personnel. Comment cette reine si souriante, si attentive aux autres, si généreuse a-t-elle pu garder le cap et affronter la fatalité ? Par la foi, bien sûr. Et la volonté. Fabiola aura 37 neveux et nièces espagnols, huit côté belge, et une foule de petits-neveux. C’est Baudouin qui, sans doute le mieux, a su résumer le destin qui fut le leur : « Nous avons compris que n’ayant pas d’enfant à nous, notre cœur était plus libre pour aimer tous les enfants. »

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