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De #Mythtoo à #Metoo!

Les violences sexuelles sont très fréquentes dans les mythes grecs. Comment les comprendre ? Les réponses aussi drôles qu’intelligentes du dessinateur Jul et du philosophe Charles Pépin dans « 50 nuances de Grecs ».

Journaliste Temps de lecture: 3 min

Sans conteste Zeus a la palme de la violence sexuelle, lui qui a violé nombre déesses, nymphes et mortelles. Mais il n’est pas le seul. Que dire des comportements de Héphaïstos Priape, Apollon et de tant d’autres qui vivent leurs pulsions sans considération aucune pour leur partenaire.

Comment comprendre que les harcèlements, agressions et viols soient si nombreux dans les mythes grecs ? Faut-il y voir là les fantasmes personnels d’Homère ? Ou l’expression d’une société antique complètement dominée par les hommes ? Ou la manifestation du côté obscur de la sexualité ?

Le philosphe français Charles Pépin que l’on connaît pour « Quand la beauté nous sauve » ou « La confiance en soi, une philosophie » et bien d’autres essais, estime qu’il vaut voir là l’expression de l’être primitf que nous restons toujouts et d’un désir inséparable d’une part de violence. C’est ce qu’il explique dans la bande dessinée « 50 nuances de Grecs. Encyclopédie des mythes et mythologies ». Avec l’aimable autorisation des éditions Dargaud, voici son texte accompagné par le dessin de Jul.

#MYTHTOO

Charles Pépin : « Comment interpréter la présence, chez Homère, de tant de dieux violeurs, agresseurs ou harceleurs, en proie à des pulsions qu’ils ne peuvent réfréner ? Faut-il comprendre que le désir sexuel comporte toujours une part de violence, voire que la violence est la vérité primaire, inavouable, inconsciente peut-être, de ce désir ? Faut-il y voir une mise en garde, une invitation à ne pas oublier que, sous le vernis de l’homme civilisé, capable de désirer l’autre tout en le respectant, en souhaitant son consentement et peut-être même son plaisir, sommeille un être primitif, qui veut juste posséder l’autre et en jouir comme un voleur ou une bête, un sauvage pressé d’assurer sans même le savoir la survie de son espèce ? Ne vaudrait-il alors pas mieux, pour la combattre ou la sublimer, commencer par regarder en face cette dimension pulsionnelle du désir sexuel ? N’est-ce pas précisément à cela que nous invite Homère ? Mais il y a probablement autre chose. Ces dieux qui violent n’ont aucune maîtrise d’eux-mêmes. Et c’est parce qu’ils ne sont pas capables de cette tempérance, de cette sagessedu désir, que les pires catastrophes adviennent. Le viol pourrait alors symboliser cette non-maîtrise de soi dont Homère ne cesse par ailleurs de nous montrer les ravages. Lorsque Pâris déclare qu’Aphrodite est plus belle qu’Héra ou Athéna, il n’obéit pas à sa raison mais à ce qui monte en lui à la vue du corps dévêtu d’Aphrodite. Et il déclenche une guerre qui fera des milliers de morts. Lorsque les Grecs l’emportent contre les Troyens et perdent toute mesure en massacrant les enfants et en pillant les maisons, ils se comportent de manière indigne parce qu’ils ne savent retenir la folie qui les consume de l’intérieur. Lorsque Orphée se retourne vers Eurydice alors même qu’il sait ce geste interdit, il n’écoute pas sa conscience mais la force d’une envie qu’il ne peut contenir. Il en perdra son amour, et le bonheur… C’est à se demander si Homère, par le biais de toutes ces fi gures d’exemplarité négative, ne veut pas nous enseigner la modération, l’art du contrôle de soi. Apprendre à se contenir, à se retenir, à se tenir : n’est-ce pas la véritable vertu virile ? »

50 nuances de grecs-1
© 2020 - Jul - Charles Pépin - Dargaud

« 50 nuances de Grecs » tome 2 est paru aux éditions Dargaud, 72 p., 19,99 euros

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