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«La sexualité est un moyen de s'affirmer!»

Tous les désirs et plaisirs sont évoqués dans « SEXPLAY Nos Panthères Nos Joyaux ». Interview de Camille Husson qui signe et interprète ce spectacle au Riches-Claires à Bruxelles.

Journaliste Temps de lecture: 5 min

Le bruit des vagues, une plage imaginée, du sable dans le maillot et un petit garçon qui regarde en se caressant la petite Camille. La fillette se rapproche et les enfants partagent leurs masturbations jusqu’à ce que la mère surgisse, hurle et insulte : salope ! Mot cinglant, insultant, celui-là même qui a condamné et condamne encore toutes celles qui ne contrôlent pas leurs désirs sexuels !

Les désirs, Camille Husson va tous les vivre et nous les livre dans « Sexplay Nos Panthères Nos joyaux ». Durant une heure, la jeune femme en jeans et tee-shirt blanc raconte ses expériences charnelles, les baisers avec l’amie chérie, les magazines pornos du père découverts au grenier, les bonheurs de la boue et du jardinage, les premiers garçons, les caresses du vieux jardinier, l’amant non respectueux qui outrepasse le « non », le club libertin de Berlin, les corps des hommes, leurs sexes, leurs sueurs, leurs odeurs et surtout son sexe à elle, véritable panthère, avide et sauvage. Elle parle aussi fantasmes et paraphilies pour dire la multiplicité des envies.

Dans cette performance auto fictionnelle, la jeune femme interroge et expose les sinueux cheminements de ses désirs. Elle nous confie ses plaisirs mais aussi ses failles, ses limites. Elle ausculte ses comportements, explore ses peurs et ses « dérives » érotiques. Autant de tentatives pour s’approprier sa sexualité, découvrir de nouveaux champs de liberté, rester curieuse et goûter à la jouissance de se mettre en danger. Elle nous invite à questionner nos imaginaires pornographiques, retourner nos évidences et à libérer nos sens.

Son spectacle est jubilatoire ! Parfois érotique, parfois sensuel, parfois douloureux, parfois drôle, « Sexplay » aborde les plaisirs sur différents modes, mais jamais avec vulgarité mais bien au contraire avec un dynamisme jubilatoire. Camille Husson bouscule avec impertinence et bonheur les stéréotypes de genre dans lesquels la société patriarcale a si longtemps enfermé les femmes. Elle nous montre que la sexualité féminine peut – chaque femme est différente – être puissante. Très puissante et très épanouie.

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crédit Alice Piemme

Pourquoi ce spectacle ? Pour que les femmes prennent en main leurs désirs ?

« Prendre en main ses désirs… Oui cette notion d’empowerment me parle. Mais il n’y a pas que les femmes qui soient enfermées dans une sexualité normative. Nous avons tous un chemin à faire. Nous sommes tous encore pétri.e.s de choses qui nous empêchent de découvrir nos désirs. J’espère que le spectacle donnera l’envie de continuer à se surprendre, à jouer, à développer ses sens. »

Vous parlez de votre consommation de la pornographie, de vos visites de sex-shop, de votre participation à des ateliers de shibari (art des cordes)… Pour certaines personnes bien pensantes, vous pourriez être taxée de « obsédée de sexe » et pourtant vous dites combien vous êtes normale, une trentenaire, cis-genre, hétéro, monogame.

« J’ignore ce qui relève de la normalité. En tout cas j’observe que je réponds à des normes prédominantes et je me demande pourquoi je m’y conforme. Est-ce une obsession ? Peut-être oui. Mais en tout cas, c’est une obsession qui fait du bien ;-) »

Il faut libérer la sexualité féminine ? Le désir féminin doit être éveillé ?

« Je ne crois pas à l’idée d’une « sexualité féminine ». Je pense que chacun.e. est différent.e et unique. Et qu’il y a autant de sexualités que d’êtres humains. Chaque femme a une sexualité qui lui est propre, comme chaque être humain. En revanche, il est fort probable qu’en tant que fille ou garçon, on soit parfois enfermé.e (et moi la première) dans des schémas et des rôles préconçus. Qu’on reproduise des pratiques dominantes, qui ne sont peut-être pas toujours celles qui nous font du bien. »

En sexologie, le désir féminin est considéré comme plus fragile que celui des hommes. La perte de désir au sein du couple est d’ailleurs la première raison de consultation des femmes. Pourquoi ? Selon vous ?

« Plus fragile ? Étrange. Je ne crois pas qu’on perde réellement le désir de vivre des choses plaisantes, de prendre et de recevoir du plaisir. Mais peut-être ne sait-on plus comment en prendre ? Peut-être ne sait-on pas ce qui nous en donne ? Peut-être ne sait-on pas comment s’en donner ? Peut-être perd-on le désir d’une personne, d’un.e partenaire ? Ou peut-être que certaines pratiques nous ennuient… Peut-être qu’on n’a plus l’envie d’être pénétré.e.s ou pénétrant.e.s ? Peut-être qu’il y a d’autres manières de faire du sexe ? »

Comment l’avez-vous écrit ? En vous basant sur votre propre expérience ? Sur celles d’autres femmes ?

« Je suis passée par mes souvenirs d’enfance, d’adolescence et d’adulte. J’ai fait de nombreuses recherches, dans des lieux alternatifs à Berlin, à Londres, Paris… J’ai rencontré des spécialistes. Mais j’ai aussi énormément échangé avec de nombreuses femmes et de nombreux hommes qui m’ont énormément apporté. Spéciale dédicace à Mathias Varenne et Isabelle Bats. »

Vos précédents spectacles sont liés aux femmes et aujourd’hui vous abordez leur sexualité. La sexualité est un moyen de s’affirmer ?

« Le premier spectacle que j’ai écrit « MYZO ! » en 2016 portait sur la misogynie et la sous-représentativité des femmes dans l’Histoire. Le second spectacle « Robin & Marion » écrit par Étienne Lepage et conçu avec Candice Guilini, Thomas Delphin Poulat et Pierrick de Luca, questionnait le désir sexuel et amoureux, la frustration, le consentement, durant l’adolescence. « SexPlay » est le second spectacle que j’écris. Pour moi, oui la sexualité est un moyen de s’affirmer. Pour autant que la personne se place en tant que sujet curieux et s’autorise à vivre ses propres désirs. En tout cas, quand on prend du plaisir, seul.e ou avec d’autres, on existe pleinement, on se (re)connecte. Et cette chose précieuse qu’est notre panthère, notre joyau peut fortement nous surprendre ! »

SEXPLAY Nos panthères Nos Joyaux Jusqu’au 30 octobre 2020 Les Riches-Claires Centre Culturel (salle Viala) Rue des Riches Claires 24, 1000 Bruxelles Les jeudis et vendredis à 20h30 et les mercredis à 19h. Réservations : 02/548.25.80 https ://lesrichesclaires.be/

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