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Jouir trop vite: l’angoisse de tant d’hommes

Entre 20 et 30 % des hommes se plaignent d’éjaculation précoce. Pourquoi ? Que faire ?

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Bander et durer : les devoirs de tout mâle qui se respecte ! Ce credo est ancré dans bien des esprits masculins. Combien d’hommes s’inquiètent et consultent parce qu’ils croient jouir trop rapidement et se sentent de piètres amants. Hier pourtant la rapidité était de mise dans l’intimité. Le sexe, régenté par l’Église, était un péché et il avait pour but d’avoir des enfants. Et ne parlons pas du plaisir ; il était inacceptable et interdit. Ainsi les hommes se devaient de jouir vite ! Dans les années 40 encore, la plupart d’entre eux éjaculaient en moins de deux minutes de pénétration, comme le montra le célèbre rapport « Sexual Behavior in the Human Male » mené par l’américain Alfred Kinsey. Mais aujourd’hui, dans un monde occidental qui a pris ses distances par rapport aux diktats religieux et a vécu la libération des femmes et l’invention de la contraception, le plaisir - et de surcroît le plaisir des deux partenaires - est au cœur même de la relation sexuelle. Les hommes veulent ainsi prolonger la durée de pénétration qui en moyenne tourne autour des 5 minutes. Rares sont en effet les femmes qui peuvent jouir si le rapport sexuel se résume à un coït rapide ! Il leur faut en moyenne quelque 12 minutes pour jouir si l’on en croit Alfred Kinsey et la demi-heure selon la psychologue américaine Nancy W. Denney.

Ne pas tenir une minute

Mais si entre 20 et 30 % des hommes occidentaux se plaignent de jouir trop vite, souffrent-ils pour autant de ce que la médecine désigne comme étant de l’éjaculation précoce ? Nombre d’études ont tenté de préciser le problème pour retenir finalement le critère du temps : souffrent d’éjaculation précoce, les hommes qui ne peuvent dépasser la minute de pénétration. Une définition qui réduit considérablement le pourcentage des éjaculateurs précoces, le faisant baisser à 4 %. De plus certains hommes connaissent ce problème depuis toujours, depuis leur premier rapport (62,5 % selon une étude turque de 2010 publiée dans The Journal of Sexual Medecine) quand d’autres le subissent à un certain moment de leur vie, suite à un problème de santé, une opération, un souci psy, un conflit dans le couple.

Mais quel que soit le type d’éjaculation précoce, primaire ou secondaire, sans doute convient-il d’appréhender autrement ce mal que par du minutage ; il faut l’approcher de façon plus psy et plus personnelle, comme le firent les célèbres sexologues américains Masters & Johnson pour qui il s’agit d’une incapacité à retenir son éjaculation avant l’orgasme de la partenaire dans au moins la moitié des rapports. L’éjaculation précoce pourrait être définie comme l’incapacité pour un homme de retarder son éjaculation de manière à avoir une relation sexuelle qu’il juge satisfaisante. Pour revenir aux chiffres : cette durée idéale a été estimée à une dizaine de minutes.

Un réflexe programmé pour durer 2 minutes

Mais s’il y a insatisfaction, justifiée ou non, des hommes par rapport à la durée de pénétration, il y a des moyens pour la dépasser. Il faut le savoir pour ne pas s’enfermer dans des sentiments qui mêlent honte et culpabilité, conduisant au manque de confiance en soi, si ce n’est à l’évitement tous les moments d’intimité.

Et pour dépasser ce problème si courant, on prend d’abord conscience que l’éjaculation précoce n’est pas une maladie ! L’éjaculation est un réflexe qui a été programmé physiologiquement pour survenir rapidement afin de ne pas rester vulnérable trop longtemps. Chaque espèce animale a un temps moyen de coït et celui des hommes est de 2 minutes. Mais si la nature a offert une telle durée de pénétration à l’homme, celui-ci peut apprendre à la prolonger et à retarder son éjaculation !

Avant cet apprentissage, on veille à ne pas s’enfermer dans la déprime parce qu’on s’inquiète de son comportement sexuel. Maintes études ont montré les liens entre l’éjaculation précoce et les tempéraments très émotifs et hypersensibles au stress. Tout comme elles ont établi combien des relations existaient avec l’anxiété. Très vite les hommes qui ont vécu de trop brefs coïts, angoissent et s’enferment dans cette anxiété, ne faisant qu’accroître le problème. Les liens sont si forts et si étroits que l’on ne sait plus vraiment si c’est le tempérament angoissé et déprimé d’une personne qui engendre l’éjaculation rapide ou si c’est ce souci sexuel qui provoque l’anxiété.

Prendre conscience de ses sensations

On apprend enfin à retarder son éjaculation en ayant une meilleure prise de conscience des sensations qui précèdent la jouissance et en maîtrisant son excitation. On ne prolonge pas le coït par des trucs tels que penser à ses dettes, faire du calcul mental ou se mordre les lèvres. Ces astuces n’ont pas prouvé leur efficacité et surtout elles ont le terrible désavantage de faire sortir la personne de la relation sexuelle, ce qui n’est guère agréable. Au contraire il convient de se focaliser sur ce qu’on fait et de conscientiser les sensations corporelles qui mènent à l’orgasme. Mille et un exercices permettent de le faire. On citera seulement celui qui consiste à se masturber lentement avec du lubrifiant jusqu’au moment où on ressent les sensations qui précèdent l’éjaculation. L’homme arrête alors toute caresse pour que l’excitation redescende et il reprend ensuite la masturbation. Il fait monter et redescendre son excitation plusieurs fois de suite – au moins trois fois – avant de jouir. Il répète ces exercices jusqu’à ce qu’il maîtrise bien ces jeux de yo – yo pour passer ensuite aux mêmes exercices masturbatoires faits cette fois par la partenaire. Le couple ne passe à la pénétration qu’une fois ses exercices bien maîtrisés. Là aussi l’homme veille à conscientiser ses sensations pour pouvoir pénétrer quand il n’est pas trop excité. Gare à la pénétration au plus haut de l’excitation : elle mène directement à la jouissance ! Il pense à bouger souplement, s’arrêter, s’immobiliser complètement quand il sent les prémisses de l’éjaculation. La partenaire doit bien évidemment participer pleinement à l’exercice et s’immobiliser elle aussi complètement quand son compagnon le lui demande.

Ces exercices de « stop et encore »  « arrêt et départ » peuvent être complétés par d’autres qui travaillent cette fois la respiration ou les muscles du périnée. La respiration ne doit pas être haute et haletante mais profonde et lente. Les muscles du périnée ne doivent pas être trop serrés ; l’homme doit penser à détendre son périnée et ses fesses et bouger non de façon raide mais souplement en dissociant le bassin du dos. Il doit aussi

Il faut aussi savoir qu’un médicament contre l’éjaculation précoce a été mis au point, le Priligy qui doit être pris une heure avant le rapport. Et s’il fait preuve d’efficacité et prolonge la durée de pénétration, il n’aide pas à une meilleure compréhension de son corps et ne fait pas disparaître les comportements inadéquats qui sont souvent à l’origine de l’éjaculation précoce.

Et puis on arrête de limiter le rapport sexuel à la seule pénétration. Le coït n’est qu’un moment de la relation sexuelle. Il a été sacralisé – la pénétration permettant la reproduction et les enfants – mais il doit s’insérer dans des jeux faits de mille effleurements, baisers, caresses et autres plaisirs.

Joëlle Smets, sexologue clinicienne.

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