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Consentement sexuel: oui mais…

Et si le terme de cette notion essentielle participait à la perpétuation des rôles sexuels traditionnels ?

Journaliste Temps de lecture: 4 min

Le consentement sexuel ! On en parle constamment et à juste titre. Qui oserait nier son importance. Il est une des bases essentielles d’une relation sexuelle et doit être enseigné à toutes et tous pour devenir la normalité car un rapport intime, c’est la rencontre consciente, désirée, éclairée, de deux corps et quand on aime, de deux cœurs. Il est impératif que les personnes se donnent mutuellement leur accord pour que la relation sexuelle ait lieu et engendre des plaisirs partagés.

Mais pourquoi diable a-t-on choisi un tel mot pour une notion si importante ? Le consentement… Le Larousse le définit comme « l’action de donner son accord à une action, à un projet ». L’un propose et l’autre consent, ou non. Le philosophe Philippe Merlier développe la notion et explique : « Provenant du latin cum-sentire (sentir avec), la notion de consentement désigne un accord, une conformité ou une uniformité d’opinion. Comme la permission ou l’agrément, le consentement est lié à des actions de la vie quotidienne où l’événement dépend en partie de nous, en partie de la volonté des autres. Le consentement – en tant que conformité de sentiment –, veut dire qu’on tombe d’accord avec celui qui demande le consentement. Consentir a deux sens : il peut signifier accorder, autoriser, se prononcer en faveur de quelque chose, accepter que quelque chose se fasse ; ou se rendre à un sentiment ou à une volonté d’autrui. Le terme maritime d’origine signifie, pour un navire, se courber sous l’effort : mais justement, on pressent déjà que l’usager ne doit pas consentir comme dans la tempête le navire craque et se courbe sous l’effort. » (1)

Consentir n’induit-il pas une certaine passivité ?

Ainsi il y a bien dans le consentement des notions d’autorisation, d’acceptation qui transposées dans le domaine de l’intime, semblent hériter du passé patriarcal et perpétuer les rôles sexuels traditionnels dévolus aux hommes et aux femmes. Depuis des millénaires, en amour, l’un propose, initie des baisers, des caresses, des jeux, une pénétration et l’autre donne son accord, ou non, offre son consentement, ou non. Et celui qui initie est bien souvent l’homme – on ne parle ici que des rapports hétérosexuels – et celle qui accepte, donne son accord, la femme. Depuis la nuit des temps, la culture patriarcale veut des hommes actifs, puissants et toujours bandants – et bien évidemment pénétrant – face à des femmes séduisantes et passives. Ou dirons-nous, consentantes. Depuis toujours, ce sont les hommes qui prennent les initiatives sexuelles et les femmes qui disent « oui » ou « non ». Et la révolution sexuelle n’a guère bouleversé les choses. On sait aujourd’hui combien il est difficile pour les jeunes femmes de pouvoir être aussi libres dans leur vie amoureuse et sexuelle que les hommes. Certes les rôles ne sont plus aussi tranchés qu’autrefois mais les femmes ne peuvent être aussi actives que les hommes au risque de pâtir d’une mauvaise réputation. Elles sont toujours dans cette position ambivalente de devoir être libérées et gourmandes de tous les plaisirs mais en même temps pas trop libérées. Maintes études confirment combien même les jeunes femmes actuelles et même les adolescent.e.s perpétuent ces stéréotypes de genre.

Le terme de consentement hérite de cette vision traditionnelle. Il conforte cette passivité sexuelle féminine et va à l’encontre de ce qu’on appelle l’« agentivité sexuelle » des femmes, un concept relativement récent qui désigne la capacité des femmes - et des hommes d’ailleurs - de prendre en charge leur sexualité et de l’exprimer de façon positive. Pour citer Marie-Ève Lang, docteure en communication de l’Université du Québec et spécialiste des études de genre, « Le développement de cette agentivité semble beaucoup plus problématique chez les femmes, en particulier chez les adolescentes. (…)Souvent perçues comme « vulnérables » devant le désir masculin, considéré comme inévitable et naturel, les filles sont élevées avec la mentalité que ce sont elles qui doivent contrôler des relations sexuelles, et donc restreindre leur avènement en repoussant le jour où le couple aura des relations sexuelles. Elles apprennent ainsi à être passives. Or, la passivité sexuelle est l’opposé de l’agentivité sexuelle. »

Être « agente » de sa sexualité, ce n’est pas se contenter de consentir. Si le seul type de décision que peuvent prendre les femmes, c’est dire oui ou non, c’est les enfermer dans le rôle passif d’objet sexuel. Bien sûr, cette « agentivité » peut passer par une réponse à une sollicitation mais elle ne peut s’y limiter. Les femmes doivent prendre en main leur corps, leurs désirs et être actrices de leur sexualité. Et sans doute le terme de consentement induit-il une notion de passivité. Est-ce là seulement une bataille de mots ? Non  ! Les mots induisent des modes de penser, participent à la perpétuation des mentalités. Par quoi le remplacer ? Accord mutuel ?

(1) Philippe Merlier, « Le consentement » dans « Philosophie et éthique en travail social l », édition EHESP, 2013 pages 55 à 61 (2) Marie-Eve Lang, L’« agentivité sexuelle » des adolescentes et des jeunes femmes : une définition » dans Recherches féministes, vol. 24, no 2, 2011 : 189-209.

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