Accueil Newsletter hebdo Soirmag

La policière qui parle avec les morts

Lorsque son don de médiumnité s’est révélé, Virginie Lefebvre était loin de s’imaginer à quel point sa vie changerait. À travers un récit surprenant, elle raconte son quotidien entre deux mondes.

Temps de lecture: 6 min

Avant de devenir médium, Virginie Lefebvre s’est mariée, a eu des enfants et a exercé le métier de policière municipale en France avec passion. Un jour, alors qu’elle interpelle une femme au feu rouge, une voix se fait entendre et lui donne des détails sur un proche décédé de cette personne. Depuis lors, elle n’a eu d’autre choix que d’écouter ces voix…

Vous assumez qui vous êtes et ce que vous faites depuis peu de temps. Y a-t-il parfois des malentendus avec les gens ?

Oui, bien sûr. Il y a même des personnes qui deviennent agressives quand je leur dis que je suis médium, elles sont en colère. Pour l’anecdote, j’étais en vacances l’été dernier et mon mari et moi avons rencontré un couple. Quand j’ai dit ce que je faisais, comme j’aurais pu dire femme de ménage ou comptable, ils ont échangé un regard suspect en sous-entendant que j’étais folle. C’est vrai que j’ai été blessée mais, dans la minute, j’ai vu un homme pendu près du monsieur, où le mot « frère » s’inscrivait au-dessus du corps. Quand je lui ai dit ce que je voyais, il est devenu tout pâle et a proposé qu’on s’assoie pour discuter… Le problème est que souvent, on fait la confusion entre médiumnité et voyance, et c’est vrai qu’il y a des charlatans partout, on est un peu forcé de prouver son don en permanence. Pour ma part, je suis bien incapable de voir l’avenir, il se trouve que je parle avec les morts, c’est déjà bien assez de boulot je trouve ! (Rires.)

Depuis que vous exercez cette activité à plein-temps, vous est-il arrivé de vous sentir un peu dépossédée de votre existence ?

Disons qu’avoir un don, comme des milliers de gens en ont, c’est un peu faire un pacte avec son cœur. À un moment, et en général, c’est très rapide, on se dit qu’on va le faire, qu’on accepte la mission qui nous est donnée. Tous les jours, je reçois des gens en consultation qui veulent transmettre un message à un être cher, obtenir des réponses sur des décès inexpliqués, émettre des excuses ou simplement dire à ceux qui sont partis qu’ils les aiment. Oui c’est éprouvant, mais aussi d’une grande beauté, et il y a quelques années j’ai fait ce choix-là de ne me consacrer qu’à ces échanges, car mon métier de policière devenait de plus en plus compliqué. Par contre, une chose est sûre, j’ai besoin de dormir facilement huit ou neuf heures par nuit, et j’ai dit à tout le monde, surtout aux défunts : « Je suis à vous toute la journée, je vous laisse prendre mes yeux, ma voix, ma tête et mon corps, mais mon sommeil, c’est sacré ! » Mon mari est chaque fois épaté que je dorme aussi bien…

Virginie Lefebvre défend son don, qu’elle ne souhaite pas voir associé à la voyance.
Virginie Lefebvre défend son don, qu’elle ne souhaite pas voir associé à la voyance. - D.R.

Vous êtes très régulièrement contactée pour pratiquer des séances publiques. Comment se déroulent ces réunions plutôt atypiques ?

Les gens amènent une photo de la personne décédée qu’ils disposent sur une table avant que j’arrive, et lorsque je me connecte à des vibrations supérieures, les défunts se manifestent. Ils me donnent un nom, me montrent des images, me font ressentir des sensations pour mieux contextualiser ce qu’ils veulent dire. Souvent, ce sont des petits films qui se déroulent devant mes yeux, mais parfois les esprits s’expriment un peu en charade, ou alors ils se matérialisent carrément à côté de moi pour parler. Quand ils communiquent avec des lettres et que je n’arrive pas à dire le prénom exact, ils m’aident, me font des gros plans sur tel ou tel mot. Ce sont de vrais choux ! Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que les défunts gardent leur personnalité, leur humour, leur gentillesse, ceux qui étaient très bavards le restent, etc. Parfois, j’ai affaire à de vraies pipelettes et je dois rappeler que c’est chacun son tour (rires). De manière générale, je tente un maximum de ne rien interpréter, de tout délivrer tel quel dans son intégralité, c’est comme ça que ça fonctionne le mieux finalement. Un jour, un défunt est « descendu » pour parler avec sa femme, qui était dans la salle. J’ai vu des moutons partout, alors j’ai pensé qu’il était peut-être fermier ou berger… mais pas du tout, il s’appelait tout simplement Monsieur Mouton ! Depuis, je fais très attention lorsque je répète ce que je vois ou entends.

Pour quelle raison semblez-vous être chaque fois impatiente de recréer un contact avec un défunt ?

Chaque contact est particulier. C’est un peu comme si, tout d’un coup, vous aviez près de vous une personne que vous adorez. Eh bien, quand je suis comme on dit « en médiumnité », c’est ce sentiment de familiarité bienveillante qui s’installe. Pour être tout à fait honnête, quand je pars en vacances en famille pour faire le vide et où personne ne me demande de prendre contact avec un de ses proches décédés, je suis infecte pendant deux ou trois jours ! C’est le temps qu’il me faut pour me reconnecter au tangible, car dans ces moments-là, il me manque une certaine énergie, une partie de mon identité.

Est-ce qu’il y a une consultation qui vous a particulièrement émue, parmi les centaines que vous avez déjà faites ?

Oui, je pense à une famille. Un jour, une dame est venue à mon cabinet. Sa belle-fille était morte dans des conditions assez rudes lors d’un voyage outre-Atlantique. Tout de suite, la jeune femme en question est arrivée près de moi et a demandé que son père entre dans mon cabinet, car il était resté dans la voiture. Il était assez réfractaire à la démarche d’aller voir une médium. Finalement, ce monsieur est venu et après plusieurs consultations, il a fini par demander à sa fille ce qu’elle faisait là-haut ; pour moi, ça a été une belle victoire. Il avançait enfin dans son deuil, il était capable de prendre du recul. Elle lui a répondu : « Papa, maintenant, mon rôle ici c’est d’accompagner ceux qui partent pour les guider là-haut. Là, on se prépare, on attend beaucoup de jeunes âmes qui vont arriver brutalement, il va falloir s’occuper de tout le monde. » Après qu’elle a dit cela, j’ai vu des explosions tout autour de nous, du feu. Le lendemain, le Bataclan était attaqué. Sans réfléchir, nous nous sommes appelés ce jour-là, complètement abasourdis devant nos écrans de télévision…

« De flic à médium», par Virginie Lefebvre , éd. Michel Lafon, 221 p., 18,95 euros.

Notre sélection vidéo

Aussi en Newsletter hebdo Soirmag

Voir plus d'articles

À la Une