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Clémentine Célarié : «Les conventions m’emmerdent»

Elle a de l’énergie à revendre et n’est jamais en panne d’envies. La comédienne vient jouer «Sur la route de Madison» début 2019. Attention, ça secoue!

Journaliste Temps de lecture: 6 min

Cette femme est un ouragan. Elle a décidé de limoger l’ennui une bonne fois pour toutes. Elle se moque de ses pattes d’oie, cadeau du temps qui passe à la « sexagéniale » qui continue de s’amuser. Elle s’emballe. Elle croit au genre humain. Elle rit et fend de sa présence tout ce qui ronronne. Clémentine Célarié parle cash, vif, en mettant un peu de Tabasco, de Femen et de chienne de garde dans ses propos. Cinéma, séries télé, musique, rien ne lui fait peur. Il y a en elle une sorte de générosité sauvage. Pas question de se relâcher. Pour elle, chaque moment est porteur d’émotion.

Vous n’arrêtez pas de travailler. Et paradoxe, vous soutenez que vous avez de la chance d’avoir 60 ans… à rebours du discours dominant de pas mal d’actrices un peu délaissées : pour vous, l’âge n’entre pas en ligne de compte ?

Eh bien non ! Pourquoi devrait-on considérer l’âge comme un problème ? A priori, si on base le métier d’actrice sur l’idée de la beauté classique, lisse, je ne suis plus dans les clous. Et pourtant, mes rides ne sont pas forcément laides. Mais je sais aussi que quand on ne me propose pas de rôles, je dois m’en créer. Ça ne m’intéresse pas de me plaindre ! Je ne me dis jamais : « Faut que j’aie l’air jeune, belle, drôle. » Si on cède à ça, on s’emprisonne dans les apparences. Je préfère rester une aventurière dans mon métier mais dans la vie aussi. Je n’ai pas attendu d’avoir 61 ans pour devoir me battre. À certains moments, je n’ai pas eu de boulot. Je ne correspondais pas aux critères bien sages. Je m’accepte telle que je suis, loin des normes. Les conventions m’emmerdent. L’important, c’est de rester créatif. Donnons du sens à nos existences ! Bon Dieu, ayons un point de vue même si on se prend le chou ! Aujourd’hui, on est tous aseptisés. Or moi, j’ai décidé de ne plus me brider. Je sais que la société nous force à « être jeune ». Mais franchement, qui répond à cette définition ? On nous met dans des cases, c’est chiant ! Quand on avance – même après 60 ans – ce métier qui tient de la passion vous porte de plus en plus. J’ai le droit d’y croire. Mais restons honnêtes : infirmière c’est dur, actrice pas ! Dans chaque rôle, j’y vais à fond. Sinon à quoi bon ? Le public, faut l’embarquer ! J’aime bien cette folie. Elle est présente dans « Sur la route de Madison » : c’est de la foudre d’amour qui s’abat sur cette femme tranquille pendant quatre jours, souvenez-vous du film avec Meryl Streep et Clint Eastwood. C’est délicat, c’est tendre, aigu. C’est vibrant. Voilà, je veux des moments vibrants ! On est dans le royaume de l’émotion. C’est baammMMM !

Vous carburez à la spontanéité. Le mot « tiède » n’entre pas dans votre vocabulaire : un mode de vie signé Clémentine Célarié, alias Madame sans chaînes ?

Oui, c’est moi. Je n’aime pas les situations tièdes même si elles peuvent rapporter du fric. On met toute son âme, son cœur et ses tripes, autrement pourquoi accepter un rôle ? J’adore chercher, fouiller, gratter ! Je ne suis pas du tout intéressée par le formatage. On a un prix à payer pour se tenir ainsi. Mais bon, ma vie est sacrément funky. J’ai la foi. Je crois au mouvement, à l’humanité, à l’art, à la beauté. L’art nous sauve de la médiocrité. Il pousse les murs de la connerie, qu’on érige soi-même ou qu’on nous impose. J’ai aussi appris avec l’âge qu’il ne faut plus s’éparpiller.

Vous jouez souvent des femmes généreuses et bordéliques, mais qui ont aussi le cœur sur la main.

Mais pour moi, c’est normal. Comment agir autrement ? Il faut s’ouvrir, accueillir, sympathiser avec la différence. C’est ce que je fais dans « Vestiaires », le programme court de France 2 qui bouscule le regard sur les handicapés. J’en connais plein qui ont une capacité d’autodérision qui nous manque cruellement à nous, les « valides ».

On vous sent un peu partir au quart de tour face au monde actuel. Il vous agace ?

J’ai le sentiment qu’il rétrécit sous certains aspects. En réponse à ce monde plus dur, veillons à ne jamais perdre le sourire. Il est essentiel. Le monde connecté actuel nous rend débiles ! Faisons gaffe. Vous trouvez qu’on communique bien humainement ? Nos sensations sont virtuelles, par écrans interposés. Regardons l’autre. Et cessons de râler. J’ai une amie, victime de la maladie de Charcot, qui me ramène aux réalités : on peut aimer la vie, se battre, supporter beaucoup de souffrances ! Je peux vous garantir que, mentalement, elle se tient debout ! Bien mieux que des gens bien portants qui vivent comme des rats ! Il faut entretenir cette énergie, l’exprimer. Arrêtons d’être récupérés par tout ce merdier des réseaux sociaux. C’est un piège qui charrie de la lâcheté, de la délation et de la froideur dans un faux-semblant de liens. Défendons notre libre arbitre, les gens singuliers, qui brisent la monotonie. Réapprenons à nous dire bonjour. Je m’en fous, moi, de déplaire. D’ailleurs, je ne veux pas plaire à tout le monde. Je vais jouer Sarah Bernhardt au cinéma dans « Edmond » en 2019. Quelle bonne femme ! Quelle indépendance. Elle avait du tempérament. Le problème aujourd’hui, c’est que notre époque manque parfois de tempérament, en tout cas en arts. Au passage, je vous signale qu’elle a joué « L’Aiglon » à 70 ans…

Vous dites avoir eu le bonheur de naître en Afrique, où votre père journaliste, André Célarié, était en poste, à Dakar, au Sénégal. Vous y avez passé un peu de votre enfance. En quoi est-ce si fondamental pour vous ?

Disons qu’elle est sans doute un peu à la base de mon énergie, en plus de mon éducation. L’Afrique dégage une énergie, un parfum, des vibrations qui vous nourrissent et vous font pousser. Je n’ai pas la même sève que si j’étais née en France. L’Afrique agit sur la lumière. Elle m’a appris la sincérité, le désir de s’engager, la fierté aussi de ce qu’on est. En ce sens, je me sens « artisan » de mes passions. Il faut mûrir sans trop devenir adulte. Toutes les couches de vie font grossir ce trésor qu’on a en nous. Je tiens surtout à ne pas trahir ces envies, à ne pas me résigner.

« Sur la route de Madison », le 16/1 au Forum de Liège, le 17/1 au PBA de Charleroi, le 18/1 au Théâtre royal de Mons, le 19/1 au Théâtre royal de Namur. « Mystère à l’Élysée », mercredi 5/12, 21 h., France 2. Au cinéma, « En mille morceaux » de Véronique Meriadec.

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