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La femme, un être castré et inférieur à l’homme

En 1931, Freud signait un essai « De la sexualité féminine » et y tenait des propos misogynes. Comment les comprendre ?

Journaliste Temps de lecture: 6 min

« La femme reconnaît le fait de sa castration et par là même également la supériorité de l’homme et de sa propre infériorité mais elle se révolte aussi contre cet état de choses déplaisant. »

« La fillette effrayée par la comparaison avec le petit garçon, se trouve alors mécontente de son clitoris, renonce à son activité phallique et par là à la sexualité en général, ainsi qu’à une bonne part de sa masculinité dans d’autres domaines. »

« Un jour ou l’autre, la petite fille fait la découverte de son infériorité organique, naturellement plus tôt et plus aisément si elle a des frères ou s’il y a d’autres garçonnets dans son entourage. »

« Chez l’homme, il subsiste de l’influence du complexe de castration également une certaine dose de dédain pour la femme reconnue comme castrée. »

« Quand la petite fille fait l’expérience de sa propre déficience en voyant un organe génital masculin, ce n’est pas sans hésitation et sans révolte qu’elle accepte ce genre d’enseignement dont elle se serait bien passée. »

C’est Sigmund Freud qui en 1931, écrivait de tels propos dans un petit essai d’une trentaine de pages intitulé « De la sexualité féminine » (éd. In Press) . Il voyait encore dans cette castration, cette absence de pénis, l’origine des tensions entre mère et fille ; cette mère qui « a omis de pourvoir la fille du seul organe génital véritable. »

C’est encore Freud aussi qui décréta que l’orgasme clitoridien est une jouissance immature par rapport à l’orgasme vaginal. Le clitoris est en effet pour lui « masculin » puisqu’il est érectile, mais moins masculine – toujours selon Freud – vu la petite taille du clitoris par rapport au pénis. Pour devenir une femme, la fillette doit passer d’une sexualité masculine et clitoridienne à une sexualité totalement féminine et vaginale. Il associa encore la féminité avec la passivité et l’absence de force intérieure.

Une époque où les femmes sont dépourvues de droits

Comment comprendre que cette grande figure intellectuelle, le père fondateur de la psychanalyse, l’inventeur de l’inconscient ait pu tenir de tels propos à propos de la sexualité féminine, propos qui de surcroît sont invalidés par les études ? Comment comprendre qu’il passa à côté du corps féminin et de ses plaisirs multiples, clitoridiens, vaginaux et autres ?

Doit-on tout simplement le qualifier de sexiste et mettre cette vision en rapport avec celle d’une époque qui méprise les femmes et ne leur permet pas – ou si peu – d’exister. Au début du XXe siècle, elles sont encore enfermées au foyer dans les rôles de mères dévouées. Sans nul doute, la société patriarcale les « castre » pour reprendre les mots de Freud en les privant de rôles et droits civiques comme politiques en raison de leur « fragilité liée à leur sexe ». Mais combien de femmes se sentent-elles aujourd’hui physiquement castrées ?

Un sexe féminin méprisé depuis des millénaires

On excusera encore le grand Freud en disant qu’il hérite de millénaires de mépris pour le sexe féminin. Il fut jugé effrayant, caché, sombre, Au contraire du sexe masculin qui en érection est vu longtemps comme le symbole même de la puissance et de l’autorité, le sexe féminin est longtemps comparé à une caverne (et une caverne dangereuse car l’homme y pénètre puissant et en ressort flaccide et faible !)

Longtemps, jusqu’au XVIII e siècle selon Thomas Laqueur l’auteur de « La Fabrique du sexe », le corps féminin est considéré tel une version imparfaite, inachevée du corps masculin. On ne citera ici qu’Aristote et Saint-Thomas d’Aquin pour illustrer ce mépris. Au IV e siècle ACN, Aristote affirme clairement dans « La génération des animaux » que la femme est « comme un mâle mutilé », un être imparfait et que ses menstruations sont un liquide séminal impur, dégénéré. Quant au second, il dit à peu près la même chose, écrivant dans son traité théologique et philosophique « Somme Théologique » entre 1266 et 1273, que « la femme est un mâle raté, un être déficient dont la naissance a été provoquée sans le vouloir ».

Un penseur d’avant-garde respectueux des femmes

Mais retour au grand Freud. Était-il sexiste et misogyne ? Étonnant de la part d’un homme qui a tant bouleversé la pensée et qui a mis la sexualité au centre de la construction de l’identité psychique. C’est encore lui qui a pointé la répression de la sexualité comme une cause importante d’un développement altéré de la personnalité. Freud montra combien la frustration sexuelle peut engendrer des problèmes psychiques. Surprenant aussi de la part d’un penseur qui vécut entouré de femmes, sa mère, ses sœurs, sa fille Anna qui suivit ses traces et devint psychanalyste, et ses élèves parmi lesquelles la princesse Marie Bonaparte (qui subit d’ailleurs des opérations pour changer l’emplacement de son clitoris) ou Lou Andreas-Salomé. La psychanalyste et historienne de la psychanalyse Élisabeth Roudinesco, s’insurge contre de tels jugements d’un Freud sexiste et misogyne et les qualifie même de « ridicule ». Dans plusieurs publications, elle analyse les rapports de Freud avec les femmes de son entourage et celles qui participèrent au mouvement psychanalytique et nous persuade de la considération de Freud à leur égard.

Des tensions de Freud avec son entourage

Les écrits de 1931 d’une femme castrée, jalouse du pénis des hommes restent d’autant plus incompréhensibles. Mais peut-être est-ce dans les rapports avec cet entourage professionnel féminin qu’il faut comprendre ce texte de 1931. Selon le rédacteur en chef de la revue Le cercle psy, Jean-François Marmion, les écrits sur la sexualité féminine de 1931 de Freud sont à replacer dans les débats houleux qui ont alors lieu entre le maître et son entourage à propos du développement psycho-sexuel de la femme, notamment la place du complexe d’Œdipe et du complexe de castration chez la petite fille « Alors que le tiers des psychanalystes de l’époque étaient des femmes, voici que certaines comme Karen Horney, Helen Deutsch, puis Melanie Klein osaient contester les conceptions du maître, allant jusqu’à nourrir une dissidence londonienne face à l’«  orthodoxie viennoise  ». écrit le psychologue Jean-François Marmion dans « Freud féministe ou sexiste publié dans la revue Le cercle Psy dont il est rédacteur en chef. Freud voulait-il ainsi affirmer son autorité ?

Peut-être… Quoi qu’il en soit, c’est ce même Freud qui en 1926 compara la sexualité féminine à un « continent noir » et confia dans une lettre à son amie Marie Bonaparte « La grande question restée sans réponse et à laquelle moi-même n’ai jamais pu répondre malgré mes trente années d’étude de l’âme féminine est la suivante : que veut la femme ? »

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