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Comment fait-on l’amour ailleurs?

La sexualité se vit différemment dans chaque culture. «L’incroyable histoire du sexe » raconte les plaisirs à travers les âges aux 4 coins du globe. Interview d’un des auteurs, Philippe Brenot.

Journaliste Temps de lecture: 7 min

Comment fait-on l’amour en Inde ? Au Moyen-Orient ? En Afrique ? En Chine ? Au Japon ? Vous le saurez en vous plongeant dans « L’incroyable histoire du sexe » ! Après un premier tome qui nous racontait l’amour en Occident avec talent (et succès ! quelque 80.000 exemplaires furent vendus), Philippe Brenot et Laetitia Coryn nous racontent cette fois l’histoire de la sexualité à travers les âges au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie. Le psychiatre, anthropologue et sexologue français accompagné de la dessinatrice nous emmènent d’abord dans la civilisation de l’amour qu’est l’Inde puis dans le monde des Mille et une nuits. On part ensuite découvrir les pratiques sexuelles africaines puis les plaisirs érotiques chinois et les voluptés japonaises. On apprend l’histoire des rites amoureux et jeux érotiques de ces cultures pour se rendre compte combien l’amour est multiple. On découvre et on s’amuse car la dessinatrice Laetitia Coryn s’empare des explications documentées avec un humour décalé, coquin et raffiné !

Philippe Brenot, vous évoquez les comportements sexuels de diverses sociétés et les lecteur.rice.s découvrent combien la sexualité est un comportement historico-socio-culturel. Chaque culture et chaque époque s’approprie la sexualité et décide de ce qui peut se faire et ne pas se faire. Pouvez-vous nous donner des exemples de ces différences ?

Si depuis les années 50, les comportements sexuels ont tendance à se ressembler et s’uniformiser du fait de la mondialisation, ils étaient très différents d’une culture traditionnelle à l’autre. Voyez le baiser. Pour les ethnies Chewas ou Tongas d’Afrique, le baiser sur la bouche était méprisé car la salive était considérée comme sale alors qu’au Japon, le baiser des lèvres était apprécié. En réalité pour de nombreuses cultures anciennes, la bouche et le sexe ne devaient jamais entrer en contact et ce pour des raisons d’hygiène. Le French Kiss ou le baiser profond avec la langue a été popularisé à partir des années 30 par le cinéma hollywoodien. Ce baiser est devenu un stéréotype qui va s’imposer. Le symbole de la passion ! Tout comme aujourd’hui les comportements vus dans les films pornos deviennent des modèles.

C’est important pour la vie intime de chacun.e de savoir que la sexualité est culturelle?

Cela permet de se rendre compte que la sexualité est un comportement qui s’apprend au fil des expériences sexuelles. Les premières peuvent d’ailleurs angoisser et marquer l’individu. Dans ma pratique de sexologue clinicien, je reçois un couple de patients qui vit une sexualité non pénétrative. Monsieur a été abusé enfant pendant dix ans par son frère et ne peut vivre aujourd’hui la pénétration. Mais cela n’a pas empêché le couple de développer une sexualité très épanouissante riche de pratiques oro-génitales. Les apprentissages personnels modèlent la sexualité, comme la culture dans laquelle on vit.

La sexualité est toujours différente mais on trouve une constante à travers les cultures : partout les femmes sont dominées par les hommes.

Le corps des femmes a été dans toutes les cultures traditionnelles un lieu de passage. Les femmes ont été partout dominées, entraînant l’impossibilité de leur existence sociale. Aujourd’hui en Occident, les femmes ont une existence sociale mais cette révolution, la plus formidable de l’histoire de l’humanité, a été possible grâce à la pilule et à l’avortement, ne l'oublions pas ! Cette évolution, on le constate, reste néanmoins, fragile. Regardez ce qui se passe en Pologne ou même au Portugal où l’on s’apprête à faire passer une loi contre l’avortement. Dans l’histoire de l’humanité, il y a deux périodes où les femmes ont acquis une existence sociale ; aujourd’hui en Occident et durant l’Egypte ancienne où les femmes ont pu devenir pharaonnes et exercer tous les métiers. Pourquoi cela a-t-il été possible en Egypte ? Parce que comme aujourd’hui, les Égyptiens avaient inventé la contraception.

Cette domination universelle n’est pas forcément synonyme d’absence de plaisir féminin. Ainsi pour la Taoïsme, l’homme doit attendre de jouir jusqu’ à ce que sa partenaire ait un orgasme.

Dans le Taoïsme et le Tantrisme, le plaisir féminin est recherché. Il est même décrit comme infini. Mais il faut bien se rendre compte que cette culture érotique, portée par des écrits, était réservée aux intellectuels et savants qui savaient lire. De même tous les recueils érotiques étaient lus uniquement par des hommes nantis et formés. Les plaisirs érotiques furent réservés à une élite et ils n’étaient pratiqués qu’avec les courtisanes et non avec les épouses. Mais la sexualité de l’ensemble de la population était autre, certainement peu érotique et plus violente, centrée sur le plaisir masculin. Aujourd’hui encore il ne faut pas imaginer que tout le monde vit une sexualité épanouissante. Deux jeunes gynécologues d’Alger ont mené une enquête sur la sexualité des femmes de la Casbah pour découvrir qu’aucune ne faisait le lien entre sexualité et plaisir. Elles évoquaient bien au contraire la perte de désir et des douleurs. Sans doute nos arrière-grands-mères devaient-elles éprouver la même chose.

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Autre constante de ces sexualités : l’importance de la puissance érectile et de la pénétration masculine!

Contrairement aux autres primates, l’homme peut être en érection tous les jours. Celle-ci n’est pas conditionnée par l’oestrus de la femelle; dans le monde animal, l’oestrus est la période des « chaleurs », cette période durant laquelle la femelle est fécondable et recherche le rapport sexuel. Cette possibilité érectile permanente de l’homme s’accompagne chez la femme de la perte des signes de réceptivité. La virilité a ainsi été consacrée, divisant le monde en deux catégories, les êtres supérieurs qui, par définition, peuvent pénétrer ; et les êtres inférieurs qui ne peuvent pas et sont donc pénétrés. Les premiers, ce sont les hommes ; les seconds, les femmes, les homosexuels, les esclaves. Cet ordre- là a perduré jusqu’au 18 e siècle et dans toutes les cultures.

Le Kamasutra est devenu très populaire mais on découvre ici que ce traité érotique indien n’est pas tendre avec les femmes, préconisant par exemple des morsures et griffures sur le cou, les seins, les cuisses !

Tout le monde connaît le Kamasutra en Occident qui a été découvert et traduit en 1883 par le britannique Richard Burton. Il est devenu populaire et connu du grand public dans les années cinquante quand l’Occident s’est éveillé à la sexualité. Mais peu de personnes savent qu’il s’agit d’un texte assez machiste. Ecrit au IV e siècle par Vatsyayana, il explique aux hommes comment ils doivent séduire les femmes et à celles-ci comment se soumettre aux désirs de leur partenaire et maître. Ce texte majeur de l’hindouisme médiéval est dédié aux hommes : tout y est fait pour leurs plaisirs. Et pour revenir aux griffures que vous évoquez, en effet, il est précisé les gestes agressifs qui peuvent exciter les hommes. Mais on retrouve de mêmes gestes agressifs dans les textes érotiques chinois et japonais... Il faut aussi savoir que le texte originel du Kamasutra n’était pas illustré. Ce sont les éditeurs européens qui ont choisi de mettre en images les positions conseillées pour intéresser les lecteurs. Les premières illustrations étaient persanes datant du 19 e siècle. Autre anecdote, ce même Kamasutra qui symbolise à nos yeux l’art érotique indien, déconseille la fellation car jamais la bouche ne doit rencontrer le sexe, toujours pour des raisons hygiéniques. Mais je vous dirais qu’à 90% nos arrière- grands-mères n’ont jamais entrepris cette pratique sexuelle. Seules les prostituées la faisaient. De même dans l’Afrique traditionnelle, les femmes ne touchaient le sexe de leur partenaire qu’après avoir fait l’amour pour le laver.

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Les Mille et Une Nuits sont également très violents !

Les Mille et Une Nuits rassemblent quelque 800 contes datant du 9 e au 12e siècle. Ils ont d’abord appartenu à la tradition orale car ils étaient transmis par des conteuses dans les cafés, sur les marchés, au coin du feu. Mais attention, les contes les plus intimes n’étaient pas évoqués par ces conteuses mais lus par des lecteurs devant un public éduqué et exclusivement masculin. Les Mille et Une Nuits n’ont été écrits qu’au 15 e siècle. Mais les histoires d’amour des Mille et Une Nuits sont souvent violentes et machistes. Elles évoquent des maris trompés, des femmes infidèles, des amants exécutés. Ces textes glorifient encore une fois la domination masculine et présentent les femmes comme fourbes.

N’avez-vous pas un penchant pour l’érotisme chinois ou japonais ?

Depuis plus de 40 ans, je m’occupe de sexualité et je reconnais que la Chine et le Japon ont développé plus que les autres pays une culture érotique. Le Japon s’est emparé de la tradition chinoise érotique pour l’amplifier et la raffiner davantage. Il. Aujourd’hui pourtant ce pays vit un drame sensuel, un désert érotique et sexuel. La jeunesse nippone regarde des films pornos où les sexes sont floutés ; elle se plonge dans des mangas érotiques où des filles de 12 ans se font sodomiser par des pieuvres... Les rencontres sont rares et les hommes ont peur des relations. Ils s’offrent des Lovedolls, des poupées d’amour qui sont des substituts non pas érotiques mais affectifs. C’est très paradoxal, le Japon qui a connu une immense culture sensuelle, vit aujourd'hui un grand désarroi de l'intimité.

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