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Queen, quel cinéma!

Avec le film «Bohemian Rhapsody», sorti ce 31 octobre, Bryan Singer rend hommage au groupe de glam rock le plus marquant de tous les temps.

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La moustache frétillante, le singlet largement ouvert sur un poitrail très poilu, la ceinture cloutée sur un jean délavé porté haut, un collier de chien, lui aussi clouté, enserrant et soulignant le biceps saillant, Freddie Mercury s’installe au piano et entame quelques notes reconnaissables entre mille. Aussitôt, dans le stade de Wembley archicomble, sept dizaines de milliers de voix reprennent à l’unisson le couplet «Mama, just killed a man/Put a gun against his head/Pulled my trigger, now he’s dead», sans doute la chanson la plus emblématique du groupe Queen: «Bohemian Rhapsody», un monument de l’opéra-rock glam. «Bohemian Rhapsody», c’est aussi le nom du film qui sort ce mercredi 31 octobre sur les écrans dans le monde entier. Réalisé par Bryan Singer («X-Men», «Usual suspects»), il se veut, plus qu’un biopic traditionnel, une glorification de la musique de Queen qui, selon un sondage réalisé en 2007 pour la BBC 2, a été sacré comme le meilleur groupe de tous les temps devant les Beatles et les Rolling Stones. Cette chronique se veut aussi un hommage, mais pas un panégyrique, à son leader, Freddie Mercury, dont la puissance vocale et l’extravagant jeu de scène ont marqué des générations d’artistes et de fans. Pourtant, ce 13 juillet 1985, lorsqu’ils montent sur la scène du Live Aid, dans le stade de Wembley, à Londres, les membres du groupe Queen sont en pleins doutes. Leurs ventes de disques sont en berne, les critiques comme toujours virulentes, leur succès aux États-Unis en chute libre, à tel point qu’ils ont décidé de ne plus y tourner; enfin leurs concerts en Afrique du Sud en plein apartheid viennent de faire scandale. Sans compter les rumeurs de séparation auxquelles le groupe doit sans cesse faire face, pas forcément infondées d’ailleurs. Malgré ces considérations, les membres de Queen ont tout de suite accepté de participer au projet fou de Bob Geldof.

Un concert dans le concert

Ému par la famine sans précédent qui étrangle l’Éthiopie et ses habitants, le chanteur irlandais a imaginé de rassembler sur deux scènes simultanées, à Philadelphie et à Londres, une septantaine d’artistes de la scène rock anglo-saxonne pour un concert marathon de seize heures diffusé en direct dans le monde entier! Les plus grands noms sont à l’affiche du Live Aid, comme Led Zeppelin, The Who, Black Sabbath, U2, David Bowie, Dire Straits, Duran Duran, Phil Collins… Chacun tire plus ou moins bien son épingle du jeu. Ce sera d’ailleurs une vraie catastrophe pour «Led Zep» qui, avec Phil Collins en guest à la batterie, va complètement rater sa prestation. Pour Queen, c’est tout le contraire! Les spécialistes s’accordent à dire que ce jour-là, le groupe a littéralement cassé la baraque et même volé la vedette au festival Live Aid lui-même, devant 72.000 spectateurs et quelque 1,5 milliard de téléspectateurs! Freddie Mercury (piano/voix), Brian May (lead guitar), John Deacon (basse) et Roger Taylor (batterie) montent sur scène pour un set de vingt minutes qui sera un véritable concert dans le concert. Très en forme vocalement, Mercury aligne les tubes et va accomplir ce qui est considéré comme la meilleure performance live de tous les temps. Après «Bohemian Rhapsody», «Radio gaga», «Hammer to fall», «Crazy little thing called love», «We will rock you» et «We are the champions» laissent une foule survoltée. C’est ce moment que Bryan Singer a choisi comme point d’orgue du film «Bohemian Rhapsody». Le réalisateur se concentre sur une quinzaine d’années de la vie du groupe, de sa formation jusqu’au Live Aid de juillet 1985, s’attachant à démontrer à quel point les quatre hommes ont foulé les conventions et défié les stéréotypes de leur temps pour littéralement révolutionner la musique et marquer des générations de fans. Leur prestation extraordinaire au Live Aid a en tout cas considérablement relancé les ventes de disques et les a même motivés pour une grande tournée des stades l’année suivante dont le Wembley 86 s’inscrit comme un autre must du genre et une référence incontournable de leur parcours! C’était cinq ans avant la disparition de Freddie Mercury, des suites d’une pneumonie, le 24 novembre 1991. La veille seulement, il a déclaré être porteur du VIH et atteint du sida.

Quand Farrokh devint Freddie

De son vrai nom Farrokh Bulsara, le futur leader du groupe est né en septembre 1946 à Stone Town dans cette Tanzanie qui est encore alors le protectorat britannique de Zanzibar. Fils de fonctionnaires britanniques d’origine parsie, il étudie dans un internat en Inde où il fait rapidement preuve d’un don évident pour la musique. Il suit des cours de piano et à 12 ans joue déjà dans un groupe, The Hectics, dont le répertoire est rock´n´roll et où il reçoit son surnom de Freddie. Cinq ans plus tard, la famille Bulsara s’installe en Angleterre. Freddie découvre les Beatles, Jimi Hendrix dont les rifs de guitare et la présence scénique donnent une idée de ce que peut être la magie d’une star. Mais en attendant d’en être une, il se lance dans des études d’illustration graphique, tout en multipliant les petits boulots pour faire bouillir la marmite. Côté musique, il fait partie de deux formations dans lesquelles il impose ses choix, mais il lorgne surtout le groupe Smile où son pote Tim Staffel est chanteur et bassiste. Les autres membres sont un certain guitariste Brian May et un batteur appelé Roger Taylor. Freddie s’y verrait bien second chanteur, mais le groupe a refusé. Jusqu’à ce que Staffel jette l’éponge, alors même que le groupe a signé avec le label américain Mercury Records. Freddie Bulsara embarque dans l’aventure mais en profite pour imposer un changement de nom: le groupe Queen est né, irrévérencieuse référence à Elizabeth II mais surtout à l’acception argotique du terme «Queen» qui évoque l’homosexualité en argot londonien. Dans la foulée, Freddie troque son patronyme contre Mercury, suite à la composition de la chanson «My fairy King» qui évoque une «mother Mercury», autre allusion aux tendances homosexuelles du chanteur. Lequel entretiendra toute sa vie le flou sur ce plan, multipliant les partenaires des deux sexes. Un look extravagant, la guitare prodigieuse de May et des compositions solides le plus souvent signées Mercury, propulseront très vite le groupe, malgré des critiques peu amènes, en une vertigineuse ascension vers les sommets des charts et, pour Mercury, vers le firmament des stars. Lui qui a vécu et ne tardera pas à se consumer comme une étoile.

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