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Patrick Delperdange : «Nous sommes tous composites»

L’écrivain sonde les noirceurs de l’âme humaine avec son dernier bouquin « L’éternité n’est pas pour nous ».

Temps de lecture: 4 min

Dans un petit village perdu au milieu de la campagne, Lila se prostitue pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille de 15 ans. Mais quand Julien, le fils SaintAndré, riche famille des environs, débarque complètement saoul avec ses copains, Lila comprend que les ennuis ne font que commencer. Si elle réussit à leur échapper une première fois, la situation va rapidement se corser. Danny et Sam, eux, errent dans la forêt à la recherche d’un refuge. Sam a dû emmener Danny hors de son foyer, après qu’il eut commis un acte irréparable. Par hasard, leurs chemins vont se croiser et bouleverser leurs vies, pour le meilleur comme pour le pire.

Pourquoi choisir des sujets si sombres, qui font ressortir le pire de l’homme ?

Il est difficile de s’analyser soi-même, mais je me rends compte que si je me laisse aller, mes histoires sombrent dans la noirceur. J’ai envie de montrer que les gens ne sont ni blancs ni noirs. Nous sommes tous composites, tissés de contradictions, car nous ne sommes pas des robots. Je veux faire sentir que tout le monde est partagé face à des choix difficiles.

Comment vous est venu le thème de ce roman ?

C’est très compliqué de mettre le doigt sur le processus menant à la création d’une idée en fait. Souvent, une scène ou un personnage me vient en tête et ce sera le début de la réflexion. Pour « L’éternité n’est pas pour nous », j’ai un jour pensé à la scène du début du livre : une femme qui attend des clients sur le bord de la route. Il m’est impossible de dire comment cette idée m’est venue, c’était comme une sorte d’intuition. Cela fait 35 ans que j’écris et je sais maintenant si mon intuition de départ sera bonne ou pas. Avec l’expérience, je me rends compte quand certaines scènes imaginées ou vécues pourraient donner lieu à des histoires intéressantes.

Après cette idée de départ, comment travaillez-vous ?

Quand je commence à écrire, je ne sais pas comment l’histoire va se poursuivre ni comment elle va se terminer. Je ne travaille pas sur base d’un synopsis que j’aurais préalablement établi. Chaque jour, j’ajoute des pièces au puzzle de départ. Pour continuer dans les comparaisons, c’est comme dans un labyrinthe. Il faut découvrir le chemin petit à petit, sans plan. En fait, j’entrevois vaguement la lumière à la sortie mais les chemins pour y accéder sont innombrables. Je préfère travailler sans schéma car je trouverais cela très ennuyant d’être obligé de mettre des mots sur une histoire que je connais déjà. Je préfère être surpris, rien n’est calculé.

Qu’est-ce qui vous plaît dans l’écriture ?

Quand j’ai fini mon travail, j’ai l’impression d’avoir justifié mon existence par rapport à une entité supérieure. Cela paraît pompeux mais cela signifie simplement que j’ai l’impression d’être à ma place. J’aime aussi l’ambiguïté de l’écriture, qui permet au lecteur la liberté de penser ce qu’il veut des personnages et de leurs actes. Je ne donne pas de réponse claire, je laisse ouvert à l’appréciation du lecteur. Mon roman idéal est une histoire simple, qui avec différentes strates met en œuvre des questions fondamentales. C’est ce que j’essaye de faire et j’espère que j’y arrive !

« L’éternité n’est pas pour nous », par Patrick Delperdange, éd. Equinox, 272 p., 16 euros.

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