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Com’ ils veulent et quand ils veulent: PNL ou l’art du teasing en silence (vidéos)

Communication minimale, efficacité maximale : une poignée de tweets et un clip, vu 34 millions de fois sur internet, ont suffi pour mettre en ébullition la planète rap et placer le duo français PNL sur la voie d’un succès retentissant avec leur nouvel album à paraître vendredi.

Temps de lecture: 4 min

Depuis l’annonce de la sortie de « Deux frères », leur 3e opus autoproduit, l’impatience grandit chez les fans du duo. « Dans le rap français, jamais un album n’aura été aussi attendu », soutient même le journaliste Olivier Cachin. Pourtant, comme à son habitude depuis ses débuts en 2015, le groupe des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes (sud de Paris), a communiqué au compte-goutte sur son retour après plusieurs mois de silence.

Le 7 mars, avec seulement deux mots ( « Ça arrive » ) et une émoticône (la Terre), ils ont rétabli le contact avec leurs suiveurs pour annoncer leur nouveau clip « Au DD », finalement dévoilé le 22. Les internautes, dont certains hypnotisés dès minuit, ont dû patienter jusqu’à 20H00 devant une vidéo de la Terre tournant sur elle-même avant de le découvrir. Avec au bout le titre et la date de sortie de l’album.

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Lassés d’attendre, des fans ont vertement exprimé leur colère et menacé de quitter le live. Jusqu’à ce qu’apparaisse soudainement à l’écran « Vous êtes sûrs  ? ». PNL ou l’art de tenir en haleine... Ademos et N.O.S., réputés pour leurs clips léchés, ont vu encore plus grand pour « Au DD », s’offrant le luxe de tourner des séquences spectaculaires en haut de la Tour Eiffel, à l’aide de drones. En a résulté un buzz énorme et persistant, qui se traduit par 35 millions de vues - pour l’instant... - et des records d’écoute sur les plateformes de streaming.

« Posture silencieuse »

Sur les réseaux sociaux s’enchaînent des commentaires dithyrambiques, l’exégèse des paroles, un « DD challenge » qui invite à imiter la danse d’un personnage du clip, une parodie intitulée « Oh DD » en hommage au sélectionneur des Bleus Didier Deschamps, et même la théorie du complot, d’aucuns prétendant que le clip n’a pas été tourné sur la Tour Eiffel. Allégation démentie par la société d’exploitation du monument parisien.

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L’écho a même gagné l’Amérique, puisque Billboard a intégré PNL à la 10e place du « Social 50 » qui recense les cinquante artistes les plus cités sur les réseaux sociaux à travers le monde. Le tout, sans que le groupe ait eu besoin de prendre la parole. « Ils ne l’ont d’ailleurs jamais fait », rappelle Laurent Bouneau, le directeur des programmes de la radio Skyrock, qui avait vu en 2015 un singe débarquer à leur place dans une édition de l’émission phare de la station, « Planète Rap ».

La revue américaine The Fader a quant à elle approché les deux frères en 2016... pour ne leur soutirer que des banalités. « Cette posture silencieuse les singularise et s’avère payante », analyse Louis Hallonet, directeur du pôle musiques actuelles au Bureau Export, qui soutient le développement des artistes français à l’étranger. « D’autant qu’à chaque fois qu’ils délivrent un contenu, ils mettent la barre haut. »

« D’autres comme Prince ou Daft Punk ont eu la même stratégie. Mais aucun n’a été au bout de cette démarche qui consiste à laisser le public dans un vide communicatif comme le fait PNL. Ce silence absolu fonctionne car public et critiques projettent ce qu’ils veulent dessus », ajoute Cachin.

« Conquérir le monde »

Une forme d’omerta entoure le duo. « Ils ont fait signer des clauses à ceux qui ont travaillé sur leur clip. Rien n’a fuité », affirme Cachin. Restent les paroles des chansons pour tenter de percer le mystère PNL. « On y entend le mal-être qu’ils éprouvent pour avoir dû vendre de la drogue afin de nourrir la famille, ‘Je mens quand je dis ça va’, dans la chanson ‘Oh lala’, témoigne en outre d’un réel spleen », décrypte Cachin, soulignant que « dans ‘Au DD’, ils évoquent leurs origines corse et arabe ».

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Ainsi, Ademos et N.O.S. s’effacent derrière leur oeuvre, pour mieux garder le contrôle total sur leurs projets. « Leur système de fonctionnement est artisanal. Comme tous les artistes qui s’autoproduisent, ils évoluent avec un encadrement restreint. Leurs cerveaux restent focalisés sur l’artistique. Ils ont des relais chargés d’amplifier tout ça sur les réseaux sociaux », détaille Louis Hallonet.

Quant à la diffusion, elle est assurée par Musicast, label propriété de Believe, leader mondial de la distribution numérique. PNL, qui n’avait pu jouer en 2017 au méga festival de Coachella, en Californie, faute de visa américain, « ambitionne d’ailleurs de conquérir le monde », selon Laurent Bouneau. « Ils nous ont demandé qui on recommanderait pour assurer la promo radio et presse de leur prochain album en Angleterre et en Allemagne », révèle Louis Hallonet. PNL dérogera-t-il à sa règle du silence ? « Nul ne sait », répond Hallonet. « Mais pour l’heure, leur plus belle stratégie d’export c’est le clip d’ ‘Au DD’. Ils rappent sur la Tour Eiffel, symbole français très fort qu’ils affichent au reste du monde ».

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