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Belgique : une personne sur deux victime de violences sexuelles

Amnesty International et SOS Viol ont mené un sondage sur les violences sexuelles et le viol. Ses résultats sont alarmants.

Journaliste Temps de lecture: 8 min

Une personne sur deux en Belgique a été victime de violences sexuelles (47 %) !

Un jeune sur quatre a été victime de viol (24 %) !

Une victime de violence sexuelle sur deux y a été exposée pour la première fois avant l’âge de 19 ans (48 %) !

Une femme sur cinq a été victime de viol (20 %) !

Seules 14 % des femmes qui ont porté plainte pour des faits de violence sexuelle se déclarent satisfaites de cette démarche !

Les chiffres sont inquiétants. À quelques jours de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars prochain, Amnesty International et SOS Viol publient les résultats d’un nouveau sondage réalisé par l’institut Dedicated sur le viol et les violences sexuelles en Belgique. Celui-ci montre notamment que la catégorie des 15-24 ans est la plus touchée par toutes les formes de violences sexuelles prises en compte dans le sondage. Le sondage révèle ainsi qu’un jeune sur quatre a été victime de viol et que minimum 48 % des victimes de violences sexuelles y ont été exposées pour la première fois avant l’âge de 19 ans.

C’est quoi une violence sexuelle ?

Peut-être vous demandez-vous ce qu’est une violence sexuelle ? Pour ce sondage, les personnes sondées se sont vu proposer une liste de différents comportements susceptibles d’être associés à de la violence sexuelle : formuler des demandes répétées et insistantes à caractère sexuel ; imposer des attouchements à une personne non-consentante dans des lieux publics ; imposer des relations sexuelles à son/sa partenaire alors qu’il/elle ne le souhaite pas ; imposer des rapports sexuels à une personne non-consentante (en d’autres mots, la violer) ; profiter d’un état d’ivresse/d’un état de dépendance d’une personne pour avoir des relations sexuelles avec elle ; lorsqu’un adulte prend contact avec un mineur via Internet pour tenter d’avoir des relations sexuelles ; photographier/filmer intimement sans que la personne ne le sache.

Le nombre de viols en augmentation

Les réponses apportées indiquent également que 47 % des personnes sondées affirment avoir été victimes de violence sexuelle. Par ailleurs, 20 % des femmes interrogées déclarent avoir été victimes de viol, ce qui représente une augmentation significative par rapport à un sondage similaire réalisé par Amnesty International et SOS Viol en 2014.

Parallèlement, 23 % des femmes sondées disent en outre avoir été forcées d’avoir des relations sexuelles par leur partenaire.

« Cette augmentation est à mettre en relation selon nous avec la libération de la parole des femmes, suite notamment au mouvement #MeToo et à toute la sensibilisation réalisée autour de la problématique du viol, mais elle n’en demeure pas moins extrêmement choquante. Ces chiffres laissent en effet penser que la prévalence du viol n’a pas diminué depuis cinq ans, voire qu’elle a augmenté. C’est un signal très fort que nos autorités doivent entendre. La Belgique peut et doit mieux faire pour endiguer ce fléau », explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International.

Des jeunes en manque de repères

Les chiffres concernant la perception de la sexualité chez les jeunes de 15 à 25 ans sont aussi très interpellants : un tiers des jeunes interrogé·e·s pensent ainsi qu’il est normal d’insister pour avoir des rapports sexuels et que l’on ne peut pas parler de viol si une personne ne dit pas explicitement « non ». Par ailleurs, seul·e·s 53 % d’entre eux·elles sont conscient·e·s du fait que le viol sur un·e partenaire est une agression sexuelle qui est passible d’emprisonnement. En ce qui concerne les garçons et les jeunes hommes sondés, un cinquième d’entre eux pensent qu’ils ne peuvent pas être accusés de viol par leur partenaire s’ils ont imposé une relation sexuelle, et un quart pensent qu’ils ne peuvent pas être accusés de viol par leur partenaire s’ils ont imposé une fellation.

« Les réponses fournies par les jeunes relatives aux stéréotypes entourant le viol et les violences sexuelles sont extrêmement inquiétantes, notamment en ce qui concerne la possibilité de dire « non ». Nous sommes tout aussi consterné·e·s par les manquements de nos autorités en termes d’éducation et de sensibilisation, y compris dans les écoles alors que le programme d’Éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) n’est pas encore généralisé », explique encore Philippe Hensmans.

« Face à ce double constat, il est urgent d’intervenir ; c’est pourquoi nous allons lancer une vaste campagne de sensibilisation sur le consentement, qui ciblera les garçons et les jeunes hommes, qui ne semblent pas toujours prendre la réelle mesure de la gravité de leurs actes et de leurs conséquences. »

Le consentement mal compris

Amnesty International s’alarme de la mauvaise compréhension par les jeunes de la notion de consentement. Selon des entretiens menés avec des jeunes en marge du sondage, il apparaît que ceux·celles-ci ne semblent pas toujours réaliser, notamment dans le cadre du couple, qu’avoir une relation sexuelle en l’absence de consentement est un viol, peu importe qu’il y ait eu de la violence physique ou non, et qu’il s’agit d’un crime passible de réclusion.

En effet, contrairement à la majorité des États européens, la loi belge définit le viol comme tout acte de pénétration commis en l’absence de consentement.

Des préjugés dévastateurs

La persistance des préjugés masculins sur la question du viol et des violences sexuelles est un autre élément particulièrement problématique émanant de ce sondage. Les réponses fournies par les hommes interrogés indiquent ainsi que 20 % d’entre eux pensent que les femmes aiment être forcées, et que la violence est sexuellement excitante pour elles. Plus inquiétant encore, ils sont 39 % à considérer que, lorsqu’il s’agit de porter plainte pour viol, les femmes accusent souvent à tort.

La question de la responsabilité de la victime souffre également de préjugés négatifs. Ainsi, 48 % des hommes et 37 % des femmes sondé·e·s estiment que des « circonstances atténuantes » liées au comportement de la victime peuvent exister dans certains cas, rendant cette dernière en partie responsable de son agression ; 16 % pointent les vêtements sexy, 16 % également le fait de ne pas avoir dit explicitement « non » et 14 % les « comportements provocants ».

Des victimes mal accueillies

Parallèlement, les personnes interrogées sont tout de même conscientes de l’impact négatif de ces stéréotypes. En effet, 90 % des sondé·e·s pensent que la crainte de ne pas être cru·e est un frein pour se confier et 85 % qu’il arrive parfois ou souvent qu’on puisse culpabiliser les victimes. En outre, plus de deux tiers des répondant·e·s estiment que le fait que l’accueil de la police ne soit pas optimal peut « certainement » ou « probablement » constituer un frein pour les victimes.

Ces opinions font ainsi écho à la position d’Amnesty International, qui demande que soit renforcée la formation de base et continuée des acteur·rice·s de première ligne, notamment policiers et judiciaires.

L’impunité des auteurs favorisée

En lien avec les perceptions des personnes sondées quant au caractère défaillant de l’accueil des victimes par la police, le sondage révèle que, parmi les femmes qui ont porté plainte pour des faits de violence sexuelle, seules 14 % se déclarent satisfaites de cette démarche.

Pointant d’autres dysfonctionnements en relation avec le parcours judiciaire des victimes de viol, 83 % des sondé·e·s pensent que les démarches en justice peuvent paraître lourdes (coût, durée, etc.) et dès lors constituer un frein pour les victimes. Parallèlement, 77 % des personnes interrogées considèrent que le fait que la justice ne soit pas efficace pour condamner les auteurs de viols peut être un frein aux démarches des victimes.

« Ces affirmations sont à mettre en relation avec les statistiques du ministère de la Justice montrant que, dans 53 % des cas, les dossiers de viol sont classés sans suite. Comme cela est mis en évidence par 68 % des personnes interrogées, nous estimons que ce phénomène favorise gravement l’impunité des responsables de viol. C’est pourquoi nous appelons toutes les autorités compétentes à prendre des mesures pour lutter contre l’impunité des auteur·e·s de viol et améliorer la prise en charge des victimes tout au long de la procédure, ce qui permettrait de redonner confiance aux citoyen·ne·s belges dans la procédure judiciaire », indique Philippe Hensmans.

Plus de moyens pour lutter contre les violences sexuelles

Face aux résultats alarmants de ce nouveau sondage, Amnesty International et SOS Viol demandent aux autorités concernées de se doter de moyens pour lutter efficacement contre le viol et les violences sexuelles, qui risquent de continuer à progresser si les manquements en matière de lutte contre ces fléaux persistent.

Les organisations appellent notamment à un renforcement de l’EVRAS, qui doit aborder la problématique des violences sexuelles et doit être dispensée à tou·te·s les jeunes de manière systématique ; à une meilleure formation des personnes prenant en charge les victimes (notamment le personnel judiciaire et policier) ; à la pérennisation et au développement des Centres de prise en charge des violences sexuelles ; à l’amélioration par la justice de la lutte contre l’impunité du viol, et à la publication de données statistiques, y compris le taux de condamnation pour viol ; à la pérennisation et au renforcement du financement de la ligne d’écoute gratuite pour les victimes de violences sexuelles (0800 98 100).

Une pétition contre les violences faites aux femmes

Ces demandes sont rassemblées dans une nouvelle pétition adressée au/à la futur·e Premier·e ministre, ainsi qu’aux ministres-présidents des Régions et Communautés afin que la Belgique se conforme totalement à ses obligations découlant de la ratification de la Convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes.

« Bien que la Convention d’Istanbul soit une disposition contraignante du Conseil de l’Europe, la Belgique ne respecte que très partiellement les engagements qu’elle a pris en la ratifiant en 2016. Depuis lors, ces engagements ont été appliqués à environ 20 %, ce qui est nettement insuffisant. Compte tenu de l’urgence et de la gravité de la situation, nous attendons de nos autorités qu’elles fassent beaucoup plus et mieux », conclut Philippe Hensmans.

Le sondage Amnesty International-SOS Viol a été réalisé en septembre-octobre 2019 par Dedicated, par Internet, sur un échantillon strictement représentatif, auprès de 2 300 personnes âgé·e·s de 15 à 85 ans (les répondant·e·s n’étant pas informé·e·s du sujet du sondage au moment du recrutement). Sur l’échantillon total, la marge d’erreur maximale est de ± 2,05 %.

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