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Un tiers des jeunes Américains n’ont pas fait l’amour depuis un an!

Aux États-Unis, les jeunes ont moins de rapports sexuels qu’il y a 20 ans. Comment comprendre cette évolution qui s’observe en Amérique comme dans d’autres pays ?

Journaliste Temps de lecture: 5 min

Aucun rapport sexuel durant la dernière année pour un jeune Américain sur trois ! Zéro coït orgasmique et zéro câlin partagé pour 30,9 % des « boys » âgés de 18 à 34 ans ! Les résultats de la dernière enquête d’envergure (1) menée par le National Opinion Research Center de l’université de Chicago, auprès de milliers de jeunes Américains (4291 hommes et 5213 femmes) impressionnent.

Et il n’y a pas que chez les garçons ayant entre 18 et 24 ans que le phénomène s’observe. Chez les adultes de 25-34 ans – tous sexes confondus cette fois – l’abstinence est également d’importance, touchant quelque 14,1 %. Ce sont principalement les hommes célibataires, ainsi que ceux qui ont des faibles revenus, sont au chômage ou bossent à temps partiel qui vivent cette absence de rapports sexuels.

L’enquête américaine menée pendant 18 ans, de 2000 à 2018 (avant le Covid !), montre encore que ce pourcentage est en augmentation puisqu’il était de 18,9 % en 2000 : une augmentation de 12 % en 18 ans. Chez les 25-34 ans, l’augmentation du « no sex » s’observe aussi, passant de 7 % en 2000 à 14,1 % en 2018.

Fréquence en baisse

Et pour ceux qui ont une activité sexuelle, l’étude de l’université de Chicago observe que la fréquence sexuelle diminue également : en 2000, 51,8 % des 18-24 ans déclaraient avoir au moins une relation sexuelle par semaine alors qu’en 2018, ils n’étaient plus que 37,4 %. Pareille diminution chez les plus âgés (25-34 ans) : en 2000, ils étaient 65,3 % à avoir une relation hebdomadaire contre 50,3 % en 2018…

La vie sexuelle des femmes américaines semble un peu plus stable car elle reste quasi inchangée chez les 18-24 ans. Il n’y a que chez les 25-34 ans que l’abstinence augmente : en 2000, elles étaient 7 % à ne pas avoir eu de relation sexuelle au cours de l’année précédente contre 12,6 % en 2018. Et pour celles qui ont une vie sexuelle, la fréquence des rapports diminue également car en 2000, elles étaient 66,6 % à avoir une relation sexuelle hebdomadaire, contre 54,2 % en 2018.

Un phénomène mondial

Il n’y a pas qu’aux États-Unis que le phénomène s’observe. En Europe, au Japon ou en Australie, plusieurs travaux confirment cette moindre importance de la rencontre sexuelle et la diminution de la fréquence sexuelle. Une étude allemande de 2016 montre que 20,3 % des jeunes entre 18 et 30 ans n’avaient pas eu de rapport sexuel depuis au moins un an alors que 11 ans auparavant, ils n’étaient que 7,5 %. Au pays du Soleil levant, pas moins de 42 % des hommes et 44 % des femmes âgées de 18 à 35 ans sont encore vierges, contre 26 % pour les jeunes Français. Une virginité que l’on peut mettre en lien avec une autre étude récente qui atteste que 46 % des femmes et 25 % des hommes âgés de 16 à 25 ans « méprisent » le contact sexuel. Une autre recherche anglaise menée en 2013 établissait que les Britanniques âgés de 16 à 44 ans avaient cinq rapports par mois, contre 6,2 en 2000. Même phénomène en Australie : le nombre de rapports est passé de 1,8 à 1,4 par semaine en 10 ans

La faute au smartphone

Comment comprendre cette tendance ? Cette récession sexuelle semble contraire à notre époque que l’on dit hypersexualisée et sans limite ! Selon l’américaine Jean Twenge, professeure de psychologie à la San Diego State University – elle a signé un passionnant ouvrage « Génération Internet » publié aux éditions Mardaga-, cette non-sexualité partagée manifeste au niveau de l’intime le fait que les jeunes ne sont plus pressés aujourd’hui de rentrer dans la vie adulte. Ils quittent plus tard la maison familiale, fréquentent plus tard une amie, se mettent en couple plus tard, font des enfants plus tard…

La psychologue que les chercheurs de Chicago ont invitée à commenter leur étude épingle encore l’importance que le smartphone a pris dans la vie des jeunes. Ceux-ci passent bien plus de temps sur leur téléphone au détriment des relations humaines. Et même quand ils sont dans la rencontre, ils semblent préférer regarder leur écran plutôt que leur interlocuteur. Le phénomène a pris une telle ampleur qu’il a un nom ! On parle aujourd’hui de « phubbing », soit le « phone snubbing », : « snubbing » étant le fait de snober son interlocuteur et de lui préférer son téléphone.

Et bien évidemment il n’y a pas que le smartphone que l’on peut incriminer, tous les nouveaux médias de communication, les instagram, twitter et autre facebook prennent du temps. Ces nouvelles technologies favorisent l’autarcie de l’individu comme l’échange virtuel plutôt que la sociabilité. Elles relient chacun à des milliers d’« amis » des réseaux sociaux et diminuent l’envie ou la possibilité de rencontrer et parler avec de réels copains.

De même les nombreuses séries disponibles sur Netflix n’incitent guère à sortir de chez soi et entrer en communication. On commence à regarder un épisode et se retrouve emporté tard dans la nuit.

Le porno et la sexualité solitaire

On peut aussi épingler l’importance du porno devenu si accessible. Dans une étude de 2017 « Declines in Sexual Frequency among American Adults, 1989-2014 » qui constatait également une diminution des rapports sexuels, la même Jean Twenge mettait cette fois en évidence l’influence du net. Internet offre un accès aussi facile qu’addictif à la pornographie et diminue d’autant l’attrait pour une sexualité partagée.

Et puis comment ne pas mettre en évidence l’influence de l’anxiété comme de la déprime sur cette non-sexualité partagée ? La dépression a augmenté de plus de 18 % en dix ans selon l’OMS. Les problèmes financiers et existentiels ne favorisent guère l’estime de soi si importante pour la rencontre. Ils ne portent guère aux plaisirs sexuels. Il faut de la légèreté, de l’intensité, de l’enthousiasme, de la force pour vivre la sexualité. Ce n’est pas pour rien que ce sont les hommes ayant de faibles revenus, les chômeurs ou les travailleurs à temps partiel qui sont particulièrement touchés par ce « no sex ».

Joëlle Smets

(1) « Trends in Frequency of Sexual Activity and Number of Sexual Partners Among Adults Aged 18 to 44 Years in the US, 2000-2018 » Etude de Peter Ueda, MD, PhD ; Catherine H. Mercer, Cyrus Ghaznavi, BA ; et al Debby Herbenick. Publication en juin 2020 dans JAMA

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