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Femmes en quête d’orgasme

Les femmes jouissent bien moins souvent que les hommes. Dans « Jouir », la journaliste canadienne Sarah Barmak nous en explique les raisons et présente des pratiques érotiques stimulant les plaisirs féminins. Interview.

Journaliste Temps de lecture: 5 min

Méditation orgasmique avec caresses clitoridiennes, massages intimes de la vulve, yoga nu, néotantra, apprentissage de l’edging pour approcher l’orgasme le plus possible, arrêter, reprendre ensuite et atteindre l’extase, zodiaque génital, pleine conscience sexuelle, soins de la vulve par fumigation…

Aujourd’hui des femmes cherchent à découvrir leurs plaisirs de toutes les manières. C’est que l’orgasme est devenu un impératif pour toute femme épanouie ; l’apex du plaisir est comme l’écrit Sarah Barmak « le signe universel d’un bon fonctionnement sexuel, et la source d’un sentiment d’insuffisance dans le triste cas où il tarderait à survenir. » Mais l’auteure de l’ouvrage « Jouir » ne blâme pas ces aventurières érotiques en quête d’orgasmes. Bien au contraire, elle nous montre combien leurs démarches, aussi originales soient-elles, peuvent aider les femmes à connaître mieux leurs corps et la puissance de leur sensualité. Trop de femmes encore sont insatisfaites de leur vie érotique ; plus de 50 % selon la journaliste canadienne. Et de nous préciser que cette insatisfaction a une origine très précise : une approche androcentrée du sexe et du plaisir liée à des siècles de patriarcat.

Interview de l’auteure qui signe un ouvrage très documenté et passionnant, tour à tour reportage, essai, recueil de réflexions personnelles et évocations des dernières découvertes scientifiques ayant trait à l’orgasme féminin.

BARMAK Sarah (c) Kayla Rocca Photography
Kayla Rocca Photographe

Malgré la révolution sexuelle, les femmes jouissent trop rarement. Vous expliquez combien longtemps l’anatomie féminine – le clitoris en particulier – est restée méconnue. Selon vous, est-ce la cause principale de l’écart orgasmique qui existe entre les hommes et les femmes ?

C’est une raison parmi tant d’autres. Le manque de connaissance généralisée du clitoris, de ses dimensions internes et de son rôle central pour le plaisir, explique en grande partie l’« écart d’orgasme » entre les sexes. L’anatomie clitoridienne est toujours une note de bas de page, quand elle existe, dans l’éducation sexuelle que beaucoup reçoivent à l’école (du moins en Amérique du Nord ; peut-être la Belgique est-elle plus avancée !). C’est pareil dans de nombreux textes médicaux. Nos corps reflètent nos esprits. Si le clitoris ne vient pas beaucoup dans nos esprits, alors nous ne le touchons probablement pas et nous ne sommes pas non plus ouvertes à ressentir des sensations.

Pour aider les femmes à vivre l’orgasme, vous recommandez de ne pas y penser afin de ne plus subir l’obligation de jouissance. Vous parlez même de jouer plutôt que jouir !

C’est paradoxal mais vrai. Si avoir un orgasme est difficile, parfois « essayer » d’en avoir un rend la chose plus difficile à atteindre. L’orgasme ne devrait pas être une nouvelle autre chose que les femmes « devraient » essayer d’atteindre. Abandonner cet objectif permet de se détendre plus facilement et la relaxation est la clé du plaisir. Et si j’explique qu’il faut jouer c’est pour la même raison ; il est utile de laisser tomber les objectifs. Il est plus facile d’éprouver du plaisir si votre seul objectif est de jouer, pas nécessairement d’avoir un orgasme. Et le plaisir est bien plus qu’un orgasme.

Vous nous parlez de méditation orgasmique, de massage de la vulve, de néotantra. Ne pensez-vous que ces approches sont trop audacieuses ou trop originales pour aider les femmes ? Pourquoi choisissez-vous de leur accorder de nombreuses pages ?

Tant de femmes choisissent d’expérimenter ces jours-ci des formes alternatives de sexualité ; pas seulement des pratiques sexuelles spirituelles, mais aussi regarder du porno et créer les leurs. Mon rôle de journaliste est de documenter ce qui se passe, pas de juger si c’est trop audacieux. Les femmes font leurs propres choix. Et les femmes sont plus étranges que nous ne le croyons. Bien sûr, ces activités ne conviennent pas à tout le monde. Mais lorsque des mamans de banlieue, des jeunes de 20 ans au festival Burning Man comme de 65 ans expérimentent leur sexualité, il est important de raconter cette histoire et de se demander pourquoi cela se produit.

Vous nous parlez également de la pleine conscience, une approche accessible et efficace, dont plusieurs études scientifiques ont montré la pertinence. Pouvez-vous nous en parler en quelques mots ?

La pleine conscience est probablement la thérapie la plus efficace et la plus sûre jamais découverte pour les problèmes sexuels, en particulier pour les femmes. Cela a été démontré dans des études cliniques. En un mot, les femmes s’entraînent à être conscientes des sensations de leur corps et à les laisser surgir sans jugement. Elles apprennent également à laisser les pensées surgir et disparaître, même si elles sont négatives. Cela est utile car les pensées négatives et de jugement sont les plus grandes distractions qui entravent le plaisir des femmes.

Pendant la préparation de ce livre, vous rencontrez une femme qui vous interroge sur la pertinence de votre travail et vous demande s’il n’est pas superficiel. Pourquoi le plaisir féminin est-il important ?

Pendant que je dînais un soir, une femme m’a demandé pourquoi écrire sur le sexe est important dans un monde où les femmes sont aux prises avec des problèmes plus graves : des salaires moins importants que ceux des hommes, le viol, la violence domestique, etc. C’est pourquoi j’ai consacré le dernier chapitre de mon livre à répondre à cette question. Le plaisir n’est pas seulement important – il est nécessaire aux femmes et aux personnes de toutes les identités de genre. Le plaisir guérit. Si 51 % du monde se voit refuser l’accès à celle-ci, la connaissance de leur corps et la honte d’avoir exploré quelque chose avec lequel elles sont nées, c’est comme se voir refuser la bonne nourriture ou marcher au soleil un jour d’été. C’est se voir refuser quelque chose qui rend la vie digne d’être vécue, et quelque chose qui nous donne de l’énergie pour surmonter toutes les luttes des femmes ou des genres non binaires dans le monde. Le sexe fait partie de ce qui fait de nous des humains.

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Jouir est publié aux éditions Zones, 208 p, 17 euros

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